Greton

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« Mademoiselle Celia ? Veuillez nous suivre s'il vous plaît. »

J'adopte la posture la plus neutre possible, le visage le plus calme possible et me lève de mon siège sous les encouragements silencieux de mes compagnons de torture. Les examinateurs font passer l'épreuve à un dortoir chacun. Je passe donc le mien après Estien et avant Noé. Celui-ci (d'examen) consiste à l'élaboration d'un enchaînement dans une situation donnée, pour s'en sortir vivant. Lorsque j'entre, le visage de l'examinateur me rappelle vaguement quelque chose, comme s'il m'était familier. Je n'apporte pas plus de recherche à cette réflexion, me concentrant sur ma future tâche à accomplir.

« Mademoiselle, posez votre stylo je vous prie, j'aimerais, avant que nous commencions, vous adresser quelques mots. Il se trouve qu'en ce lieu, seuls trois étudiants connaissent mon visage à savoir vous et vos deux camarades de chambre. » Il marque une pause, guettant ma réaction, que je ne laisse sortir sous aucun prétexte. Mon visage reste neutre, fermé. Pourquoi me raconte-il ça ?

« S'il s'avère que je ne me suis pas trompé, vous pourriez être les élèves les plus prometteurs de notre section militaire, ainsi je me dois de vous examiner moi-même. »

J'acquiesce d'un signe de tête comme si je comprenais parfaitement alors que je ne comprends rien.

« Je suis le directeur de cet endroit, celui qui vous a reçu lors de votre arrivée. Vous souvenez-vous de notre échange lors de ce jour? »

Je hoche de nouveau la tête. Comment oublier, j'aurais reconnu cette voix grave entre mille, cette voix dure, profonde, qui ne laisse aucun détour.

« Bien, commençons »

Lorsque je sors, je m'assieds sans un mot entre Estien et Noé, nous ne sommes pas autorisés à quitter la pièce avant que chacun d'entre nous ait fini son épreuve. Une fois assise je me laisse divaguer dans les recoins profonds de ma mémoire. Le jour de mon arrivée, le jour de mon arrivée, le jour de mon arrivée. Et les grandes portes s'ouvrent à nouveau devant moi, âgée de 6 ans. Ces lourdes portes de bois défraîchi. Lorsque la voiturette s'est arrêtée devant celles-ci, mon regard n'osait pas les parcourir, la grandeur me donne le vertige. J'ai tenté d'effacer tout souvenir de ma mère, de mon père et de tout ce qui avait précédé le début de mon entraînement, seulement ma mémoire est coriace. Lorsqu'elles se sont ouvertes, un hall immense, digne d'un intérieur de forteresse brillait de flammes que je n'ai jusqu'à aujourd'hui jamais vu s'éteindre. Ce bâtiment est une prison, me suis-je dit, je vais me faire enfermer. les murs de pierre froids me surplombaient, sur une hauteur que je ne saurais définir, un géant y aurait paru nain. Toutes les pièces se ressemblaient, toutes n'étaient que pierre, torches et grands hommes droits comme des piquets restant à leur poste sans broncher. Lorsque j'ai pénétré dans l'enceinte du « recensement » comme ils l'appellent, tout à changer. Un long lustre pendait au plafond, un lustre digne de vieux films, magnifiques, assez grand pour éclairer l'immense salle constituée de longues files d'enfants faisant chacune face à un bureau, le bureau du recensement. C'est ici la première fois que j'ai croisé Noé, il était à la même position que moi dans la file d'à côté. Lorsque mon garde m'a déposé dans la file, il m'a simplement dit de ne pas m'inquiéter, que ça irait vite. J'ai passé 3 heures dans cette file, lorsque je suis arrivée devant le petit bureau, l'homme m'a demandé mon prénom.

« Celia. Celia Northberg. » J'en ai rougi, tellement ce mensonge me paraissait idiot. Cet instinct inutile. Et pourtant, il s'avérerait sûrement utile plus tard. Puis les formalités, mon âge, mon don (une normalité ici je vous l'accorde), mon origine (ici il y a des français, des américains, des africains, des australiens, etc), ce genre de choses. Assez de questions pour toute une vie autrement dit. Une fois les 45 minutes de torture terminées, j'avais été directement envoyée dans ma chambre, ensuite Noé avait été envoyé dans cette même chambre me saluer (et me rendre la gourmette) puis finalement y avait été placé aussi. Je n'avais reçu aucune explication plus profonde sur l'endroit dans lequel je me trouvais. Je n'avais jamais envisagé de demander aux gens plus âgés, que je ne rencontrais que très rarement. Montrer un trop plein de curiosité ne me semblait pas souhaitable. Alors j'avais attendu, les évènements s'étaient succédés et j'avais appris ce que j'avais à apprendre, sans poser de question, silencieuse mais attentive à tous détail. Les choses avaient bien changées aujourd'hui au sein de l'établissement.

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⏰ Dernière mise à jour : Aug 20, 2018 ⏰

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