Rendez vous dans dix ans

Des au revoir et des à venir

Les trois amis discutent longtemps, et à vingt deux heures trente, c'est Mélanie qui s'écrit la première :

"Regardez ! Là bas !"

Elle pointe du doigt une ombre qui avance dans la nuit. Peu à peu, une silhouette se découpe.

"Antoine ?

- Vous nous connaissez, moi et ma ponctualité légendaire. Et bien, j'ai loupé mon train.

- Tu ne changeras donc jamais ! rit Carla, en un sens soulagée.

- Je n'arrive pas trop tard pour le dessert de la reproduction-par-des-presque-trentenaires-nostalgiques-de-la-contre-soirée-d'obtention-du-bac-d'une-bande-d'asiociaux-qui-ne-vont-pas-au-bal-de-fin-d'année-car-ils-préfèrent-une-colline-paumée-au-milieu-de-nulle-part, au moins ?

- C'était décidément parce que tu ne sais pas danser", corrige Carla comme l'a fait Chloé dix ans plus tôt.

Cette remarque engendre un silence navré, car ladite Chloé brille par son absence.

"J'ai pris des cours, les informe Antoine pour dissiper le calme pesant. Nathalie ne voulait pas que je sois ridicule à notre mariage.

- Anto ! Tu nous avais caché ça ! s'exclame Alex.

- C'est vrai, il faut que je vous raconte. On s'est rencontrés dans des toilettes publiques !"

Et la discussion enjouée reprend, ponctuée d'éclats de rire, de regards nostalgiques et de chamallows brûlés.

Ils ne voient pas le temps passer, replongés dans leur jeunes années. C'est seulement au premières lueurs du jour, vers cinq heures du matin, que Carla étouffe un baillement.

"Dites donc, c'est déjà l'aube ! s'exclame-t-elle.

- Merde ! Mon train ! jure Antoine en regardant sa montre. Il est à six heures ! Je vais devoir y aller. C'était vraiment génial de vous revoir, vous êtes toujours aussi cons, je vous aime.

- Il faut qu'on se refasse ça, confirme Alex.

- À dans dix ans ? propose Mélanie.

- Rendez vous dans dix ans", concluent les autres.

C'est une promesse. La promesse d'une amitié.

Et chacun s'en va, sur un petit sentier le long de la colline.
Et Mélanie s'en va, laissant les au revoir pour l'à venir.