Chapitre 2

23 3 16
                                    

Il y a des matins comme ça, où rien qu'en se levant, on sait qu'on a fait le mauvais choix. Et aujourd'hui, j'aurai dû interpréter correctement le message que lunivers m'envoyait. Entre cette pluie inaltérable qui attaquait mes fenêtres et ce foutu chevet qui avait sauvagement attaqué mon petit orteil, l'univers ne s'était pas douté que je ne saisissais pas ce qu'il essayait de me faire comprendre. Oui, le cosmos aurait dû m'envoyer un courrier avec noté, en gras, en italique, souligné et en rouge : « Madeline Hoover, retourne dans ton lit immédiatement et, reste chez toi ». Je ris seule, m'imaginant recevoir une beuglante qui se déchiquetterait seule sur mon parquet.

Et non, à la place, je m'étais acharnée à poursuivre. A me battre avec mon abondante crinière pour la coiffer décemment, à laver mes quenottes, à enfiler un pull large, un jeans et tout ce qui s'en suit, inutile de faire un inventaire. J'étais prête, mon sac sur le dos et sur le pas de la porte, à rejoindre Charles puis Nathan et Cheyenne qui devaient déjà attendre à l'arrêt de bus.

Charles Holley, était de loin mon meilleur ami, il habitait trois pâtés de maisons plus loin. Depuis toujours, je le connaissais, il avait été comme un frère, un camarade de jeu exceptionnel et, le passage en secondaire n'avait en rien abîmé notre complicité. Rouquin tout comme moi, Chase mesurait un bon mètre quatre-vingts dix, adorait dessiner et balader son labrador, Serge. Et pour conclure, son père tenait le concessionnaire de la ville et, avait connu ma mère dans ses jeunes années ce qui avait valu que dès ma naissance, j'étais prédestinée à être son amie.

- Encore en train de rêver ? Fit Charles, m'assenant un coup de coude sur le bras.

Je lui soufflais :

- Tu sais, avec toutes ces histoires sur les O'neal...j'imagine un peu tout et rien.

- J'avais oublié que j'étais en train de m'entretenir avec Sherlock Madge Holmes, railla-t-il avant de faire une poignée de main à Nate, suivit de près par Cheyenne.

Nathan était l'exact cliché d'un adolescents passionné par le paranormal, ne pouvant se débarrasser de son hoodie Nirvana fétiche et, de son iconic paire de lunettes rondes. Il avait toujours un thriller en cours, rangé soigneusement – comparé à ses cheveux -dans son sac. D'ailleurs, cheveux étant d'un chocolat captivant tellement il était net, ses grands yeux sombres faisaient ressortir de nombreuses taches de rousseurs sur son nez. Là, résidait l'essence même de Nathan Conklin.

A côté : Cheyenne, Cheyenne Greenwood pour être exacte, était la fille du sheriff. Métis, et, les cheveux crépus incessamment regroupés en nombreuses nattes, elle était l'une des filles de caractères du lycée, de celles qui militaient au nom du féminisme. De celles qu'on ne se permettrait jamais de prendre de haut. Depuis peu, elle avait réussie les épreuves de Mankato et faisait désormais partie de l'équipe de Chearleeders, ce qui accentuait mon admiration pour elle.

Nous avions eu l'occasion de nous rencontrer lors de la célébration de la journée de la ville, le jeudi de lélection de miss Eagle Lake. Et de nouveau lors de la distribution de frites gratuites pour ceux qui arboraient les boutons de tombola. Cet empoté de Nate avait fait coulé sa sauce mayonnaise sur sa chemise et ne l'avais même pas remarqué. Ainsi, à cause d'une remarque sarcastique, avait commencé une discussion sur les méfaits de la sauce mayonnaise et des chemises blanches-motif-star-wars à laquelle Cheyenne et Charles s'étaient intégrés.

Le bus arriva enfin, tout juste à temps pour m'extirper de mes rêveries. Je prenais place à côté de mon meilleur ami, négligeant en ne le constatant que plus tard, Cheyenne. Cheyenne que j'avais abandonnée à une discussion sans fin avec Nathan au sujet des oeuvres de Frank Thilliez qui, je m'en doutais, devait sincèrement la passionner. Elle qui aimait livres comme moustiques.

Eagle LakeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant