Identité

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Je me tiens, debout, devant ce miroir, à regarder ce corps qui n'est pas mien. Je suis né dans ce corps, je vis dans ce corps depuis ma naissance, mais il n'est pas mien.

Mon corps me dégoûte. Je ne suis même pas gros, je ne suis pas maigre non plus, j'ai un poids normal. C'est la même chose au niveau de la taille ; j'ai une taille normale.

Extérieurement, je n'ai pas à me plaindre. J'ai un visage que la société d'aujourd'hui qualifie de joli ; je n'ai pas de boutons, j'ai un nez fin, une bouche fine, mais pas trop, j'ai des yeux bleus à la limite du gris.

Qu'est ce qui ne va pas chez moi dans mon apparence alors ?
Premièrement, ma poitrine, ma petite poitrine, mais quand même ma poitrine. Cette poitrine, je la hais.
Non parce qu'elle est petite et que je veux en avoir une plus grosse comme beaucoup de gens de mon âge, mais parce qu'elle existe.
La poitrine est le symbole de la féminité pour les autres. Et j'en ai une.

Deuxièmement, mes formes. Comme pour ma poitrine, j'en ai peu, mais j'en ai. Les hommes en général disent que les formes sur les femmes sont belles, qu'elles dorment du charme à la personne.
Quand je regarde mes hanches trop larges, ma taille trop marquée ou encore mes épaules pas assez carrées, j'ai juste envie de pleurer.

Troisièmement, ma voix. Ma voix est grave pour celle d'une femme, mais trop aiguë pour être celle d'un homme.
Si je ne parle pas, ce n'est pas que je suis timide, c'est car je ne supporte pas cette voix trop aiguë à mon goût. Cette voix qui monte dans les aiguës quand j'ai peur, ou encore le rire cristalin produit par cette voix.
Trop d'aiguës.

La chose que je déteste le plus n'est même pas visible, mais joue pourtant un rôle capital dans la société ; mon prénom et mes pronoms.
Mon prénom, accordé avec le genre attribué à ma naissance, est féminin. Très féminin, pas comme Claude, Camille ou Lysandre qui peuvent être mixte, non, il a fallu me donner une prénom très féminin. Toujours pour être en accord, mes pronoms sont aussi féminins.

Le reflet que me renvoit le miroir n'est pas le mien. Il montre le corps d'une femme et tout ce qui le caractérise, or je n'en suis pas une.
Parfois je me surprends à rêver d'un torse plat, d'épaules carrées et d'hanches fines.

Quelqu'unes de mes amies sont au courant ; certaines l'ont bien pris, d'autres non.

Je ne parle plus à ceux qui l'ont mal pris ; je leur ai expliqué tout en détail, j'ai montré des études scientifiques vérifiées montrant de A à Z que ce n'était pas une maladie et rien n'y faisait, elles ne voulaient pas me voir comme un homme.
Elles ne voulaient même pas essayé de m'appeler par le prénom que je me suis choisi, ou alors par un surnom masculin.

Tout ce que je vous ai dit, ça porte un nom, c'est la dysphorie du genre, car oui, je suis transgenre.

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J'ai bien réfléchit. Ça fait plusieurs moi que j'y réfléchis et ma décision est belle et bien prise.
Je vais écrire une lettre à mon père pour faire ce qu'on appelle le coming-out car je ne supporte plus mon prénom de naissance et la mégenration.

Je ne supporte plus non plus mon corps, et pourtant j'ai essayé de faire des exercices pour l'aimer à nouveau.

J'avais demandé un binder à mon père pour mon anniversaire qui au début avait accepté, puis a ensuite refusé.
Le lendemain, j'étais à l'hôpital, je venais de me scarifier la poitrine et était tombé dans l'inconscience.

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Cher père,

Je t'écris cette lettre pour te dire une chose que je n'arrive pas à te dire en face, et pourtant ce n'est pas faute d'avoir essayé.
Ne t'inquiète pas, tu ne vas pas apprendre que c'est une lettre d'adieu, ou encore que je souffre d'une maladie incurable.
Ce que je vais te dire que c'est moins grave que ça, enfin tout est relatif..

