Quand la grille s'est ouverte, le vent a soufflé sur mon visage, comme s'il balayait mon passé et m'invitait dans un nouveau monde. Dans un dernier regard en direction de ma famille, un dernier au revoir, un dernier sourire, je laissai là mon quotidien si ordinaire. Derrière ces grilles. Dans ce fière bâtiment protégé comme un château fort. Je préférais le comparer à cela plutôt qu'à une prison, même si je dois avouer que sous un certain angle, il avait un air de ressemblance avec la maison d'arrêt de mon ancienne ville. Sur la façade du bâtiment principal, je vis inscrit en lettres capitales les mots qui avaient nourri mon imagination et mon impatience depuis quelques mois : Lycée Militaire de Saint Cyr. J'y étais. Et je l'avais mérité. C'était un nouveau chapitre qui était sur le point de s'écrire, et c'est aujourd'hui que je posais pour la première fois mon stylo sur la feuille.
Je passai devant quelques militaires à l'accueil qui me donnèrent vaguement le chemin jusqu'aux internats. Sur l'allée qui menait du bâtiment des premières et terminales jusqu'à celui des secondes, je profitai de ma marche pour admirer le poing de César au milieu de la place d'arme à ma droite, un gigantesque poing fermé sur un drapeau français fièrement dressé. Derrière cet imposante sculpture s'étendait un vaste paysage d'allées de marronniers et de terrains de sport. A ma gauche, je vis la cour du colonel, bordée de haies soigneusement taillées et de hauts et anciens bâtiments, ceux dans lequel j'étudierai pendant mes trois années de lycée.
En passant la porte du hall de la 5e compagnie, celle des secondes, je vis des élèves en uniforme, tous aussi nouveaux que moi, discuter entre eux. J'avais l'impression qu'ils se connaissaient déjà, et cette pensée me donna un léger frisson. Pourquoi tout le monde est si à l'aise pour parler à des inconnus ? Moi j'avais envie de rester seule, j'avais peur de tout le monde, pour une raison qui m'échappait. Une voie masculine dans mon dos me fit sursauté. Alors j'essayais de camoufler ma gêne, l'homme en treillis militaire qui m'avait parlée se répéta:
« Vas te changer, les internats sont au deuxième et au troisième étage, mais je pense que tu sais où est ta piaule, tu l'as déjà vue. »
Je laissai échapper un merci mal à l'aise et m'éloigna d'un pas traînant.Ma chambre, ou piaule comme on avait l'air de l'appeller ici, n'avait pas bougé d'un poil depuis le jour de la pré-rentrée, la semaine dernière Exceptée une valise qui n'était pas la mienne, posée sur le deuxième lit de la piaule, qui n'était pas le mien non plus. Je savais déjà son nom: Nolwenn leGoff. C'est avec elle que je partagerai cette pièce toute l'année. Avec ce nom-là, je m'attendais à ce qu'elle soit bretonne.
J'ouvris mon armoire et en sortie mon uniforme et et mes draps pour faire mon lit. Je le fis grossièrement avant d'enfiler mon pantalon bleu marine, beaucoup trop grand pour moi, que l'ont m'avait donné à l'habillement il y a 7 jours -il était du 40 alors que je faisais du 36 !
Heureusement qu'il n'y avait pas de miroir dans la pièce, si je m'étais regardée dans ce sac à patate je n'aurais sûrement pas osé mettre le pied dehors. Le polo bleu clair était, lui, beaucoup plus mettable.Je m'allongeai sur mon lit, les bras derrière la tête, quand la porte s'ouvrit doucement, et une fille avec une trousse de toilette dans les mains me sourit:
« Tu dois être Méline ! Ma... comment ils appellent ça déjà... ma copiaule !J'espère qu'on s'entendra bien »
Je lui dit rendis son sourire en guise de réponse, car je n'osais pas vraiment parler. Elle avait des cheveux ondulés en queue-de-cheval et de petits yeux en amande. Elle avait l'air gentille et très sérieuse. Nos premiers échanges furent assez banals et surtout basés sur des formules de politesse. Je lui proposai mon aide pour faire son lit au carré car j'avais déjà appris à les faire dans un camp d'été militaire.
Puis, je rangeai frénétiquement mes affaires déjà ordonnées dans mon armoire, pour me donner quelque chose à faire, pendant que Nolween était sortie, sûrement pour faire connaissance avec les autres, ce que je n'osais pas faire. A cet instant, cette chambre fut comme un cocon duquel je n'avais pas envie de sortir.
Quand la porte se rouvrît, une fille très blonde avec un appareil dentaire était aux côtés de Nolwenn.
« Je m'appelle Laura, je suis dans ta classe, et dans la chambre juste à droite de la tienne » fit-elle avec un grand sourire
-Je pense que dans toute la rangée de droite il y a des filles de notre classe, ajouta Nolwenn. D'ailleurs on est dans la seule classe avec plus de filles que de garçons, ce qui est rare vu le nombre de mecs dans ce lycée...
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L'internat
General FictionLycée Militaire de Saint Cyr. De nouvelles règles, de nouvelles normes. Un nouveau monde dans lequel entre Méline adolescence de 14 ans, et où elle vivra, interne, durant 3 années. Marche au pas, garde-à-vous, ponctualité, lits au carré... Et surtou...