Charlotte, Californie
Le bruit de déchirement remplit la cabine. Tous les passagers étirèrent leur cou vers la première classe, vers cette fille de riche qui venait de déchirer une page de son magazine. Charlotte sentit le rouge lui monter aux joues et pourtant, elle garda la tête haute. Le père de Charlotte posa une main sur l'épaule de la jeune fille, geste qui la fit sursauter.
- Pas trop nerveuse ma chouette?
- Je déteste l'avion, marmonna la principale intéressée en baissant le regard sur l'image déchirée de Zac Efron.Ce n'était qu'un mensonge partiel. Charlotte aimait prendre l'avion... Quand c'était le jet privé de son père. Malheureusement, un trajet vers l'Australie était trop long pour le jet. Le duo père-fille devait donc subir la première classe. Dans les avions commerciaux, Charlotte sentait chaque secousse, chaque rafale de vent contre l'objet. Elle détestait la sensation de voler. Et elle en savait beaucoup sur ce sujet puisque son père insistait pour qu'elle l'accompagne chaque fois qu'il voyageait que ce soit pour le travail ou pour les vacances. Charlotte maudissait la multi-nationale de son père chaque fois qu'elle regardait par le hublot et qu'elle voyait à quel point elle était haute dans le ciel. Il faut rajouter que la jeune fille avait le vertige.
- Prends ça relax ma puce. Penses à ton cœur...
- Pourquoi tu m'amènes en avion d'abord? Tu le sais que la pression, ce n'est pas bon pour mon cœur!!, s'exaspéra Charlotte.Charlotte pouvait passer pour une fille à papa. En réalité, l'important homme d'affaires était un papa à sa fille. Il faisait tout ce qu'elle demandait car il avait peur de perdre sa princesse. Née prématurée et avec une arythmie cardiaque, Charlotte avait dû se battre pour sa vie dès son plus jeune âge. Ses risques de crise cardiaque sont extrêmement élevés. Dans son collège privé, elle était exemptée de cours de sport, ce qui ne l'empêchait pas de se garder en forme en faisant du yoga. Ce sport l'aidait à se centrer, à être légère comme l'air tout en restant solide au sol. Charlotte se détachait souvent de la réalité, c'était une rêveuse. Garder les deux pieds sur terre s'avérait une tâche difficile pour elle. Lorsqu'elle s'étirait et se pliait dans tous les sens pour le yoga, elle se sentait finalement normale.
- Tu ne peux pas rester seule tu sais ça..., soupira son père après plusieurs minutes.
La mère de Charlotte avait abandonné son père lorsque celui-ci avait connu d'énormes difficultés financières. La petite n'avait que 2 ans. Le frère de Charlotte, alors âgé de 6 ans, avait été pris dans la chicane et il avait choisi de suivre sa mère. Cela faisait maintenant 17 ans que les Hensen étaient séparés. Le père de Charlotte ne pouvait supporter l'idée de perdre sa fille. Il ne cessait de lui acheter des cadeaux hors de prix pour la garder près de lui. Toujours habillée à la mode avec un sac à main dernier cri exclusif au bras, la belle blonde engendrait de la jalousie partout où elle allait. Les rumeurs fusaient à son sujet. Les autres avaient une image erronée d'elle; l'image d'une prétentieuse sans cœur. S'ils savaient qu'elle ne désirait que la normalité. Charlotte aimait prendre soin des autres. Elle avait 3 chiens et s'en occupait comme une mère s'occupe de son enfant. Voir ses camarades la mépriser avait démoli la petite fille fragile qu'elle était autrefois. En public, Charlotte abordait désormais cette carapace froide et détachée pour éviter d'être blessée à nouveau. Elle voulait avoir de vrais amis, des gens qui voient la fille courageuse et généreuse sans même poser le regard sur les richesses qui l'entourent.
L'avion entra soudainement dans une zone de turbulences violentes. Charlotte serra les poings et ferma ses yeux le plus fort qu'elle le pouvait. Son cœur, qui battait déjà anormalement vite au repos, s'affola. Son père vit tout de suite sa détresse et sortit les médicaments nécessaires pour calmer sa fille. La gorge de Charlotte était beaucoup trop serrée pour avaler quoi que ce soit. Soudain, une secousse plus puissante que les autres secoua l'avion. Des cris provenant de l'arrière de l'appareil fusèrent. Charlotte sut tout de suite que quelque chose clochait. Les masques à oxygène apparurent devant eux.
- Mesdames et messieurs, veuillez garder votre calme. Un des moteurs semble avoir des difficultés, annonça le pilote. Nous faisons ...
- Bon matin à tous les passagers, interrompit une voix.
- Mais qu'est-ce que...
- Silence pilote! Mon équipe et moi avons désormais le contrôle de l'avion. Nous avons fait explosé un des moteurs. Désolé de vous l'apprendre mais personne ne sortira de cette situation sain et sauf.Charlotte regarda son père et vit un homme masqué avancer vers l'avant de l'avion. Elle serra le bras de la personne la plus importante de sa vie et pleura tranquillement.
- Ce qui va se passer est très simple; nous allons détourner ce vol. Vous serez installés dans un camp de prisonniers où vous attendrez confortablement que quelqu'un paie la rançon demandée pour chacun d'entre vous. Ceux qui n'auront eu aucune nouvelle de leurs proches après 6 mois seront tués. C'est si facile! Par contre, notre patron ne sait pas combien de personnes sont dans cet avion et un accident arrive si vite...
Au même moment l'homme de l'allée attrapa le sac Louis Vuitton de Charlotte qui dépassait du porte-bagages.
- Joli... C'est à toi j'imagine, dit-il en pointant son doigt vers la blonde.
- O-oui, répondit nerveusement Charlotte.
- Ça te va si je le garde? Bien sûr que oui.Une vague de colère submergea la jeune fille. Elle ne se laisserait pas mener par le nez. Les passagers étaient franchement plus nombreux que leurs agresseurs ! Si quelqu'un leur tenait tête, il montrerait l'exemple aux autres. Charlotte serait cette personne.
- Non. C'est mon sac.
Une étincelle démoniaque apparût dans les yeux de l'homme. Il se pencha par-dessus le père de Charlotte et attrapa cette dernière par le bras. La jeune fille était petite et mince. Une vraie poupée de chiffon. L'arracher hors de son banc ne fut donc pas difficile pour l'agresseur. Il enroula son bras autour de son cou.
- On veut jouer les braves? Tu veux montrer que nous tenir tête est possible? Regarde bien ton père parce que c'est la dernière fois que tu le vois.
Charlotte jeta un regard désespéré vers son père qui pleurait. Elle regrettait tout. Tous les commentaires sarcastiques et méchants qu'elle lui avait lancé sans le penser, tous les malheurs qu'elle avait amené. Elle ne voulait pas que son père se retrouve seul pour de bon, mais en voyant avancer un autre homme, elle sut que son destin était scellé.
- Je t'aime plus que tout papa. Merci d'avoir rendu ma vie aussi géniale. Je m'excuse profondément de te laisser comme ça.
Cela fut ses derniers mots. Les deux hommes l'empoignèrent par les bras et la traînèrent vers la porte de l'avion. Après un déclic, l'air rentra à toute vitesse dans l'appareil. Tous les passagers se tenaient après leur siège pour éviter d'être éjectés dans le vide. Les bandits s'accrochèrent aux rebords de la porte pour se stabiliser. Ils lâchèrent la jeune fille, qui tenta de se faufiler loin d'eux. Avec un coup de pied puissant, l'un des hommes la propulsa en dehors de l'avion.
Charlotte commença sa chute libre. Son cœur pompait à toute vitesse. Le vent fouettait son visage, emmêlait ses cheveux et asséchait ses yeux. En plein milieu de sa descente, elle ferma les yeux et perdit conscience. Quelques instants plus tard, son cœur atteignit le point de non-retour et s'arrêta. Le corps sans vie de la jeune fille atterrît dans une forêt.
Charlotte roula sur le côté et ouvrit les yeux doucement. Elle avait si mal dormi! Son sommeil était parsemé de cauchemars plus horribles les uns que les autres. Elle avait l'impression d'avoir dormi dehors. Elle se releva brusquement. Elle était dehors! Cela signifiait que l'avion, son père, sa mort... Tout était vrai. Elle examina som corps dans l'espoir d'y trouver une coupure, un os cassé ou même une ecchymose. Ses efforts furent inutiles, elle était intacte. Comment était-ce possible? Où était-elle? Comment allait-elle se retrouver? Soudainement, le vent se leva et Charlotte entendit clairement sa chanson. Il voulait qu'elle suive son instinct. La belle blonde commença à marcher, en symbiose avec le vent, vers un endroit encore inconnu.
