Alors ? Qu'est-ce qu'on fait ? On se dit "au revoir"? On arrête de se parler ? On se perd de vue, et si tout va bien on aura bientôt tout oublié ? C'est ça ? D'ici là on essaye de passer à autre chose, de vivre chacun nos vies ?
Autant te prévenir tout de suite : je vais sûrement craquer, revenir vers toi, te dire que je t'aime, que tu ne manques. Je vais vouloir que tu reviennes, que tu m'aimes. Je vais pleurer. Je serais en colère. Je vais te haïr. Tu me détesteras aussi. Mais tu voudras pas me blesser, tu fera comme si toi aussi t'étais mal. On se dira quand même que c'est mieux comme ça, il faudra se raisonner.
Et puis avec le temps les blessures guérissent et on oubliera tout. On fera de nouvelles rencontres, on croisera de nouvelles routes. Le bonheur reviendra peu à peu mais moi je ne t'oublierais pas. Doucement, certains souvenirs referont surface, tandis que d'autres tenteront de disparaître pour toujours. La vie aura repris, j'irai de l'avant. J'aurais mes amis, mon travail. Tu ne seras alors plus qu'un souvenir pour moi. Je repenserais à toi en me disant que j'ai fait toute une histoire pour rien. Peut-être même que je parviendrai à te remplacer, pendant un court instant, au moins.
Mais rien n'est éternel : ni l'amour, ni l'ignorance. C'est pourquoi, au moment où tu ne représentera plus pour moi que quelques mois heureux de ma vie, à ce moment là, on se recroisera. Par hasard, sans doute. On échangera quelques mots sur nos nouvelles vies, sans grand intérêt. Et alors qu'on pensait avoir fait une croix sur notre passé, alors que le plus dur était loin derrière nous, on ira boire un verre. Ce sera juste une invitation aussi innocente que maladroite de la part de l'un de nous, mais on ira boire un verre. En souvenir du bon vieux temps. On y pensera. D'abord ça n'aura l'air de rien, mais sans le vouloir, les souvenirs vont remonter. La joie. La haine. La passion. La tristesse. Tout ça ressurgira du plus profond d'entre nous. On se dira que c'est rien, mais le mal sera déjà fait.
Juste un baiser, d'abord, trois fois rien. Mais une chose en entraînant une autre, je me réveillerais un matin chez toi. Je prendrais seulement conscience du mal qu'on se sera fait. Nos vies, tout ce qu'on aura dû reconstruire pour s'oublier, absolument tout s'effondrera. Le bonheur retrouvé s'envolera pour laisser à nouveau place aux galères. On se sera envoyé en l'air en y envoyant aussi nos vies. Et quand on réalisera tous les deux, ce sera déjà trop tard.
On se disputera. On s'en voudra de s'être rapprochés. On aura beau s'engueuler, rien n'y fera. On sera de retour à la case départ. On en reviendra là où on en est aujourd'hui. Alors on restera là à se regarder, sans rien dire, sans rien faire.
Comment c'est possible ? J'en sais rien. On sait que c'est voué à l'échec, mais on y peut rien, on est fait pour foutre nos vies en l'air. On croise un regard deux secondes, on se demande si c'est le bon. On sert un corps contre soi, on se réveille, on se demande où on est. C'est toujours comme ça, finalement. On se pose des questions mais on se dit pas qu'on pourrait juste s'aimer comme des fous.
Alors on reste là à se regarder, sans rien dire, sans rien faire. On se demande juste une chose : Alors ? Qu'est-ce qu'on fait ?
