Chapitre 1 - C

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- Cassiopée, au travail ! Tu n'es pas en pause.

Mon patron me regarde, accoudé à sa Berline noire, une clope à la bouche. Son regard énervé me jauge, à l'affût d'un quelconque signe de désobéissance. Depuis deux ans, je nettoie tous les jours ses voitures pour mettre un peu d'argent de côté. On ne peut pas dire que j'ai un boulot qui fasse rêver mais je me force à travailler dur, espérant mettre des sous de côté pour pouvoir quitter Los Angeles à la fin de l'année. Le travail est laborieux sous la chaleur mais je garde le sourire. Le soleil est de sortie et le vent de mars me rafraîchit. Et puis, quand je pense à décembre et à mon départ, je pense au bonheur qui n'attend que moi sur les cinq continents. Pourtant, une part de moi s'en veut de tout laisser tomber pour aller m'aventurer sur des territoires que je ne connais pas. Ma famille vit ici et mon frère se mariera en janvier prochain. Je ne pourrai pas assister au plus beau jour de sa vie. Je sais qu'ils ne m'en veulent pas, lui et sa fiancée, mais je ne peux pas m'empêcher de culpabiliser. C'est dommage. C'est un événement important de sa vie que je ne devrais pas louper.

Gérald, me détaillant toujours hautainement, tarde à me donner ma paye quotidienne. Il tend vers moi deux billets de vingt. Je me dépêche de les saisir avant qu'il ne se désiste et qu'il ne les range. Ma voiture en marche, je démarre en trombe pour échapper à ses iris noisette que je ne supporte plus. Plus j'avance vers le centre de la ville, plus la circulation est dense. Les touristes commencent doucement à envahir la Californie. J'ouvre la fenêtre et aspire une bouffée d'oxygène qui me redonne une contenance. J'aime mon pays et j'aime mes racines mais les souvenirs que j'y ai me poussent à explorer de nouveaux horizons. Depuis petite je rêve de marcher dans les pas de mon grand-père. Il a toujours su croire en ses rêves et eu la détermination pour les réaliser, peu importe les sacrifices à faire. Il est mort en dormant au sein d'une tribu africaine. Il est mort en faisant ce qu'il aimait le plus au monde.

Au fur et à mesure que j'avance, la boutique de mes parents, le Cupcake's time, se dessine sur la place qui fait face au Pacifique. Le parking est bondé et la queue pour acheter ces petits gâteaux savoureux s'étend jusqu'aux vieux escaliers en bois qui bordent le sable blanc. Le bruit des vagues m'apaise et l'odeur de la marée montante créée en moi une sensation de bien-être. Ne faisant pas attention aux protestations que poussent les gens, je les double et pousse la porte. Quand le visage radieux et ensoleillé de ma mère m'apparaît, je ne peux m'empêcher de sourire à mon tour. Heureuse, je me place derrière le comptoir. J'ai à peine le temps d'enfiler mon tablier que les grognements de Laïna me parviennent. Soucieuse, je m'avance vers la cuisine et pouffe silencieusement de rire quand je vois son visage, rouge et décomposé. Je la connais assez pour savoir qu'elle est énervée. Les mains dans le saladier, elle tourne sa tête vers moi en m'entendant arriver. Elle me sourit. Un sourire un peu forcé, mais un sourire quand même et en ce moment,  je suis fière que mon frère partage sa vie avec une femme aussi forte et rayonnante.

- La pâte est trop liquide, je ne comprends pas.

- Laisse-moi regarder ça.

Je m'approche et un large sourire se dessine sur mon visage quand je vois sa pâte à cupcakes aussi liquide que celle d'une pâte à crêpes. Son visage ne m'aide pas à rester sérieuse. Me voyant hilare, elle grogne et marmonne quelques mots dans sa barbe. J'adore quand elle fait ça.

- Alors ? Tu as trouvé ce qui peut bien clocher ?

Mes yeux parcourent la cuisine et quand je vois le paquet de farine encore fermé sur le plan de travail, je ne peux m'empêcher de taper ma main sur son front.

- Tu as oublié de mettre la farine.

- Oups ?

Alors que nous rectifions ses erreurs d'inattention, Laïna, en entendant des bruits de pas se rapprocher se tourne. Odysse se tient dans l'encadrement de la porte, un sourire radieux au visage. Les deux fiancés accourent dans les bras l'un de l'autre me faisant déprimer face à ma vie sentimentale inexistante. Après une étreinte passionnée, mon frère tourne sa tête vers moi et, comme s'il avait compris l'objet de mes pensées, esquisse un rictus à peine visible, venant me prendre dans ses bras. Sa bouche près de mon oreille, il chuchote :

Love Under The SunsetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant