Chapitre 2 :

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Brice.

Quatre mois plus tôt,

Je luttai contre l'envie de vomir qui m'assaillit. J'étais incapable de faire le moindre mouvement, c'était comme si je n'étais plus maître de mon corps. Un bourdonnement douloureux résonnait dans mes oreilles tandis que mon regard ne pouvait plus se dévier de cette effroyable image : celle de ma meilleure amie baignant dans son propre sang. Une sensation de chaleur sur ma joue me tira de ma transe et mon regard se dirigea lentement vers Emma qui avait entouré mon visage de ces mains.

- Brice, réponds-moi !

Sa voix encore lointaine semblait désespérée. J'attrapai ses poignets de mes mains tremblantes pour dégager mon visage de la chaleur réconfortante de ses mains afin de me reconcentrer sur la source de la douleur déchirante qui s'était logée au plus profond de mon être.

- S'il-te-plaît, regarde-moi...

Sa supplique eut l'effet escompté et elle sembla presque soulagée lorsque, après avoir pleinement repris mes esprits, je lui répondis d'une voix faible en désignant l'enfant qui nous dévisageait avec attention :

- Occupe-toi de le sortir d'ici, j'ai besoin d'un moment seul.

Elle me regarda un instant avec incrédulité avant de finalement acquiescer, se diriger vers le bambin et de le prendre dans ses bras avec précaution. Un sourire apaisé prit place sur son visage ensanglanté lorsqu'il reposa sa tête contre l'épaule d'Emma qui eut un léger frisson. Elle hésita un court moment avant de sortir de la pièce d'un pas lent.

Une nouvelle vague de douleur s'abattit dans ma poitrine au moment où elle passa le seuil de la porte, la solitude amplifiant ce terrible sentiment. Je m'avançai dans la direction de Manon d'un pas chancelant et m'accroupis à ses côtés. Je me concentrai sur son visage, essayant de faire abstraction de mon cœur qui tambourinait si fort dans ma poitrine que s'en devenait douloureux ; elle semblait paisiblement endormie, toute souffrance l'ayant abandonné. Seulement, elle n'était pas endormie, elle était bel et bien partie et la morsure qui avait déchiré la peau de porcelaine de son cou était là pour cruellement me le rappeler. Après plusieurs minutes muré dans le silence assourdissant qui m'entourait, je passai une de mes mains sous la nuque de Manon et la seconde sous ses genoux et la soulevait pour me diriger dehors, attrapant au passage une bouteille de scotch et des allumettes dans le placard.

****

Le souffle du vent fit bouger le feuillage des nombreux arbres qui m'entouraient, brisant le silence de mort qui régnait dans les bois. J'avais marché une bonne dizaine de minutes pour arriver jusqu'ici, mais je ne m'étais pas résolu à faire ce pour quoi j'étais venu ici. Pourquoi elle ? Je ne pouvais pas, je ne voulais pas accepter de la laisser partir. Je pris une nouvelle gorgée d'alcool qui me brûla la gorge d'une manière que je jugeai réconfortante. Je jurai en m'apercevant que j'avais déjà vidé la moitié de la bouteille et mon regard se porta sur le corps de ma meilleure amie. Mon cœur se serra ; je devais le faire. Je devais lui dire adieu. Je me redressai avec difficulté et me dirigeai vers la tombe peu profonde dans laquelle je l'avais déposé. Je resserrai mon emprise sur la bouteille avant de l'incliner pour en verser le contenu sur le corps de Manon. Je sortis une allumette de sa boite et d'une main tremblante, je l'allumai. Je m'arrêtai de bouger, le regard rivé sur la flamme dansante qui allait dans quelques instants s'abattre sur l'une des personnes les plus importantes de ma vie. Je restai immobile un instant, déconnecté de la réalité, mais la flamme ne tarda pas à atteindre le bout de mes doigts, me faisant sortir de ma transe et m'obligeant à finalement la lâcher. Le feu ne fut pas long à prendre et il eut très vite fait de se propager jusqu'à ce qu'elle disparaisse complétement sous les flammes ardentes.

- On se retrouvera, murmurai-je, espérant qu'elle pouvait m'entendre de là où elle était.

J'aperçus enfin la voiture dans laquelle Emma m'attendait depuis plus d'une demi-heure déjà. Le chemin du retour m'avait paru interminable et j'avais dut m'arrêter pour évacuer la bile qui remontait sans cesse dans ma gorge. La lumière des phares m'éblouit et elle sortit dès qu'elle s'aperçut de ma présence. Elle avança dans ma direction d'un pas précipité et me prit dans ses bras en me serrant comme si j'allais disparaître d'un moment à l'autre.

- Tu vas bien ? Je m'inquiétais...

Je ne lui répondis pas. Je n'en avais plus la force. Elle s'écarta légèrement de moi et plongea ses yeux brillants dans les miens. Elle avait pleuré et même si elle essayait de toutes ses forces de garder la face -parce qu'il fallait bien que l'un d'entre nous conserve un minimum ses esprits- elle ne trompait personne. Je détournai le regard pour me concentrer sur l'intérieur de la voiture ; elle avait chargé toutes nos affaires à l'intérieur, la plus grande partie étant destinées à notre enfant. Ce dernier était allongé sur les sièges arrière et l'innocence de son visage endormi me retourna l'estomac. Emma l'avait visiblement nettoyé puisqu'il n'y avait plus aucune trace du sang de Manon sur lui, comme si rien n'était jamais arrivé. Il était enroulé dans ce que je devinais être un de mes tee-shirts. La vision de cet enfant, baignant dans le sang de sa victime frappa soudain mon esprit. C'était lui. Mon propre fils avait tué ma meilleure amie. Comment étais-je censé avancer avec ça ? Tout ce que je voyais dans ce bambin d'apparence si adorable, c'était un meurtrier. Un monstre. Les sorcières nous avaient prévenues, mais j'avais refusé de croire leur prophétie. Et si Manon n'était que la première d'une longue liste ? De quoi cet enfant était-il capable ?

- Ce n'est pas un monstre, Brice.

La voix d'Emma me tira de mes pensées. Je posai un regard dur sur elle avant de lui demander :

- Ah bon ? Qu'est-ce que c'est, alors ?

Elle sembla surprise et blessée par l'agressivité avec laquelle je venais de m'adresser à elle. Cependant, elle prit sur elle et me répondis d'une voix calme :

- Un enfant. Notre enfant.

- Tout ce que je vois c'est un meurtrier.

Cette fois-ci, elle ne put contenir la colère qui l'assaillit lorsque j'eus prononcé ces dures paroles. Elle écarquilla les yeux avant de s'exclamer :

- C'était un nourrisson ! Il a suivi son instinct, il est trop jeune pour réfléchir à ses actes, il doit même déjà avoir oublié ce qu'il est arrivé !

- Tu défends ce qu'il a fait ? M'étranglai-je alors.

- Non ! Manon ne méritait pas ça, mais il ne sait pas ce qu'il fait, c'est l'enfant de deux vampires, ce qui est arrivé était presque inévitable, c'est normal...

- Normal ? M'exclamai-je avec indignation.

Elle défendait cet acte terrible. Pourquoi ne voyait-elle pas la vérité en face ? Ses « instincts », comme elle le disait si bien, ne disparaitraient pas. Ils resteraient encrés en lui et les choses ne feraient qu'empirer au fil du temps. Elle cligna des yeux plusieurs fois et entrouvrit la bouche pour dire quelque chose avant de se raviser. Elle finit par murmurer :

- C'est pas ce que je voulais dire... Ecoute, je suis désolée. Je sais combien tu dois souffrir...

- Non, tu n'en sais rien, la coupai-je alors.

Elle essuya rapidement la larme qui s'était échappée de son œil avant de déclarer :

- Je t'en prie, calme-toi, tu es bouleversé, je suis sûre que tu ne pensais pas réellement tout ce que tu viens de dire... Michael peut être quelqu'un de bien, mais seulement si on reste là pour lui. Tu dois lui donner une chance.

Elle me prit dans ses bras avant d'étouffer ses sanglots contre mon torse et je restai immobile, incapable de formuler une réponse. Lui donner une chance ? En étais-je au moins capable ? J'en doutais et cette incertitude se confirmait pour la simple et bonne raison qu'Emma avait tort : je pensais chacun des mots prononcés durant cette confrontation.

***

On revient à notre fin du tome 1 avec ce chapitre 2 !

Vous êtes plutôt du côté de Brice ou d'Emma pour le coup ?

J'espère que vous avez apprécié ce chapitre,

Je vous dis à bientôt ! ♥

Hunter Being Hunted TOME 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant