II

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Le pull tombe, les masques tombent

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Le pull tombe, les masques tombent. 

C'est comme ça. 

C'est un petit bout de quelque chose, destiné à cacher. À me dissimuler. À planquer l'état de mon âme. À la soustraire aux yeux des gens, mais ils ne sont pas dupes, ils savent, ils devinent. Fuis-moi je te suis, suis-moi je te fuis. Ensemble, on joue un jeu du chat de la souris dans lequel le chat n'attrape jamais la souris. 

C'est ironique. C'est d'une hypocrisie sans fin. On ne dit rien, pour éviter de déterrer ce qui blesse. Pour faire comme si ce monde était parfait, sans problème, une société modèle. Comme si Annabelle n'avait pas deviné. Un ricanement m'échappe. Elle le sait. Bien sûr. Et elle sait aussi que je sais qu'elle sait. Alors quoi ? Elle ne ferait rien ? Et sa définition de cicatrice alors ? Comme ça ? Pour rire ? Non.

Annabelle agit dans l'ombre – comme tous ceux qui savent. Une marque laissée par une plaie après la guérison ? Mais Annabelle ! Gentille, naïve, stupide Annabelle ! On n'en guérit pas. On n'en revient pas. Une plaie à l'âme ne peut pas se réparer. Elle ne peut pas guérir et s'en aller. Elle ne laissera jamais de cicatrice. Non, elle ne laissera pas de séquelles ! Comment pourrait-elle laisser quoique ce soit, si elle est toujours là ?

Oh, si tu savais, Annabelle. Ça fait mal. Ça brûle, ça explose le cerveau. Et surtout, ça ne part jamais. 

Tu vois ton sourire hypocrite ? C'est comme y frotter du sel. Tu vois ton regard plein de compassion ? C'est comme y verser de l'alcool à 90 degrés. 

Oui, ça fait mal ; ça détruit. 

Mais par-dessus tout, tu me vois là, Annabelle ? Es-tu en train de me regarder, depuis la grande fenêtre de ton bureau ? Est-ce que tu me vois, qui court sur le trottoir slalomant entre les passants ?

Est-ce que tu penses que je te fuis ? Non, Annabelle, je ne te fuis pas. Tu n'as rien fait de vraiment mal. Toi et tes manières, vous êtes habituels, maintenant.

Non, juste je rentre chez moi. Le plus vite possible ; pour arriver le plus tôt possible.
Pour qu'à mon arrivée, je puisse laisser cette douleur s'en aller. La chasser, lui crier de dégager, à pleins poumons. Pour qu'elle parte enfin. Pour quelques secondes, seulement. Mais c'est mieux que rien, n'est-ce pas ? 

On ne croit pas qu'il puisse exister une solution jusqu'à ce qu'on l'ait trouvée. Tu n'imagines pas, Annabelle. Comme ça fait du bien, comme ça soulage. C'est paradoxal, mais ça estompe, ça gomme, ça me débarrasse de cette blessure à l'âme durant quelques secondes de répit.
Alors oui Annabelle, je cours. Je cours, pour aller plus vite. Je cours, parce que je ne sais pas courir. Alors, ma poitrine, mes poumons, et tout mon être me brûlent. 

Je cours, je cours, je cours, et je cours encore. À en perdre la tête, à en perdre la raison. Parce que, finalement, c'est bien le but premier. Ne plus penser. 

Je tourne au coin d'une rue. Je ne m'arrête pas. Les gens me dévisagent. Je cours, et je m'essaye à croire que c'est pour aller aux toilettes. Juste ça. Simplement ça. Rien d'autre. Je fais comme si je ne m'abîmais pas plus encore chaque jour.   


Cica-tristesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant