Maladie -Concours de Cyclone

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Avec peine, je me redresse afin de distinguer le paysage d'automne depuis mon lit. Non pas qu'il soit particulièrement magnifique, détrompez-vous. Il s'agit d'une simple allée, bordée par des arbres aux couleurs éclatantes où le vert et le rouge s'entremêlent. En y repensant, je n'ai jamais affectionné ce mélange, et je me souviens encore de mon adolescence, quand j'avais décidé de changer le style de ma mère. Elle ne savait jamais quelles teintes associer, ce qui donnait des résultats comiques dont je riais avant de lui expliquer, par exemple, qu'un rouge profond se serait mieux marié avec ce brun.

Je soupire à ces souvenirs qui ne font que me ramener à ma triste réalité de chambre d'hôpital dans laquelle je me morfonds depuis trop longtemps. Évitant soigneusement le contact du miroir, de peur de constater que ma jeunesse reste intacte malgré ma triste situation, je réussis à atteindre la télécommande de la télévision.

Triste réalité que celle que je vis, où des adultes d'à peine vingt ans se retrouvent touchés par une maladie incurable. Une forme de fibrodysplasie très rare, le sida, ou, comme dans mon cas, un cancer. Je pourrais guérir, si mon médecin de famille l'avait diagnostiqué plus tôt, ou si ce poison n'avait pas pris une ampleur foudroyante en si peu de temps. Cependant, je n'en veux à personne. Je n'ai plus le temps de haïr un pauvre homme assis sur une chaise qui réussit à guérir des centaines, voire des milliers de patients par année, et je n'en ai pas la force.

Le peu d'énergie qu'il me reste me sert à m'installer confortablement pour observer cette allée dès l'aube, et ainsi pouvoir capter quelques rayons de soleil et de vie. Oui, de vie. Moi, ce que je vois dans les yeux de ces infirmiers, c'est une infinie compassion puisque je vais bientôt rejoindre ma chère mère. À chaque fois, je feins de ne pas le voir, mais je suis usée par ces chuchotements, ces pronostics par rapport à ma résistance, ou pire, ces membres de la famille hypocrites qui viennent me rendre visite en priant pour ma guérison. Dans leurs iris, brille la lueur de la cupidité, et celle de l'espoir que mes maigres économies leur reviennent après mon décès.

Ne comprennent-ils donc pas que « malade » ne signifie pas « mentalement déficient » ? Cette douleur qui me ronge quand j'y songe est insupportable. Pourtant, j'ai trouvé qu'il y a pire dans cet endroit. La mort m'entoure, elle transparaît dans le comportement de ceux qui entrent dans ma chambre, elle surgit dans les pièces voisines, elle corrompt tout ce qui se trouve ici, même l'air ambiant.

Mais moi, j'ai beau me savoir condamnée, je veux vivre. Vivre ces derniers jours comme je n'ai jamais vécu auparavant, crier de joie, hurler de bonheur, pleurer d'émotion, je veux me sentir plus vivante qu'une personne en pleine santé. Ce dernier souhait, on me le refuse. Trop faible, fragile ou que ne sais-je. Ils ont tort. Rien ne serait plus beau que de s'éteindre alors que l'on vit le meilleur moment de sa vie quand la vie nous a condamné depuis longtemps.

Alors, je regarde les gens passer sous ces chênes et ces hêtres, les enfants jouer avant de partir par le deuxième embranchement. En effet, ce petit chemin bordé de feuillus aboutit à une intersection, et presque tous prennent le chemin de droite. Parfois, un homme en complet ou une femme vêtue de noir prennent celui de gauche.

Un sourire narquois se dessine sur mes lèvres. Si j'observe autant cette petite route, c'est parce que je sais que je l'emprunterai d'ici peu. Cet espoir qui se dégage de celle-ci me permet de rallonger ma courte espérance de vie. Je vous semble bien amère, pas vrai ? Je fatigue, voilà tout. Un long sommeil semble m'attirer dans ses bras. Est-ce ainsi que se terminera ma vie ? Dans un lit blanc, entourée de murs immaculés et d'infirmiers qui ne tenteront rien pour me sauver parce qu'il s'agirait d'une perte de temps et surtout d'une abominable erreur ? On dirait que oui.

Je mourrai sans regrets, bercée par les rayons du soleil se levant et les oiseaux chantant leur douce mélodie. Le ciel m'accueillera dans son immensité azure, et, pendant une brève seconde, je pourrai atteindre cette plénitude, où la nature et moi ne feront plus qu'un. Puis je deviendrai poussière. Je clos déjà mes yeux, souriant alors que des cris affolés fusent autour de moi. Enfin, vient le silence.

Vous vous demandez peut-être où aboutit le premier embranchement ? Là où tous les gens comme moi partent, le cimetière.

Pas de prix remporté pour ce concours

Merci à l'organisatrice pour son travail !

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