Dangereuse

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Nous avons réussi !

Depuis que j'ai reposé le téléphone, cette annonce tourne sans fin dans mon esprit et m'entraîne dans une danse un peu folle. C'est tellement extraordinaire. Presque..inattendue.

Un instant, je ferme les yeux, tente sans succès de mettre des images sur ces mots hurlés un peu plus tôt dans mon portable. Mais je n'y parviens pas.

Nous avons réussi !

Puis je repense au second cri, plus fort encore.

Et nous avons fait mieux qu'eux !

Dans l'instant, j'ai sentie un immense poids quitter mes épaules. Des semaines de doutes et d'inquiétude viennent de s'envoler. Des semaines d'attente aussi, sans savoir s'ils allaient ou non réussir.

Le soulagement est tel que mes jambes menacent maintenant de se dérober.

Ah, si javais eu quinze ans, j'aurais pu faire partie de leur groupe. Mais il me manquait six mois pour atteindre l'âge légal. Six misérables mois. Cent quatre-vingt jours. Cent quatre-vingts barres à tracer sur le mur de ma chambre pour symboliser le rapprochement de mon départ.

Je fais un pas vers la fenêtre. À l'extérieur, tout me paraît identique et pourtant, dans ma tête, rien n'est plus comme avant.

Je regarde un moment ma ville, me laisse bercer par tous ses bruits.

Bientôt ce sera mon tour ! Voilà ce que j'ai envie de crier. Au lieu de cela, je prends une longue inspiration pour faire baisser la tension qui m'habite. Oui, bientôt, ce sera mon tour. Il y a si longtemps que j'attends ce moment.

Pour espérer réussir et peut-être faire encore mieux qu'eux, il me reste cent quatre-vingts entraînements.

C'est à la fois long et ...très court.

J'attrape mes affaires, me précipite dans l'escalier. Oui, je ferai encore mieux qu'eux, et tout va changer.

Après avoir déboulé dans la rue, je me précipite vers l'arrêt de bus de peur de le rater comme la plupart de mes réveils difficiles. De rudes efforts accomplis, je m'arme de ma carte de bus accompagnée de mes écouteurs. Je compte m'asseoir tout au fond du véhicule, éloignée de toutes les stupidités des collégiens populaires .

Et sur le chemin de ma place, j'entends un mot, soufflé dans un murmure mais pourtant assez haut pour que j'entende à travers mes écouteurs que cela m'est adressé.

« Dangereuse »

Je me retourne en vitesse pour mettre une tête sur cette voix certes mélodieuse et rauque -foutue hormone !- mais surtout qui vient de m'insulter. Et pendant une minute je balaye mon regard rempli de haine sur....une place vide ?

Je cherche désespérément mais non, il n'y a personne, juste une place dénuée de personne et surtout de couleur si je puisse me le permettre.

Je n'essaye de ne plus faire attention, je suis sûrement en manque de sommeil, alors dépitée je rejoins mon précieux siège. Perdue dans ma bulle, je ne cesse de penser à cet avertissement .

Cette voix ne devrait même pas attirer mon attention mais... elle m'obsède, elle paraissait si réelle, si familière....

Peut-être que je devrais en parler à quelqu'un ?

Non.. ils me prendraient pour une folle.

Puis j'en viens à penser au garçon derrière le mur. Je ne le connais pas physiquement mais je sens que le mur qui sépare nos deux collèges nous rapproche au contraire, comme un lien !

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