PHASE 3

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Après quelques semaines passées à mépriser l'homme que ses amies traitaient de bête, la peine était passée. Le sentiment d'amertume semblait s'être dissiper. Oui, après quelques nuits de pleures, de réflexions et de résignation, elle comprit.
Elle comprit que derrière tout cela se cachait un être blessé par la vie. Elle aurait dû le comprendre à la minute où son cœur s'est mis à palpiter. Elle a toujours eu un faible pour les oiseaux blessés.
«Je ne peux voler de mes propres ailes, alors je penserais vos blessures et vous aiderais à voler.»
Elle voulait sauver les autres avant de savoir comment se sauver elle-même. Et il était, à ses yeux, ce genre d'oiseau.

Plus tard dans l'année elle apprendra qu'il déversait sa rancœur sur toutes ces femmes en l'honneur de celle qui a, un jour, torturé son âme. Il les mettait à l'épreuve, les manipulait, les rendait heureuses puis les brisait d'un coup de maître. Il était fort à ce nouveau jeu. C'était devenu instinctif.

«Il n'y a pas pire traître que l'Homme blessé. L'instinct de survie s'enclenche. Plus rien ne compte autours. L'humain est tel, de nature imparfaite.»
Il semblait prendre plaisir à ce jeu, c'était selon ses règles à lui. Il avait le contrôle sur ses émotions. Peut-être même, s'interdisait-il d'en avoir ? Le brisé s'était fait briseur. Son jeu était devenu sa vie. «Mais celui qui joue à répétition devient dépendant du jeu. Et l'addiction n'a rien de glamour, on fini toujours par s'en prendre plein la gueule.»
C'est ce qu'il s'est passé par la suite.

Quoi qu'il en soit... Elle, semblait être passé à autre chose. Elle en parlait toujours autant, mais toujours avec plus de calme. Elle y pensait beaucoup, elle cogitait la nuit ; elle voulait comprendre le fonctionnement du cerveau masculin. Elle lui cherchait des excuses, se mettant alors à le défendre. «Mais comment peux-tu défendre et trouver des excuses à celui qui t'a fait tant de mal ?» lui répétaient ses amies. Mais la jeune femme n'est pas rancunière, elle ne l'a jamais vraiment été. «Et ça aurait pu être pire.» pensait-elle, persuadée d'avoir exagérer choses.
«Mais ce qui est grave pour moi, ne l'est peut-être pas pour l'autre ? Chaque cœur est unique. Il ne peut supporter toutes les choses que son voisin endure. Et vice versa.»
Elle a ce caractère empathique, qui la pousse a toujours vouloir se mettre à la place des autres afin comprendre le pourquoi de leurs actes ainsi que la douleur qu'ils cachent. Malgré tous les dires de ses amies, elle le voyait désormais comme une belle personne faisant les mauvais choix. Aujourd'hui encore, c'est comme ça qu'elle le voit.
Pourquoi ? Elle ne le sait pas... C'est juste comme ça.

Elle a plus tard retrouvé une certaine stabilité, l'équilibre émotionnel qui lui avait manqué. Mais le jeu a repris sans prévenir ses joueurs.
Elle, pensait que la partie était finie. Lui, avait juste mis sur pause. Il l'a prenait pour acquise. Et tout était plus intense la seconde fois. Des choses ont été dites, des larmes ont coulées. Il a fait des choses... elle en était dégoûtée. Elle pensait qu'il avait appris de ses erreurs et qu'il pouvait changer, même si ça n'était pas pour elle. Elle croyait en lui. Elle avait espoir. Mais finalement ce sont ses amies qui avaient raison. «Il ne changera jamais. Tu perds ton temps».

Et ses émotions l'ont submergé. Ce jeu l'a consumé. Un soir d'été, elle a fini par perdre pied. Ou était-ce sa raison qu'elle était en train d'y perdre?
«J'ai lancé les dés. J'ai perdu... I've loved but I've lost." ... Take Care passait en boucle. Et la pauvre n'arrivait plus à réfléchir, à penser, à raisonner de manière rationnelle. Elle était consumée par la jalousie, la colère et une mélasse de sentiments nouées et refoulés depuis tant de mois.
«Je ne le hais pas. Je ne peux pas.»
Mais l'amour qui n'est pas consommé consume le corps et l'esprit. Cet amour était poison, et elle n'a pas trouvé le remède. Elle est resté dans ce brouillard longtemps. Bien trop longtemps.

Après une année émotionnellement difficile, beaucoup de choses ont changés. La jeune fille est devenue jeune femme.

À 19 ans, elle a changé de cap. Elle ne le voit plus, ne l'entends plus. Elle voit à peine le bout du tunnel: c'est une lueur qui vient frapper son cœur. Elle en avait besoin. Les sentiments de dépendance, de manque, d'absence sont encore bien présent, ils sont comme encrées.
«Mais il ne faut pas chercher à oublier, à effacer. Il faut se souvenir pour avancer.»
Et ce sont ces événements de la vie qui nous construisent.
«C'est devenu une part de moi. C'est la raison pour laquelle je suis qui je suis. Je ne veux rien oublier. Jamais» Mais la mémoire est chose fragile.

Elle a passé une année à tenter d'oublier et la suivante à vouloir se souvenir. Mais le temps estompe les souvenirs, comme il estompe la douleur et l'amour amer. Pourtant elle n'oubliera jamais sa voix lui murmurant de jolies choses, l'eclat de son visage sous un rayon de soleil, le sourire malicieux que dessine ses lèvres, son regard tendre, ou encore cette sensation, ce frisson : ses poils se hérissant à son toucher.
«C'est en quelques sortes le premier amour de toute une vie. Au fond, ces émotions chaotiques sont inoubliables... »

Aujourd'hui elle a 20 ans, lui en a 23. Elle ne sait pas ce qu'il devient, mais elle n'oublie pas.

«Non, rien de rien... Non, je ne regrette rien. » _ Edith Piaf

À toi, cher "Il" : Joyeux Anniversaire.

_ juin 2018

Elle & LuiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant