c'est L

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vous savez, elle aime la nuit L. c'est pour ça qu'elle a une galaxie sous chaque oeil. elle aime observer les étoiles et l'immensité de ce qui l'entoure. elle aime voir à quel point elle est petite, à quel point elle n'est qu'un grain de sable sur une plage infinie. d'ailleurs elle aime cette notion d'infini L. elle s'en amuse. elle s'amuse de ce qui fait peur. ce n'est qu'une enfant à vrai dire, elle est si jeune et pourtant déjà si grande. je crois qu'elle a toujours été grande en vérité. elle a toujours accepté les choses: son quartier, la colère et la tristesse omniprésente, sa famille dysfonctionnelle, elle a même accepté la mort de son frère vous voyez. elle a tout assimilé, elle a tout accepté sans rien dire. toujours. et je crois qu'il est là le malaise. elle n'a jamais rien dit L. depuis toujours elle a appris à rester en retrait, pas invisible vous voyez, mais elle n'a jamais été du genre à exprimer ses émotions ostensiblement. c'est pour ça qu'elle aime la nuit, car tout y parait si simple. les normes, les jugements, les regards, tout s'éteint avec le jour. et elle se transforme en ombre. ainsi elle peut exprimer tout ce qu'elle veut, à la fade lumière des lampadaires elle peut être qui elle veut, faire ce qu'elle veut. et c'est à ce moment qu'elle va à la rencontre de ceux qui lui manquent. elle monte sur le toit où elle allait avec S, elle va au cimetière et raconte à son frère tout le désarrois que sa perte a causé, elle lui parle de ce qu'il ferait hypothétiquement à l'école s'il était encore là, et elle finit souvent seule à pleurer. et là, à ce moment précis, sur les coups de 2-3 heures, on peut retrouver une L si brisée et si fragile, si émouvante et si sensible, si simple. mais le problème avec L, c'est qu'elle avale toute la haine et la tristesse du monde chaque jour. et lorsqu'elle se met à pleurer, c'est comme si le monde entier lui tombait dessus et l'écrasait. l'immensité, l'infinité, la mort, le manque, le dégoût, sa théorie sur l'absurdité de nos vies, la fragilité, ses émotions, la solitude, et j'en passe. et si un jour personne ne venait pour elle, si un jour elle restait seule face à l'épitaphe futile de son frère, si elle restait effondrée face à l'horreur et au dégoût, qu'arriverait-il à l'âme déchue de notre tendre L?

infinitésimale Où les histoires vivent. Découvrez maintenant