Bubble

In

Dans un monde épuré de toute incidence, les hommes vivent dans des bulles transparentes à filtres U. V., légèrement colorées a leur guise quand ils souhaitent un peu d'intimité. Elles apparaissent lorsqu'ils y songent et disparaissent quand ils n'en veulent plus. Elles leurs permettent de se mouvoir. De plus grandes bulles leur servent d'habitation. Le monde n'est qu'un écran de sphères. Les gens s'habillent d'illusions et change de tenues quand bon leur semble. Ils se nourrissent de saveurs imaginées et s'hydratent de liquides invoqués. Les batiments des villes volubiles flottent en l'air retenus par de solides chaines mais s'envolent au gres du vent des qu'on largue les amarres, dès qu'une délocalisation s'impose. Il n'y a plus de routes, de chemins de fer, de bus ni d'avions, plus rien que des bulles ondulant dans le ciel. Sur le sol, de l'herbe verte tapisse les rues. Elle change de couleur. De temps en temps, elle rougit, s'orangifie, se violetise ou bleuise mais jamais ne jaunit, ne décline. Le monde metamorphose en paisible clairière, les hommes ne travaillent plus. Ils peignent, sculptent, jouent de la musique, chantent, photographient, filment, exposent, s'exposent et projettent leur créativité. Le président du monde n'est autre qu'Andy Warhol ressucite. Une atmosphère sereine y reigne enfin dépourvu d'heurts, de peurs, de pleurs, de souffrances, de larmes et de cris... La colère y est bannie.
Aujourd'hui s'annonce la journée d'Ela. Elle a décide de se rendre étonnante pour son intronisation en tant que membre suprême du conseil de la paix dans le monde. C'est la 12000ieme cérémonie depuis que l'univers trempe dans l'utopie. Elle a ete élue vénérable de sa promotion et semble très fière d'Elle. Pour l'occasion, elle a entrepris de s'envoiler tout entière dans l'étoffe pixelisee que sa grand-mere lui avait offerte pour son douzième anniversaire. Mirx s'envole pour son premier lache de papillons-éléphants et Lor se creuse la tête pour trouver la chanson d'ouverture de son concert.

Herl s'adresse a un client du café "Cream":

"Hé...toi la bas...tu ne trouves pas que cette matinée regorge d'un peu trop de quiétude ? Je me demande s'il va continuer a flotter longtemps comme ca...m'a l'air plutot tranquile aujourd'hui..."

Il s'envole sans même attendre de réponse. Un vent glacial se leve et givre tout sur son passage. Des glacons pendent le long des chaines des buildings qui se fendillent en un million de cristaux. Dans le ciel, les bubbles s'immobilisent, tournoient, se spiralisent paralysées, vrillent, craquellent, crevassent, étoilent et repartent aléatoirement guidées au grès du monde. Les batiments gondolent, se decristalisent et reprennent leur forme initiale.
Le jour, rien ne transparaît, les bubbles et tout dans le paysage persistent a s'uniformiser. Juste la lumière du soleil et celle de l'herbe au sol illuminent, éclatent, irradient. Un message luit sur la paroi du "ALL ART CHUWING Court's". L'obscurité s'intensifie et de nombreux messages apparaissent partout, même sur les bubbles qui s'appretent à sortir faire la fête en ville.

Des gens qui ne savent rien sur rien et tout sur tout, fiers d'un savoir préfabriqué, grignoté, mâché, remâché, mastiqué, dévoré, avalé, harnaché de principes usités, usés, épuisés, médusés, achetés, polissés, astiqués, briqués et lustrés mais jamais absorbés, digérés, assimilés, incorporés, forcément jamais appropriés et toujours adoptés, gouvernent cette société mais liberté de penser, de raisonner, de cogiter, de méditer, de spéculer, d'écouter, de discerner, de distinguer, étant de mise, ils s'en trouvent encensés, adulés, glorifiés , exaltés et célèbrés.

Donc, les ténèbres s'élèvent, la nuit s'enfond sur la ville. Elle s'enveloppe frémissante, brumisante, vaporante. Ela s'enjouit de sa journée, Mirx papillonnent éléphantement, Lor s'enchante évidemment, Herl se costume, se vête, se carapace élégamment et Andy blasphèmise sur le "...CHUWING Court's" pour inaugurer, crémailliser, bénir voir bannir, la nouvelle politique culturelle à venir du "Yesterday Court's". Il cire, pinte, huile, lubrifie, encence d'essence les sens, célèbre, glorifie, flagorne, adule, complimente de louanges encomiastiques, panégyriques, dithyrambiques, ce que le 'Hier' à de mieux en ce monde pour en faire un 'Aujourd'hui'.