Des larmes perlaient sur ses joues, telles des perles de cristal. Face à l'autoroute, elle hésitait à sauter de la rambarde du pont sur lequel elle s'était assise. Les bruits de moteurs l'assourdissait, l'odeur de l'essence agressait son odorat, lui laissait un goût âcre en bouche, mais cela n'avait plus d'importance.
Toutes ses pensées étaient tournées vers l'autoroute et les voitures passant à toute allure. A tout moment, un conducteur choisi par le hasard pourrait broyer ses os, déchiqueter sa chaire, lui ôter la vie d'une façon des plus sanglantes. Elle ferma les yeux, ne prenant même plus la peine d'effacer ses larmes d'un revers de main. Des images, toutes plus pathétiques et désolantes les unes que les autres lui venaient, s'imprimant dans sa rétine. Elle prit sur elle et se fit un rapide résumé de sa vie. Rien de plus simple, pour elle, sa vie se résumait en un seul mot : échec. La gravité qui pouvait la plonger vers la mort la fit vaciller pour plonger légèrement vers le vide sans fin, mais il n'était pas encore temps. Elle se redressa vivement, par réflexe, regretta sans regretter son geste, et se replongea dans ses pensées.
Ses larmes cessèrent de couler. Elle se sentait en paix avec elle même. Une petite boule d'adrénaline résidait dans son ventre. Elle voulait sauter quand elle eut une dernière pensée pour sa famille. Un violent spasme la secoua, les larmes remontèrent, un sanglot l'étranglât à moitié et lui déchira la gorge.
Ainsi, même sa mort allait être une déception, un échec, une autre source de déception de ses proches.
Sa tête se pencha vers l'autoroute, ses pieds se balancèrent dans le vide, son dos était parcouru de tremblements, et ses larmes qui n'arrêtaient pas de couler... Ses yeux semblaient morts, ses lèvres serrées, presque blanches, empêchaient des sanglots de s'échapper. Avant même de mourir, elle avait déjà l'allure d'une défunte. Elle se remit à fixer de ses yeux vides les voitures qui défilaient si vite...
Elle se sentit attirée par le vide, prit une grande inspiration, fixa une dernière fois la lune et les étoiles, se leva sur la rambarde, se mit dos aux voitures pour tomber sans voir la mort dans les yeux et croisa du regard des yeux brillant d'une lueur incompréhensible. Un homme, à quelques pas de la rambarde, tentait de l'empêcher à la seule force de ses yeux ourlés de larmes de sauter du pont.
Il esquissa un pas vers elle, au bord de la mort, et lui déclara :
- Je t'aime.
- Moi aussi je t'aime...
« Certaine clarté Oblique,
L'Après-midi d'hiver -
Oppresse, comme la Houle
Des Hymnes liturgiques -
Céleste Blessure, elle ne laisse
Aucune cicatrice,
Mais une intime différence -
Là où les Sens, résident -
Nul ne peut l'enseigner - Non -
C'est le Sceau du Désespoir -
Une affliction impériale
Que des Airs on nous envoie -
Elle vient, le Paysage l'écoute -
Les Ombres - retiennent leur souffle -
Elle s'en va, on dirait la Distance
Sur la face de la Mort - »
Emily Dickinson
VOUS LISEZ
Loin au dessus des nuages
Fiction générale"Des larmes perlaient sur ses joues, telles des perles de cristal. Face à l'autoroute, elle hésitait à sauter de la rambarde du pont sur lequel elle s'était assise. Les bruits de moteurs l'assourdissait, l'odeur d'essence agressait son odorat, lui l...