Jour 2

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J'ai rendez-vous en ville pour un entretien d'embauche que mon père a réussi à me dégoter. J'ai terminé le lycée et il est temps pour moi d'entrer dans le monde des grands et de gagner mon propre argent. Je vis de l'argent de poche que me donnent mes parents et tout simplement à leur crochet. J'ai toujours été du genre indépendante et libre et j'ai toujours crié haut et fort que dès que je pourrai quitter le nid, je le ferai sans aucune once d'hésitation.


- Je t'emmène, ma chérie ?



Et ma liberté et mon indépendance commencent ici et maintenant. Je secoue négativement la tête de gauche à droite, en souriant finement.

- Non merci, je vais prendre le bus.



Mais mon paternel n'a pas l'air du même avis que moi et comme je le connais par cœur, je comprend d'ores et déjà, à son regard, qu'il va se montrer insistant et que de toute façon, je n'ai pas le choix.



- Je dois aller au village faire quelques courses et rencontré un menuisier chez qui je compte me ravitailler, ça ne me dérange pas.



La belle excuse qui n'en est pas vraiment une, mais je prends la chose ainsi. J'observe mon reflet dans le miroir qui se trouve dans le vestibule. Cheveux, check. Maquillage, check. Tenue, check. Stress, check.



- Tu devrais relever tes cheveux, ça fait plus présentable.



Et là, c'est une bombe que ma mère vient de lancer. Si ses paroles sont déjà de trop, ça n'est rien comparé à ses gestes. La voilà à mes côtés, en train de tenter de dompter ma très épaisse et longue crinière blonde. Mon premier réflexe, c'est de me défaire de cette emprise.



- Ça suffit, maman !



Mon ton est froid, contre ma volonté. Je ne veux pas la blesser ou quoi que se soit mais arrivé à un moment, il faut se poser les bonnes questions et la première est : pourquoi te mêles-tu toujours de mon apparence ? T'as le double de mon âge, nous ne sommes pas de la même époque donc, les temps changent.



- Excuse-moi, maman, je ne voulais pas râler...



Je la prends dans mes bras et je la serre contre mon cœur pour accompagner mes excuses. J'ai tendance à m'emporter facilement, elle le sait, mais ce n'est jamais méchant. Je suis juste impulsive sur certaines choses et davantage quand il s'agit de mon enveloppe corporelle. Je suis très complexée et ça ne date pas d'hier. Je mets énormément de temps à me trouver potable. 



- C'est rien. Bonne chance pour ton entretien.



Elle m'embrasse sur la joue et je lui rends son baiser.



- Bonne chance, petite sœur !


Je rêve ? C'est bien Jax qui vient de me souhaiter une bonne réussite pour mon entretien d'embauche ? Il vient de casser tout les codes mis en place entre nous, mais j'apprécie, même si je ne le montre pas et que je lui réponds en levant mon majeur et qu'il se contente de s'esclaffer comme l'imbécile qu'il est.  


***


Nous sommes sur le retour, mon père et moi. Mon entretien, je n'ai pas besoin d'en parler, il n'y a qu'à regarder la banane que j'ai sur le visage et de toute façon, en bon commère du coin, il a déjà été causer avec mon patron.



- Alors, ma chérie, prête à enfiler ton uniforme ?



Je le regarde, en souriant amusée. Je ne suis pas certaine de vouloir le porter, mais je n'ai pas vraiment le choix puisqu'il fait partie du package. 



- Je vais ressembler à quoi avec ma fausse poitrine et ma tenue de serveuse des années 60 ?



Vous avez bien compris. Je viens de me faire embaucher comme serveuse dans un dinner et ma tenue est composée d'une paire de prothèses mammaires, d'une chemise rose pâle et d'une jupe sur laquelle trônera un magnifique tablier. Vous imaginez le style ? Si la tenue ne me plaît pas des masses, elle ne me déplaît pas pour autant puisqu'elle met en avant les années sixties et je dois bien avouer que c'était une belle époque. De plus, j'ai l'impression que ça me rapproche un peu plus de Marilyn Monroe.



- Tu vas être parfaite !



Sur ces mots, il éclate de rire et j'en fais de même parce que je suis véritablement contente. Ce n'est pas le boulot de mes rêves, mais ça me permettra de gagner un peu d'argent et de me changer les idées après les cours. Ma rentrée a lieu dans moins d'un mois et contrairement à ce que l'on pourrait croire, dans ce coin paumé, il y a une université. L'idéal serait que je ramasse assez d'argent pour pouvoir m'offrir une petite voiture, mais sur le coup, je compte sur la participation de maman et papa. Je suis, à temps complet pour ce mois-ci et en fonction de mes horaires scolaires, monsieur Smith réajustera mes horaires.
Le téléphone de mon père, attaché sur un support, sur le tableau de bord sonne et c'est le visage souriant de ma mère qui s'affiche dessus alors qu'il décroche grâce à une commande et que sa voix se diffuse dans l'habitacle de la voiture.



- Erik, vous en êtes où ?


- On est à quelques kilomètres de la maison, qu'est-ce qu'il y a ?



Même moi, je comprends que quelque chose ne tourne pas rond, au son de la voix de ma mère, mais je n'interviens pas, je me contente d'écouter, silencieusement.



- Tu es sur le haut-parleur ?


- Oui... Qu'est-ce qu'il y a, Heather ?



Si j'avais réussi à redonner le sourire à mon père et à le faire rire, cette horrible mine fermée refaisait crescendo une apparition sur son visage.



- On en parle à ton retour. Tout va bien, ne vous inquiétez pas. Et toi, ma puce, qu'est-ce qu'à donné ton entretien ?


- J'ai décroché le job.



Mon ton est de nouveau froid, mais pas parce que je suis agacée, mais parce que ce coup de fil ne m'inspire rien qui n'aille. Ma mère doit le ressentir, car un blanc s'installe quelques secondes avant qu'elle n'ouvre de nouveau la bouche.



- Parfait, je suis contente pour toi.



Sur ces mots, elle raccroche avec sa précipitation légendaire. Plus personne n'y fait attention avec le temps. Elle est comme ça. De notre côté, nous finissons le trajet dans un silence de mort.  



La maison de l'horreurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant