Chapitre 1: Mourir ou Vivre

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Arden

Arden retrouvait ses esprits et ce n'était pas sans mal. La fillette hurla lorsque des flammes jaillirent dans le couloir. Le feu prenait de l'ampleur et menaçait de rapidement tout détruire. Le jeune homme n'hésita pas longtemps. Il retira son t-shirt et se précipita vers l'enfant. Il la saisit dans ses bras et l'enveloppa du tissu pour la protéger des projections en accourant vers la sortie. Il ouvrit la porte juste avant d'être propulsé dans un épais tapis de neige par une explosion puissante. Arden n'avait jamais connu l'hiver, ni aucune des saisons, mais il n'avait pas le temps de s'émerveiller de la blancheur du paysage, ni de la beauté de ce qui tombait du ciel. Il sentit une brûlure cuisante attaquer son dos. Il n'entendait plus qu'un sifflement insupportable et les hurlements de la petite qui se débattait dans ses bras. Il se releva tant bien que mal en soulevant l'enfant. Il cala sa petite tête dans son cou et avança dans le froid qui lui mordait la peau. Il voyait flou, et manqua plusieurs fois de perdre l'équilibre. L'enfant s'agrippait à lui et criait lorsqu'une autre détonation brisait les fenêtres du manoir qui s'écroulait. Arden avait mal, mais comme toujours il supporterait la douleur. Des éclats de verre s'étaient figés dans sa peau et la brûlure de la première explosion lui déchirait le dos et les bras. Il suivait le chemin un peu moins enneigé qui menait au portail, lorsque la fillette se remit à se débattre en hurlant qu'elle voulait sa mère. Arden tomba à genoux près de la sortie et resserra son étreinte autour de l'enfant pour calmer sa panique.

– Tes parents sont partis, je suis là... Je te protègerai, quoi qu'il arrive.

C'était les premiers mots d'Arden depuis la mort d'Hanna. C'était comme si sa parole avait été libérée. Il releva ses yeux sur le manoir en flammes à une cinquantaine de mètres d'eux. Le spectacle était empreint d'une certaine beauté. Cette chaleur lumineuse dans cette plaine enneigée balayait les années de malheur d'Arden. Il ne se souvenait plus d'avoir déjà vu sa demeure d'ici. Dorénavant il ne la verrait plus jamais. S'il pensait aller mourir ailleurs, il avait maintenant trouvé un but tout autre. Il avait quelque chose qui lui permettrait d'avancer au-delà de ses douleurs physiques et mentales, il ne se laisserait pas enliser dans la peur et les remords. Il allait tout donner pour la petite, pour sa sœur. Cette idée lui donna la force de se relever. Il posa un pied nu sur le sol puis se redressa en soulevant l'enfant. Elle tremblait et lui aussi avait froid, il fallait qu'ils bougent et qu'ils trouvent un endroit sûr où passer la nuit. Arden ouvrit le portail et le laissa ainsi. Il avançait difficilement, ses membres se raidissaient et son torse nu tremblait sous le froid et l'effort. Mais il progressait en frictionnant le dos de sa sœur pour qu'elle se réchauffe. Après quelques pas, il la vit fermer les yeux. Il savait qu'elle ne devait pas s'endormir, il avait lu assez de livres pour savoir qu'il allait la perdre si elle sombrait dans le sommeil. Il reprit alors la parole :

– Dis-moi, comment tu t'appelles ? lui demanda-t-il, la voix tremblante.

La petite garda le silence un instant. Ses petites lèvres pulpeuses entrouvertes prenaient une teinte bleutée. Elle fut secouée par un frisson et ouvrit faiblement ses grands yeux bruns.

– Estelle...

Sa petite voix était très faible, aussi Arden enchaîna pour qu'elle reste consciente :

– Moi c'est Arden, tu ne le sais sûrement pas mais je suis ton grand frère. On va trouver un abri pour se réchauffer mais il ne faut pas que tu dormes d'accord ?

Il continuait de frotter le tissu de son t-shirt autour de la fillette qui grelottait contre lui. Arden voyait au loin les lumières de la ville. Le manoir Rosenbach n'était qu'à un petit kilomètre des autres habitations. Le jeune homme ne se souvenait pas d'y être déjà allé mais il devait risquer le tout pour le tout. Seulement, la neige tombait et le corps d'Arden s'engourdissait. Il perdait ses forces et même s'il luttait, il ralentissait. Estelle s'était assoupie et sa respiration faiblissait. Le jeune homme n'arrivait plus à la réveiller. Il n'y avait pas de circulation à cette heure et par ce temps et l'espoir commençait à fuir. Son pas s'alourdissait et s'enfonçait dans la neige épaisse. Sa peau pâle bleuissait à vue d'œil. Peu à peu il perdait la sensation de ses membres. Les lumières de la ville se rapprochaient mais il ne les voyait pas arriver. Son corps perdit l'équilibre et bascula sur le côté. Il s'enfonça dans la neige tout en gardant ses bras autour de la petite endormie. Il sentait ses sens s'éteindre, il n'entendait plus que son cœur qui battait de plus en plus lentement. Il ne voyait plus que le blanc de la neige qui lui embrumait l'esprit et il ne ressentait plus rien de son corps. Plus aucune douleur mais aussi plus aucune sensation, comme si son enveloppe corporelle ne lui appartenait plus. Il allait mourir ici, avec l'enfant, sans avoir pu tenir sa promesse, sans avoir atteint son but. Mais il n'avait plus la force de réfléchir, ni même de penser. Il avait même l'impression d'être apaisé pour la première fois de sa vie, comme si on lui accordait la paix qu'il méritait depuis tant d'années.
Mais ce n'était pas la fin pour lui. Alors qu'il sentait ses dernières forces l'abandonner, il entendit le crissement de quelques pas qui se rapprochaient de lui. Il parvint difficilement à ouvrir les yeux. Ses cheveux étaient gelés et son crâne incrusté dans la neige. Il voyait très flou mais il réussit à distinguer une paire de bottes de cuir. Il tenta de relever la tête mais l'effort fut vain. La personne qui venait de l'approcher s'agenouilla mais Arden ne put entrevoir qu'une silhouette. Il supposa qu'il s'agissait d'un homme vu sa carrure. Il essaya de se redresser afin de lui faire passer Estelle qui devait être secourue mais l'inconnu ne fit rien pour la prendre et prit plutôt la parole :

ArdenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant