Mails de survie:

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Tu émergeas brusquement. Tes pieds touchèrent timidement le sol gelé. Encore, une journée identique. Pour toi, le petit-déjeuner passait en second plan, le plus important était de gratter un maximum d'heures de sommeil.

Trente minutes de métro, plongée dans le brouillard, ce trajet restera un vague souvenir pour toi. Tes paupières lourdes, les alentours défilaient sans interruption. Ta façade devenait livide, ternie par des cernes. Les passagers se bousculaient, des nouvelles têtes qui disparaissaient de ta mémoire instantanément. Une horde de zombies se concentrait sur un point dénué d'intérêt, d'autres tapaient sur leur smartphone.

Tu te contentais de vivre. Tu t'étais habituée à ce brouhaha incessant, celui d'une ruche où chacun exécutait une fonction précise, ne se posant pas de questions. Qui représentait la reine? Nommée Société, elle nous façonnait à sa manière, leur chuchotant ce qu'ils devaient faire. Tu n'en avais pas conscience mais au fond du gouffre, dans les abysses, une lumière de vie émettait. Tout autour, même les robots les plus perfectionnés avaient cette lueur en eux. Comment leur faire comprendre ? Si, une chose, qui animait chaque être humain, tous, sans exception : l'espoir.

Tu saluas tes collègues de travail et t'installas mécaniquement devant ton ordinateur. Rien de palpitant, tu t'asseyais en face d'un écran et avec unique mouvement, tes yeux qui parcouraient les différentes fenêtres. Un clic, suivi de nombreux gestes similaires ; un café à la pause, le temps d'écouter quelqu'un déballer des mensonges ; le roulement d'un siège, le regard insistant de ton voisin, les soupirs, un autre gobelet qui se vidait.

La matinée se déroula comme d'habitude. Tu mâchouillais l'un des sandwichs infects du self. Éblouie tous les jours, par les vives couleurs de ces murs, passant d'un jaune moutarde à de l'orange pétant ; les chaises, les tables, les comptoirs, étaient assortis à ce mélange étrange. Ton interlocutrice débitait des paroles inintéressantes. Ton attention se reporta sur ton téléphone. Parmi les notifications, le mien t'interpella. Ta pseudo amie tordit le cou, réprimant un gloussement.

— Qui envoie un mail aujourd'hui, si ce n'est pas pour bosser ! Il existe les réseaux sociaux, clama-t-elle, en faisant claquer sa langue contre le palet.

Tu l'ignoras et cherchas la raison pour laquelle, je n'avais rien écrit. Tu téléchargeas mon dossier en pièce jointe mais un message d'erreur apparut. Tu constatas que mon mail avait disparu de ta boîte de réception. Impossible pour toi de le récupérer et encore moins, mon nom d'expéditeur. Tu se souvins de l'heure d'envoi : minuit. Tu revins sur la page d'accueil, un attrape rêve en fond d'écran, les plumes blanches se confondaient avec le fond.

Les heures tournaient lentement, pendant que ton esprit gravitait autour de cet élément inhabituel. Qu'est-ce qui était enfermé dans ce logiciel ? Tu t'imaginais des scénarios les plus rocambolesques. Tu te refusais de croire que je m'étais trompée de destinataire, te persuadant que ton intuition te dictait qu'une chose merveilleuse allait se produire.

Tu eus en partie raison car une semaine s'écoula et à la pause de midi, tu découvris mon nouveau courriel. Surprise et à la fois heureuse, tu te rendis compte qu'il était vide de caractères. Mais un fichier se trouvait là, prêt à bouleverser ta vie.

De : erreur de chargement

À: Enora.Deram@orange.fr

Objet : Vérité.

La moitié des éléments étaient absents mais tu n'y pris guère attention. La barre de chargement se finit et un poème s'imprima dans tes pupilles.

Un papillon de nuit,

Ses ailes contrant la pluie,

Cherche à chasser l'ennui.

Mails de survie (nouvelle)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant