2 novembre

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Enregistrement de la séance du 02/11 - Cabinet du Dr. Roberts

Patiente : Marion Evans

" J'ai encore eu ce rêve cette nuit. Je devrais même dire "cauchemar". Ca doit être la troisième fois cette semaine. Je n'ai pas noté les précédents, j'ai d'abord cru à de simples cauchemars après la période d'Halloween. On a regardé plein de films d'horreur avec Mélissa... Je regrette, j'aurais dû tout écrire. Maman me dit toujours de tout noter. A présent, je n'ai plus que de vagues souvenirs, des bribes d'images qui refont surface, mais sans réel lien. Tout ce dont je me souviens, c'est cette présence.
Cette nuit, j'ai rêvé de Marie. Je jouais avec elle dans le salon, on rigolait bien toutes les deux. Je crois que notre jeu n'avait aucun sens mais on rigolait beaucoup toutes les deux.

- Ca m'a tout l'air d'être un joli rêve. Pourquoi me parles-tu de cauchemar, Marion ?

- Oui, au début tout est normal. C'est comme ça à chaque fois. Je suis à la maison et je passe de bons moments avec ma soeur ou avec mes amies. Mais il y a quelque chose d'autre.

- Quelque chose d'autre ?

- Quelque chose de sombre qui me suit constamment. Je ne vois rien, il n'y a personne d'autre dans la pièce, mais je sens une présence. Je sens cette chose me regarder, me surveiller, mais moi je ne peux pas la voir. Et à partir de ce moment, tout bascule. Je ne ris plus, je ne joue plus, je ne sens plus que le regard pesant de cette présence, qui m'oppresse et m'emprisonne. Mais personne ne semble comprendre, au moment où je crie à l'aide, tout le monde me regarde. Ils ont tous les yeux rivés sur moi et ne semblent pas comprendre. Ils ont un regard inquiet et embarrassé pendant que je suis là, à leur demander de m'aider parce que je sens que quelque chose ne va pas. Puis, doucement, ils quittent tous la pièce et me laisse seule, face à cette chose qui s'empare de moi sans me laisser respirer. J'ai l'impression de devoir me débattre pour pouvoir me réveiller.

- Et cette "présence", comme tu dis, tu sais qui c'est ? Tu la reconnais ?

- Non, ce n'est pas quelqu'un... Je ne sais pas comment dire. C'est plutôt comme un brouillard, une ombre que moi seule peut sentir...Vous voyez ?

- Hm, oui. Tu sais Marion, je ne pense pas qu'il y ait besoin de t'inquiéter. C'est la reprise des cours, tu es un peu stressée, mais on en a déjà parlé. Continue à bien noter tes cauchemars, c'est très bien, mais ne t'inquiète pas. Je vais te donner un petit quelque chose pour que tu dormes mieux et tu vas continuer ton nouveau traitement, d'accord ? Et pense à bien faire les exercices qu'on a vus ensemble. On se revoit lundi.

- Oui. Merci... Au revoir."

Journal intime de Marion Evans daté du 02/11

Encore un rendez-vous très utile avec le Dr. Roberts. Parfois, j'ai l'impression que plus je me confie à lui, moins il m'écoute. Je dois avouer qu'au départ je le considérais comme mon sauveur. Enfin quelqu'un qui allait m'écouter et essayer de m'apporter de l'aide. Dans l'enfer dans lequel je me trouvais à l'époque, il était la lueur qui me donnait de l'espoir. Mais mes espoirs se sont vite écroulés ; finalement, c'est un médecin comme un autre qui m'écoute d'une oreille et me gave d'antidépresseurs pour que j'arrête de me plaindre. Maman l'adore pourtant, et le trouve de très bon conseil. Selon elle, il m'a "très bien cernée" et m'a énormément changée. J'aimerais lui dire qu'il n'y est pour rien et que si je vais mieux aujourd'hui, c'est uniquement grâce aux efforts que j'ai fournis. Mais soit, laissons ce mérite à notre cher Dr. Roberts ... ce qui me laissera l'occasion de retourner dans l'adorable petit café à côté de son cabinet. J'ai pris l'habitude de m'y arrêter après mes séances. C'est comme une petite récompense qui rend les heures passées avec Dr. Roberts un peu moins douloureuses.

J'ai décidé de tester toutes les variétés de café qui sont proposées. Aujourd'hui, c'était cappuccino chantilly. Je me suis assise à ma table préférée, une petite table pas trop éclairée au fond du bar. De là, j'ai vue sur tout le bar. Je peux entendre des bribes de conversations ou observer les passants à travers les grandes baies vitrées. J'essaie d'imaginer où ils vont, ce qu'ils pensent. Pendant un instant, furtif mais parfait, je ne suis plus Marion.

Retour à la maison et retour de l'éternelle question "alors, c'était comment ?". Maman est persuadée que les séances avec le Dr. Roberts ne sont que révélations et confidences sur le vrai sens de la vie. Je suppose qu'elle imagine que j'en ressors grandie et initiée aux mystères de ce monde. Chère maman, la vérité est malheureusement toute autre. Je passe des heures à raconter ma vie et à parler de toutes les petites choses insignifiantes de mon quotidien en essayant d'y chercher du sens, de créer des liens pour savoir ce qui cloche réellement chez moi. Le Dr. Roberts répond la plupart du temps par des généralités effrayantes, "ah oui, c'est un problème que rencontrent beaucoup de filles de ton âge", "je comprends, mais ce n'est qu'une période difficile à passer". Mais je ne t'en veux pas ma petite maman, je sais que tu espères simplement qu'il m'apporte le soutien et l'aide dont j'ai besoin. C'est ce que j'espérais aussi.



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