À l'intérieur... Agoraphobie [OS]

Encore - Partie Unique

Ça va recommencer
Je le sais, je le sens
C'est impossible de me focaliser sur autre chose que ce qui va m'arriver
Ma tension augmente
Plus j'y pense et plus ça empire
Par réflexe je vérifie mon poux toutes les trentes secondes
Me détendre et éviter ça n'est pas envisageable
Il y a trop de monde
Beaucoup trop
Partout autour de moi
J'ai beau essayer de ne toucher personne c'est au delà de mes forces
Je ne tiendrais pas longtemps
Il y a énormement de bruit
Je veux que ça s'arrête
Des regards se braquent sur moi
Je dois faire quelque chose pour ne pas qu'ils me voient
Je dois bouger
On va me bousculer sinon
Ils ne me verront pas
J'ai peur
Et voilà
Le choc
L'impact
Tout le paysage autour de moi tourne
Ma vision se trouble
Les images se floutent et se mélangent
Et puis un dernièr flash blanc m'éblouit avant de trébucher
Remplacé très rapidement par du noir
Le temps semble s'arrêter
Je me sens comme confinée
Enfermée dans une pièce trop petite pour moi qui m'oppresse
Coincée dans une cage sans échappatoire
Un bruit aiguë vient transpercé mes tympans et puis plus rien
Il n'y a vraiment plus aucun bruit
Le silence est absolu
Glacial et rigide comme je n'ai jamais eu l'occasion d'avoir à confronter
Rien ne trouble cet effet qui me glace le sang
Glacial est le mot juste pour ce silence
Après un long moment j'ai le sentiment d'être morte
Je n'ai pas osé bouger depuis le départ et je me sens devenir folle
C'est totalement insupportable pour moi de ne rien entendre
Il faut que je brise ce silence
Mais j'ai peur
Parce que si ce silence est instalé
Faut-il que je le brise
J'attends encore
Mon cerveau est comme vide
Il se vide lentement de toutes pensées qui me faisaient imaginer du bruit
Je ne vois rien
Ou du moins pas plus que tout à l'heure
Mes membres ne veulent pas bouger
Ils n'obéissent plus de peur de faire un mouvement trop bruyant
Pourtant je veux
J'ai besoin de briser cette glace qui est entrain de me figer
Même le moindre froissement de mes vêtements s'est arrêté
J'essaye d'ouvrir la bouche
Avec difficulté et en luttant avec ma volonté j'entrouvre les lèvres
Je replace ma langue correctement
Ma mâchoire descend un peu plus et j'ordonne à mes cordes vocales de réagir
Je suis muette
Des larmes se forment timidement
Elles grossissent cependant
Ce sont des larmes de désespoir que je ne peux pas arrêter
Pas un seul son ne sort
Pourquoi
Je répète pourquoi une fois
Deux fois
Une dizaine de fois
Puis je ne me stoppe pas jusqu'à ce qu'un pourquoi franchisse mes lèvres
J'ai brisé le mur silencieux
J'ai réussi à émettre un son audible
Je me remets à parler en commençant par dire mon prénom
Mon nom
Mon âge
Parce que je ne sais pas quoi dire d'autre
Seule dans le noir le plus total
Pourtant je sens leurs présences
Je ne sais plus de qui je parle
Je ne réalise plus ce que je pense
Comme toujours j'essaye de m'en sortir
C'est insoutenable de rester ici trop longtemps
Alors je me mets à chanter
Ma voix est hésitante et doute
Elle essaye de se poser
J'enchaîne les bribes de paroles dont je me rappelle et chante plus fort
Et j'aimerai pouvoir me lever
Je me sens presque libre
C'est une phrase bien ironique dans mon cas
Un point derrière mon crâne
Quelque chose s'active
Une partie douloureuse de mon cerveau est réveillée
Je ne suis pas capable de m'en débarrasser
Comme après un coup que l'on m'assènerait violemment je tombe à terre
La chute a été lente et l'atterrissage pénible
Je ne ressens plus mon corps
Ma tête tourne
Encore une fois
Même le vide et le noir tournent
Je manque d'oxygène
Je commence seulement à ne plus pouvoir respirer
Ou peut-être que je ne respire plus depuis longtemps
J'ai l'impression que mon cœur est compressé
Tout comme mon crâne qui me fait souffrir
Ça résonne
Des bruits sourds en continue bloque mon audition
C'est à ce moment que je me repose la question sur le silence
Est-il mieux que j'ai ce bruit parasite dans mes oreilles ou le silence
Est-ce que cela va durer longtemps
Je ne sais même pas si ça va s'arrêter ou si c'est définitif
Donc j'ai ma réponse
J'avais beau penser que tout était mieux que le silence
En vérité j'essaye déjà plus de me débarrasser de ça
J'avais trouvé une solution
Là je ne peux rien faire
Des sons cognent dans mon crâne
Je crois qu'il va exploser à force d'entendre ces choses qui ne font que du bruit
Je vais devenir folle à tout et rien entendre à la fois
Je dois avoir perdu l'audition
Mon cœur se contracte
Il se resserre de plus en plus comme s'il allait jusqu'à se faire exploser
C'est peut-être lui qui m'empêche de respirer
Mes poumons sont tellement oppressés que le mot douleur est bien trop faible
Comme pour tout ce que je ressens d'ailleurs
Je vais mourir
Devant mes yeux une lumière blanche aveuglante est apparue
Je ne souhaite pas mourir
Je pourrais le souhaiter mais je ne le souhaite pas

On m'a enlevé mes mains de mes oreilles
J'entends sa voix grave, calme, me demander d'ouvrir les yeux.
Il met une de ses grandes mains dans mon dos, essuie mes larmes et souffle tendrement dans mes cheveux.

"-J'ai eu peur de t'avoir perdue à jamais. Tu as disparue dans la foule et je t'ai cherchée sans succès. Je suis désolé d'être arrivé si tard ma grande.
-Est-ce que...
-Oui, tu as fait une crise.
-Ah oui...
-Et je t'ai retrouvée les yeux fermés et te bouchant les oreilles en train de fredonner ici.
-Les gens s'étaient regroupés autour de moi pas vrai ? Il y en a qui m'ont mal regardée comme la dernière fois ?
-Oui. Je suis désolé ma grande.
-Je veux un câlin.
-Viens là. "

En plein milieu de la Japan Expo. J'ai été prise d'une crise de panique. On dit que je suis agoraphobe, j'ai peur des gens si vous voulez. Celui qui m'a sauvé c'est mon grand-frère. Sans lui... Je ne serai plus là évidemment. Il faut savoir qu'on peut vite perdre la notion du réel et s'enfoncer dans des émotions amplifiées et ne pas réussir à se débrouiller seul quand on fait une crise. Alors oui ça fait peur, je fais peur. Mais vous me faîtes encore plus peur. On peut dire que je suis folle, je me suis habituée.