- Adoniiiis ? Cria sa mère à pleins poumons.
De sa chambre, ledit Adonis leva les yeux au ciel.
- Quoiiiiii ? Hurla-t-il à son tour, imitant sa mère en guise de réponse.
- Descend ! Tu vas louper le taxi !
Après un profond soupire, il attrapa sa valise qui lui paraissait énorme et descendit les marches une à une, manquant presque la dernière. De justesse, il se rattrapa tant bien que mal à l'épaule de sa mère puis ôta sa main, s'empressant de retrouver l'équilibre sur ses deux pieds.
- Adonis...
- C'est mon prénom, effectivement. Dit-il avec une pointe d'amertume dans la voix.
C'était en partie à cause d'elle s'il allait là-bas. Et même s'il ne voulait pas se l'avouer, au fond de lui, il lui en voulait. Beaucoup. Sa mère était avocate. Elle aurait pu le protéger, l'empêcher de partir, se battre pour défendre son fils. Mais non. Rien de tout ça. Du moins, pas comme il l'aurait espéré. Elle estimait qu'un « dépaysement total » lui ferait le plus grand bien et, peut-être, le remettrait sur le droit chemin.
Conneries.
Adonis esquiva les doigts de sa mère qui essayaient vainement de s'attarder le long de son bras, le mettant terriblement mal à l'aise. Faisant mine d'attraper la hanse de son baguage, il se décala avec nonchalance. Depuis qu'il avait appris qu'elle avait accepté, et même suggéré qu'il parte, le moindre contact avec elle lui était impossible. Tout son corps se tendait, sa cage thoracique se bloquait et il devenait incapable de déglutir. C'était comme une sensation de dégout à la vue d'un aliment périmé. Il ne supportait plus l'idée qu'elle le touche. Il ne voulait plus rien provenant de cette femme. La trahison était trop grande.
- Le taxi arrive d'ici cinq minutes. L'informa sa mère, la gorge serrée.
Elle sentait bien que son fils avait imposé une distance, un froid glacial entre eux depuis quelques semaines. Loin d'être dupe, elle savait pertinemment que c'était sa faute mais restait convaincue qu'elle avait pris la bonne décision. Adonis, ici, mourrait à petit feu, il avait besoin de renaitre ailleurs. Elle arrivait à bout de solutions. Elle ne savait plus comment l'aider ni vers qui se tourner pour rallumer l'étincelle qui s'éteignait en lui de jour en jour.
- Bien.
Il marcha jusqu'à la fenêtre, surveillant l'arrivée de celui-ci, impatient que le ronronnement du moteur le sauve de cette situation gênante. Puis il attendit. Pendant un moment, aucun d'eux ne dit quoi que ce soit, jusqu'à ce qu'elle se décide à rompre le silence.
- Ton père serait très fier de toi. C'est une décision très sage que tu prends et il dirait sans doute que...
- S'il a des choses à dire, qu'il vienne le faire en face. La coupa-t-il sans même se retourner.
Sa mâchoire se serra. Adonis sentit son pouls pulser jusqu'aux paumes de ses mains.
- Sois indulgent avec lui ! Il n'est pas mauvais. Quand il reviendra, vous aurez beaucoup de choses à vous raconter après...
Adonis ravala un rire d'épuisement et planta son regard dans le sien. Il avait de la peine pour sa mère. Vraiment. Comment pouvait-elle être encore si naïve à son âge ? D'un visage ombrageux, il lui répondit calmement :
- Maman. Arrête de t'accrocher à cette image idéalisée que tu as de lui. Il ne reviendra pas. Il nous a lâchés et il en a rien à foutre de nous.
Il marqua une pause, entendit qu'elle ravalait un début de sanglot et déclara :
- Le taxi est là.
Elle hocha la tête, le cou rougit par l'émotion et les yeux humides. L'accompagnant jusqu'à la porte, elle tenta de déposer un baiser dans la tignasse blonde de son fils, mais celui-ci l'esquiva avec agilité. Elle déglutit péniblement. La tension entre eux était palpable, accentuée par leur maladresse sentimentale et leur communication bancale.
- Ce sera une aventure intéressante, ne t'en fais pas, mon chéri. Tu en reviendras grandi, et mâture. Ce n'est qu'un été, ça passera vite. Argumenta-t-elle dans l'espoir de le rassurer.
Sans croiser son regard, elle passe sa main moite dans le dos d'Adonis. Celui-ci fit un pas de côté pour rompre le contact et saisit la poignée de la porte. Sa mère essuya une larme qu'elle essayait de dissimuler. Adonis ne savait pas si elle pleurait à cause de ce qu'il lui avait dit, ou de son départ, peut-être les deux. Mais ça ne lui faisait ni chaud ni froid.
Il savait qu'il l'avait déçu et sa mère continuait de justifier son acte en disant qu'il avait tenté de voler ce scooter pour attirer l'attention de son père. La pauvre, elle se berçait d'illusions. Tant mieux si cela l'aidait à mieux supporter sa solitude. Et puis, c'était faux. Adonis ne voulait pas de l'attention de son père. Il vivait dans un monde de trahison. Il avait déjà accepté que ce lâche ne reviendrait jamais, et tout ce qu'il souhaitait pour sa mère à cet instant était qu'elle ouvre les yeux à son tour.
Le taxi klaxonna, le tirant de ses pensées. Adonis ne voulait pas aller là-bas. Il ne voulait pas rester ici. Il ne se sentait à sa place nul-part. Il n'avait aucune idée d'où il allait, ni de ce qui l'attendait. Il sortit de leur immeuble HLM typique des banlieues parisiennes et prit une grande respiration. Il inspira une dernière fois les vapeurs de kérosène et ferma les yeux, un peu stressé. Ses mains devenaient moites.
Il repéra le chauffeur du taxi au loin qui lui fit un signe de la main, debout à côté d'une longue voiture noire. La rue était déserte, comme si toute forme de vie s'était évaporée, ne laissant plus qu'Adonis, seul face à cet homme à la moustache épaisse.
Le moustachu le salua et ne récolta qu'une salutation étouffée de la part du blondinet. Après que ses papiers eurent été vérifiés, il prit place à bord de la banquette arrière, et le chauffeur missionné par le tribunal l'interpella :
- Alors jeune homme, prêt pour neuf heures de trajet ?
Tout sourire, il tourna la clé pour démarrer la voiture.
Neuf heures de trajet... Appuyant sa tête contre la vitre, Adonis vida tout l'air de ses poumons et ferma les yeux. Intérieurement, il songea qu'il avait vraiment avoir la poisse.
Parce que, oui, ce genre de truc, ça tombait toujours sur lui.
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Stupid Charming Cowboy [BxB]
Teen FictionAdonis n'a que 17 ans lorsqu'il évite de justesse le camp de redressement pour mineurs, après le vol d'un scooter. En échange, il doit exercer deux mois de Travail d'Intérêt Général... Dans un ranch. Quittant Paris et sa banlieue, le voilà qui se re...