Que faire?

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Échec et mat.

Assis(e) dans ton lit, confronté(e) à ce problème, tu réalises que tu ne trouves aucune solution à celui-ci.

"Mais j'ai des amis, pas vrai?"
Des connaissances, sûrement... Va demander de l'aide à Bianca, elle qui est toujours en ligne et est toujours prête à te parler. Au moins, elle est là. Elle t'empêche à sa manière, inconsciemment, de commettre une erreur que tu n'aurais pas le temps de regretter. Stoïque. Une tourelle en première ligne, aux aguets du moindre problème. Seulement, ses réponses auront-elles un quelconque intérêt à tes yeux? Saura-t-elle trouver les mots justes pour te rassurer?
(Enregistrement: 00:01) "Heu... salut Bianca, déso de pas avoir répondu aux derniers vocaux, mais j'en peux plus. Je sais pas ce que je fous là. C'est une nouvelle année de merde qui commence, apparemment... La vérité, c'est que j'ai pas d'amis. Si, bien sûr, il y a Maxime et Arthur, avec qui je traîne au fond de la classe. Mais c'est pas des amis. Juste des gens avec qui tu peux te marrer vite fait, à supposer que tu entendes et que tu comprennes leurs vannes. En soit, c'est jamais qu'une... grande compétition. Un grand tournoi. Et je crois qu'on m'attribuera bientôt la lanterne rouge, à moins que je ne me fasse exclure d'ici là. Breff, prends soin de toi... dors bien 💓"

Tu relâches promptement le bouton afin d'envoyer le vocal à Bianca, te rendant compte par la même occasion que la mise a jour te permettait de verrouiller l'enregistrement. "Quel fou", soupires-tu. "Quel con je fais à envoyer des vocaux, des longs messages, des pavés aux autres, à m'investir pour eux, alors qu'eux ne feraient rien pour moi."

En effet, peu de temps auparavant, tu avais stalké l'ancien compte Ask d'une fille de la classe parallèle. Elle savait se faire reine sur Instagram, mais elle te paraissait être une sacrée hypocrite dans le monde réel. Elle t'intriguait. Par jalousie, sans doute. Toujours plus belle, plus de likes. Elle avait une vie... pas toi. Sur Ask cependant, beaucoup de questions... moqueuses. Méchantes. Prenant le temps de lire un long paragraphe qu'elle avait écrit, tu te rendis compte qu'elle était une fille comme toi. Elle parlait de harcèlement scolaire, de comment elle s'en était sortie "avec des séquelles mineures", selon ses dires. Quelles étaient-elles? Te remémorant ta propre histoire, tu réalisas qu'il ne suffisait pas que cela se termine pour avoir confiance en soi, avoir des amis, vivre une vie épanouie. Encore moins loin de ses parents, à travailler d'arrache-pied pour un objectif invisible. Quel était sa force, son secret? Tu te souviens avoir pensé du mal d'elle, toi aussi. Alors tu lui avais écrit un pavé pour t'excuser et discuter avec elle. Elle non plus n'avait pas l'air en forme... Un quelconque fou s'était-il interposé en son chemin?

Seulement, toujours pas de réponse. Et oui, tu peux t'en mordre les doigts. Cette belle inconnue avait autre chose à faire, des amis (autres que l'inconnu(e) que tu étais à ses yeux) avec qui discuter. Mais pas toi.
Comme pour détourner les yeux, tu vois la pendule avancer inexorablement. "Bordel, déjà 21:30? J'ai cours demain..." En baissant le regard, tu te penches en direction de tes cours et les attrapes machinalement, comme pour te convaincre que demain tu ne sècherais pas, que ce soir tu t'abstiendrais de procrastiner: tu allais enfin faire tes devoirs.

"Bordel de merde, qu'est-ce que je fous en prépa intégrée scientifique..." La soi-disant 'école de tes rêves' se transformait sous ton regard en une désillusion, une dystopie d'un cynisme difficilement supportable. Qu'avais-tu fait pour mériter ça? Ah oui, c'est vrai: tu avais été admis dans cette 'formation sélective de ton choix', avec la bénédiction de Parcoursup. Tu allais enfin pouvojr t'épanouir dans une vie étudiante trépidante et pleine d'aventures. Raté.

Les sciences, tu ne les avais jamais aimées. Pas, du moins, au point de te plonger avec un scintillement dans le regard sur la résolution d'opérations vectorielles dans une base tridimensionnelle cylindrique. "À quoi ça me sert" n'est d'ailleurs pas une question dont la réponse soit particulièrement rassurante. Car tu le sais très bien. Tu sais que ce n'est pas inutile en tant que tel. Mais comment le retenir? Probablement pas en passant son après-midi sur Rocket League sans même savoir qu'il y avait tout ça pour le QCM de demain.

"Puisqu'ils veulent me faire calculer des factorielles, pourquoi ils ne me renvoient pas à l'usine? Pourquoi je ne m'en charge pas moi-même?" À supposer que l'existence d'un (ou plusieurs?) créateur(s) suprême(s) soit avérée, l'écho n'avait pas dû porter bien loin. Tu ne recevras donc aucune réponse à cette digression futile. Pourtant, elle est bien ce qu'elle est: un appel au suicide.
Mais apparemment... on dirait que tout le monde s'en fout. Et c'est peut-être ça le plus triste.

Que faire? "Cracher à la figure de tous mes contacts  ce que je pense d'eux?" Ce mouvement, bien que n'étant probablement pas digne d'un grand joueur soviétique, aurait au moins le mérite de t'affirmer et de ne pas te laisser manger par ton entourage. Après tout, peut-être que si tu leur exposes franchement et sans filtre le problème, cela changera quelque chose à la situation?
Pourtant, tu connais déjà l'issue de ce coup pour l'avoir déjà tenté à la dernière galère: la moitié ne te répondra pas et te comprendra encore moins, l'autre restera dans l'incompréhension sans te demander davantage d'explications, une personne peut-être te répondra rapidement en privé et tentera vite fait de te remonter le moral.

Ah, si tu ne l'avais toujours pas remarqué, ça fait un petit moment que t'as fait ni la vaisselle, ni le ménage, et que tu ne t'es lavé ni le corps ni les dents. Tu n'as même pas l'envie de te déplacer jusqu'au Carrefour pour acheter des sucreries: ca serait tellement mieux de se laisser crever de faim. "Qu'est ce qu'on dira de moi en classe demain? Oh et puis merde, ils me détestent déjà. Je peux faire quoi de plus, je sers à rien, je ne suis qu'un déchet vivant à la solde des autres." Tu te regardes dans le miroir et tu rencontres une personne qui prend du poids, qui n'est pas heureuse.

"Mais....... qu'est ce que je peux faire?"

"On verra demain..."

*Échec et mat.*

ChessmateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant