J'avais 8 ans lorsque mes parents et moi sommes allés au bord de ce lac. Un endroit féerique qui me mit des étoiles plein les yeux au premier regard et je m'imaginais mille et une histoires fantastiques en quelques instants. Je sentis la main de ma mère se resserrer autour de la mienne tandis que nous nous approchions du bord de ce lac. Soudain, une violente pression me fis tomber dans l'eau. Je n'avais pas pied et je ne savais pas encore nager. Dans ma lutte pour la vie, je voyais sur le rivage à quelques mètres de moi, mes parents immobiles me fixant d'un regard sans appel... Par miracle et à coups de pieds irréguliers je parvins à les rejoindre et je m'affalai sur les galets de la petite plage. J'étais épuisée et j'essayais de reprendre mon souffle, ma mère posa une main affective sur mon dos mais moi je la sentis froide et effrayante... Elle me demandait si j'avais eu peur, si j'arrivais à respirer normalement. Sa voix était douce et régulière, elle n'avait pas l'air paniqué du tout, quant à mon père, c'est à peine si il m'avait adressé un regard après mon accident. Que dis-je? Ma propre mère m'avait volontairement balancée dans un lac et m'avait regardée me noyer ! Malgré mon jeune âge je savais que mes parents avaient essayé de m'assassiner... Leur propre fille, leur fille unique! Après cela je ne montrais plus aucun signe affectif à leur égard. Ou peut être que si je ne sais plus, j'avais seulement huit ans...
Aujourd'hui, huit années plus tard, les seules choses que je partage avec eux sont un "bonjour" le matin et un "bonne nuit" le soir. Jamais je ne les avais pardonnés pour leur acte inhumain et eux, ils faisaient semblant de me montrer un minimum d'amour. Mes géniteurs avaient l'air d'avoir oublié leur tentative d'infanticide mais moi je savais et je sais que c'est une feinte pour que j'évite d'en parler et dans l'espoir que j'oublie, pour que leur acte reste secret. Je hais mes parents.
Toute mon enfance et mon adolescence j'avais choisi de garder le silence sur ce qu'il s'était passé. Pas pour protéger mes parents mais pour me protéger moi. Ils étaient sévères, très sévères et je risquai une violente punition à chacun de mes actes... Je vivais dans une peur constante de leur courroux.
Il y a quelques jours, en faisant des recherches sur internet, je trouvai l'arbre généalogique de ma famille. Je ne connaissais que mes grands parents et par curiosité je voulais savoir l'identité de mes ancêtres plus lointain. Avec le nom figurait aussi l'année de naissance et l'année de décès de chaque personne. Une en particulier m'interpella. FREYMAN Abigaël, 1926-1944. Cette femme n'avait vécu que dix-huit années ! J'appelai aussitôt mes grands-parents pour connaître l'origine de sa mort, un accident, une maladie, la famine, la guerre...? Ma curiosité avait besoin d'être satisfaite !