Something filled up my heart with nothing

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Dans le lycée plus vieux que l'Homme, dans la salle de science au fond du couloir, assis à la chaise de sa paillasse, il regarde l'affiche. JungKook qui a posé son stylo sur sa feuille toise cette affiche censée expliquer comment dessiner une molécule pour les nuls. Enfin, peut être pas pour les nuls mais au vue des couleurs et de la tête des bonhommes il se dit que c'est pas pour ceux qui ont inventé l'eau tiède. En tout cas ses deux yeux sont bien fixés sur cette affiche accrochée en haut du mur vert. Ses paupières tombent.

Parfois quand on est en cours on arrête d'écouter les choses de l'intérieur.

C'est comme se projeter hors du monde, de regarder la scène derrière son écran. C'est comme voir le film de sa classe et entendre tout ce qu'on entend pas
d'habitude.

En fait c'est un ensemble.

Les gens qui parlent, les voix des élèves qui se mélangent, celle du prof qui se monte, le brouhaha, les rires, les stylos qui claquent, les trousses qui se ferment, les doigts qui frappent contre les tables, les pages tournées, les chaises qui raclent le sol, bien orchestré l'un après l'autre mais tous ensemble aussi. C'est presque joli.

Comme une symphonie.

Et puis au bout d'un moment on est plus extérieur au film, on devient le personnage principal. Comme lorsque le héros se prend une belle claque en pleine face et que le monde tout autour devient de trop. Alors là les particules du son rentrent par ses oreilles et envahissent son cerveau. Sauf que c'est une source inépuisable de bruit qui prend de la place partout à l'intérieur.

Et puis ça se met à grandir, à s'élargir, à s'allonger, à devenir dense, condensé, étroit, étriqué, insupportable.

Et quand le bourdonnement a l'air sur le point de vous exploser la tête, ça s'arrête.

Le monde revient, comme avant. Mais on n'est plus jamais le même.

Ou pas, d'ailleurs.

JungKook rouvre les yeux, les détache de l'affiche débile pour les porter à peu près nulle par. Et le brouhaha est toujours là. Il entend le gars à la paillasse derrière lui qui clame des conneries d'une voix plutôt antipathique. Alors il se tourne et se penche un peu vers lui. Le gars le regarde et lui fait un signe qui veut probablement dire « y a quoi ? ». Et JungKook lui dit :

« Je suis puceau. »

Le gars fronce les sourcils, le visage marqué d'une incompréhension profonde et presque philosophique pendant que Jimin qui était assis à côté éclate de rire en tapant sur sa table car Jimin est une personne discrète et subtile. JungKook sourit. Mais quand il se retourne, le regard vague, son sourire s'échappe. Quelques minutes plus tard la sonnerie retentit. Il est le premier à sortir.

Dans les vestiaires qui sont en fait un dédale de casiers et de bancs où se bousculent des gars humides d'eau et de transpiration qui se lancent des boutades sur leurs muscles, JungKook rentre presque en furie. Il marche droit, se tourne à toutes les rangées, les mains accrochées à son sac. Certains gars l'interpellent pour savoir ce qu'il fabrique pendant que d'autres le regardent juste passer en n'y comprenant rien. Finalement JungKook trouve ce qu'il cherche, tourne et s'arrête.

« -Yo. »

TaeHyung a un sursaut.

« -Woh, JungKook. Bordel »

Il porte sa main à sa poitrine, recouvrant l'avant de son torse nu avec le pull qu'il était sur le point de remettre. Son autre main crispée qui s'était posée sur la porte en métal d'à côté se détend lentement. Il soupire. JungKook jette un coup d'œil à son dos fin mais ne s'y attarde pas vraiment. Il est pas là pour ça. Il appuie sa tête sur la surface rouge.

L'Empire des Lumières / SOUS CONTRAT D'ÉDITIONOù les histoires vivent. Découvrez maintenant