Quand je suis né, les sages-femmes ont dit que j'étais une fille, et avec maman tu m'as attribué le prénom Eloïse. C'est un joli prénom, Éloise.

Comme tous les enfants, je suis allé à la maternelle plus tard. Comme j'étais une fille, les autres petites filles me proposaient de jouer avec elles à maman et papa. Drôle de nom pour un jeu quand même.
Bref, je ne voulais jamais. Je voulais aller jouer avec les garçons et leur ballon, chahuter avec eux et embêter les filles, mais eux ne voulaient pas de moi.
Donc au final je finissais par jouer à maman et papa, sauf que j'insistais tout le temps pour faire le père, ce qu'elles acceptaient avec joie.

Après la maternelle est venue l'école primaire. Pendant l'école primaire, mon côté garçon manqué s'était accentué.
J'avais commencer à écouter du rap, du Sexion d'Assaut si ça te dit quelque chose et à porter des casquettes New York affreusement moches. Je jouais aussi avec les garçons au foot et prenait leurs manières.
Je me rappelle qu'une fois tu t'étais fais convoqué chez le directeur parce que j'avais supplié "la maîtresse" de m'appeler par un prénom masculin, et que c'était inconcevable.

Maintenant le collège. C'est durant cette période que j'ai appris le plus de chose sur moi.
En sixième, j'avais commencé à me poser des questions sur ma sexualité en apprenant que j'avais un ami gay et qu'il me semblait avoir le béguin sur une ancienne amie.
J'ai abandonné la question de la sexualité pendant toute ma cinquième, je profitais simplement.
Est venue la quatrième. J'ai commencé à me renseigner sur les différentes sexualités existantes et part ailleurs sur la communauté LGBT après être tombé amoureux d'une fille et être sorti avec elle pendant six mois.
Ces six mois m'ont été bénéfiques et j'ai beaucoup appris sur moi-même, notamment que j'étais pansexuel.
Pendant que je me renseignais sur la communauté LGBT, je suis tombé sur tous genres d'articles, dont un qui parlait des personnes transgenres.
Inconsciemment, je me suis senti plus concerné par la définition d'un autre genre que féminin.
Ça m'a vachement dérangé sur le coup et j'y ai réfléchit.

Je me suis toujours rangé du côté des garçons à l'école, je n'aime pas les trucs de filles, du genre le shopping, le maquillage et tout autres stéréotypes concernant les filles. J'aime les jeux vidéos, j'aime m'asseoir les jambes écartés, j'aime les cheveux courts, j'aime les parfums et habits d'hommes, j'aime le rap, j'aime le bleu et le noir. Je n'aime pas la danse, le maquillage, la mode, le rose et le blanc, les parfums de femmes.

D'un point de vue social, je suis un mec. J'ai le comportement et les goûts typiques d'un mec et jamais petit je n'ai été plus féminin que ça.

Ensuite j'ai réfléchit sur moi-même, voici comment je me considère : je ne suis ni une fille, ni un garçon, je ne suis pas un mélange des deux ou les deux en même temps, je suis simplement moi. Si je devais donner un nom à mon genre, ce serait "Humain". Le genre Humain. Sobre et simple. Or le bon mot est mavérique.

Pour résumer le tout, je suis transgenre non-binaire - car je ne suis ni un homme ni une femme - mavérique, mais pour faire plus simple, je préfère me faire considérer comme un homme.

Tu rappelles de quand j'ai dit que mes potes m'appelaient Hyperion et que j'aime bien le surnom, et que du coup je l'ai gardé ? Et bien, c'est comme ça que je souhaite me faire appeler.
Ce prénom signifie "aller plus haut/franchir ses limites" et c'est ce que je veux faire. Changer les gens et leur mentalité. Ce prénom me correspond en tout point. Je te prierai de l'accepter et de me genrer au masculin, papa..

Ton fils qui t'aime.

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Nda : Ohayo ! Me revoilà avec un texte beaucoup plus personnel, inspiré de ma propre vie mais avec quelques modifications.
J'espère sincèrement qu'il vous plaira ^^

Recueil de textesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant