Je t'écris aujourd'hui des lettres qui ne te parviendront pas, parce que c'est ça ou t'oublier et que t'oublier c'est ce qu'ils souhaitent. Quand ils vous ont mis en prison, ils ont refusé pendant des jours de nous dire où vous étiez. C'était partout à la télé : des jeunes de la Couronne, un immense trafic d'argent enfin dévoilé, des arrestations par dizaines. Vous étiez stupides et pleins d'espoir et vous croyiez pouvoir enfin nous sortir de la misère. Vous auriez dû savoir, sans doute. Comme c'était facile, comme c'était pratique de tous nous enfermer. Parce que vous aviez été insouciants et que vous croyiez que le monde allait vous appartenir. Quand tu partais de la maison, tu me disais : Blaise je reviendrai ce soir, avec un sourire sur les lèvres et moi comme une idiote je te faisais confiance. J'avais peur pour toi et peur pour le monde mais je croyais en l'avenir parce que c'était ça ou s'effondrer. Maintenant tu es dans cette prison et tu ne reviens plus le soir, tu ne reviendras plus jamais le soir, et je reste là à t'attendre dans la maison plongée dans le noir. Papa n'ouvre presque plus les yeux et maman pleure très souvent. Ils sont venus hier avec la lettre qu'on a tous craint de recevoir avant, la lettre qu'on a tous reçue les uns après les autres. C'était écrit comme un roman qu'on trouvait à la bibliothèque municipale avant qu'elle ne ferme, avec des jolis mots qu'on comprenait à peine mais qui voulaient dire c'est fini, vous avez perdu, il va falloir partir désormais. On a fait la valise, maintenant. On attend le bus qui ne nous amènera nulle part. Tout le monde s'en va. On pourrira quelque part sans toi.
J'espère que tu as eu une vie presque heureuse, mon frère.
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frères, bonheur en bas, sinon malheur en haut | ✓
Teen FictionUn frère, une soeur, les barreaux d'une prison. Ils étaient vagabonds dans un quartier en ruines, avant que l'on ne tente d'effacer leur existence d'un revers de la main, d'un discours à la télévision. De rêveurs ils sont devenus révoltés, d'enfants...