Cinq

688 82 3
                                    

J'observe discrètement Ashton fixer l'eau devant nous. Nous n'avons pas bougé depuis plus de dix minutes, n'avons rien dit non plus. J'ai peur de bouger, de parler, que tout s'envole.

- Tu accepterais que je t'amène quelque part ?

Rapidement je reporte mon regard sur le lac, priant pour qu'il ne se soit pas aperçu de mes yeux sur lui.

- Où ça ?

- C'est une surprise, il se lève et clappe des mains, allez debout !

Alors qu'il me tire par la main, je regarde la montre à mon poignet et constate qu'il est minuit passé. C'est dingue, tout est dingue ce soir. Me voilà en compagnie d'un garçon que je connais à peine mais qui est connu dans le monde entier. C'est incroyable.

Je crois que le plus dingue c'est que je me sois attaché à lui en si peu de temps, à l'homme et pas la star. Il est tellement...vrai. Ouais, il est vrai et j'ai l'impression que c'est plus qu'une simple soirée à nos yeux. J'aime penser qu'il ne s'ouvre qu'à moi comme il le fait ce soir.

Aussitôt, je renforce l'étreinte sur nos mains et croise le regard tendre d'Ashton. Je crois que je vais avoir du mal à le laisser rentrer chez lui.

*

En courant, nous descendons les escaliers du métro australien et atterrissons dans les grands couloirs menants aux rames. Nous nous faisons bousculer par les nombreux travailleurs du soir, les jeunes qui sortent à peine de soirée. Ashton - qui a remis sa capuche - sourit de toutes ses dents alors que nous nous arrêtons devant un mur blanc recouvert de graffitis.

- Euh ? Ashton ?

- On y est, il prononce ces quelques mots, les yeux rêveurs.

- Tu vas m'expliquer ou...?

Il pouffe de rire et se poste devant moi, devant le mur.

- C'est ici que j'ai joué en public pour la première fois, il m'apprend et j'aperçois la nostalgie qui émane de ce bel homme. Je tiens beaucoup à cet endroit.

- Je passe ici tous les jours pour aller au travail, je lui avoue et sa main vient attraper la mienne, maintenant ça me donne une bonne raison pour passer par ici.

- Désolé les jeunes mais on a besoin de cette place, nous entendons et nous retournons.

Un homme et une femme, d'une trentaine d'années nous font face. Ils ont l'air fatigué, maigres mais un sourire apparait tout de même sur leurs visages. Je remarque la guitare dans la main de l'homme et comprends alors ce qu'il se passe.

- Allez-y oui, je bégaye et nous nous décalons pour leur permettre de s'installer.

Toujours main dans la main, nous les regardons s'assoir au sol, l'homme avec la guitare sur ses genoux.

- Je croyais que c'était interdit de s'approprier un lieu public, je murmure à mon ami et il sourit en coin.

- Pas quand quelqu'un fait en sorte de le rendre accessible à ceux qui le souhaitent.

- Tu as fait ça ? Je fronce les sourcils et vois ses yeux s'ancrer dans les miens.

- Ça me tenait à coeur, il hausse les épaules.

Comment peut-il être aussi adorable ? C'est bien la seule personne que je connaisse qui aurait pu faire un truc pareil. Une idée me passe par la tête et je me mets maladroitement sur la pointe des pieds. Une main sur son torse qui me permet de tenir, je dépose un simple baiser sur sa joue découverte de son vêtement et ferme les yeux un moment. Sa main lâche la mienne et il vient entourer ma taille de son bras, me berçant au rythme de la guitare dont les cordes sont grattées non loin de nous. La femme à ses côtés se met à fredonner et je reconnais Stand By Me, de Ben E.King.

Mes mains se posent sur ses épaules alors que celles d'Ashton encerclent ma taille. J'ouvre les yeux et rencontrent les belles perles de mon partenaire de danse. J'ai l'impression de rêver, de voler. Oui, c'est ça, je suis sur un petit nuage de coton.

- Dis moi que tu ne pars pas, il soupire d'aise et je pose mon front contre le sien.

- Je ne vais nul part.

C'est comme ça que nous sommes restés l'un dans les bras de l'autre, pendant une grande heure.

Le KaraokéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant