PARTIE 4

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8 jours. 8 jours qu'on a couché ensemble et je ne m'en remets pas. J'y pense chaque jour, à chaque seconde de la journée. Ça me hante, littéralement. La nuit, quand je dors, j'ai l'impression qu'il est là et que, à tout moment, je vais sentir ses lèvres sur ma bouche ou mon corps. C'est à devenir dingue.

Je suis assis à la terrasse d'un café, avec Noémie. Nous sommes rentrés en France hier très tard et elle m'a rejoint sur Paris pour le week-end. Je suis heureux de la revoir. Ma meilleure amie me manquait.

- Je suis désolée pour Mathieu. Il a l'air cool même si...

- Ouais, il est cool.

Je confirme sans vraiment grand enthousiasme. Oui, il est cool. Mais je l'aime et ça me fait mal de savoir que je ne l'aurai jamais malgré ce que nous avons fait. Je me sens autant utilisé qu'avec mon père. J'ai été obligé de tout dire à Noémie  : elle voyait que quelque chose n'allait pas.

- Mon chaton..., elle me prend la main et je souris tristement.

- J'ai même écrit une chanson pour lui. Je suis juste... ridicule.

- T'es pas ridicule, dit-elle avant de parler moins fort. T'es juste amoureux, Tom.

Je baisse honteusement les yeux. Ça me fait bizarre de l'entendre de la bouche d'une autre personne. Mon téléphone s'allume et sonne sur la table près de ma main gauche. Olivier. Le Big Boss. Je déglutis et mon cœur s'emballe. J'hésite un instant avant de décrocher. Mais, finalement, en imaginant Mathieu dans les bras d'un autre sous mes yeux, comme avant-hier soir en boîte, je me décide.

- Oui Olivier.

- Salut Tom, tu m'a appelé  ?

- Oui hem... je voulais te parler d'un truc... assez important.

- Dis-moi, je t'écoute mon grand.

Je me mordille la lèvre inférieure. Noémie me regarde, les sourcils froncés  : elle sait qui est Olivier. Elle comprend donc que quelque chose d'important est en train de se passer. Moi, je n'arrive toujours pas à croire que j'en suis venu à prendre cette décision  :

- Je veux que tu vires Mathieu.

Noémie s'étouffe avec sa gorgée de soda et, moi, mon cœur se serre. C'est douloureux, mais je me dis que c'est mieux pour tout le monde. Pour lui comme pour moi. Enfin, surtout pour moi. Pour une fois dans ma vie, j'ai envie et j'ai besoin d'être égoïste.

- Oulah... heu... d'accord. Je peux savoir pourquoi  ?

- Il ne fait pas bien son boulot, je mens. Il passe ses soirées à baiser, il ne répond pas quand je l'appelle et il... j'sais pas, il est ailleurs en ce moment et puis... on s'entend pas très bien.

- Comment ça  ? Vous étiez tout le temps collés à un moment.

- Je lui ai dit qu'il faisait pas bien son boulot et il n'a pas apprécié. Depuis, il y a une sale ambiance et... bref, je veux pas bosser dans ces conditions là. Trouve moi une jolie fille, c'est mieux.

- Tes désirs sont des ordres mon grand. Je le convoque immédiatement.

- Merci Olivier.

Je raccroche, triste. Seul Dieu peut imaginer à quel point je me sens minable et coupable, à cet instant précis. D'autant plus que Noémie me fixe, ses grands yeux bleus écarquillés au maximum, comme si elle avait vu le diable. Je déglutis et je baisse la tête, honteux.

- T'es sérieux, Tom  ? , s'indigne-t-elle.

- Il trouvera un autre boulot. C'est un très bon agent et il y a d'autres personnes que moi.

- T'es vraiment le roi des abrutis.

Je fais la moue. Ouais, je sais. Et j'ai honte.

X   X   X

Ma guitare en bandoulière sur mon épaule, accordée, je prends une grande gorgée d'eau avant de souffler un bon coup. On est à Paris, au Bataclan, et je sais que ça va être un concert émouvant. Déjà, quand je pense à ce qui s'est passé il y a près d'un an je me dis que c'est symbolique de jouer ici. Des gens ont perdu la vie et je suis fier de monter sur scène ici ce soir. Des coulisses, j'entends les fans français qui applaudissent et crient quand les lumières s'éteignent. C'est à moi. Je dois monter sur scène et tout donner, comme tous les soirs.

Je n'ai pas le cœur à ça. J'ai fait virer Mathieu et je me sens comme une merde. Je pensais que ça m'aiderait, mais en fait c'est encore pire. Je me sens mal comme je ne l'ai jamais été auparavant. Je me dis que ce n'est pas juste, lui faire perdre son boulot pour me venger et arrêter de souffrir, mais je me dis aussi que c'est un comportement de merde. J'aurais du prendre sur moi, le garder près de moi, comme Noémie me l'a conseillé une fois l'erreur faite. Mais c'est trop difficile. L'aimer sans pouvoir le montrer, le voir tous les jours à mes côtés, à chaque instant de la journée, le voir flirter avec d'autres... la situation devient invivable pour moi. J'ai juste voulu que tout s'arrête.

- Tom  ! Viens ici petit con  !

Je déglutis quand j'entends sa voix, grave et colère, à l'autre bout du couloir. Je tourne la tête pour le regarder quand j'entends que ça s'agite dans mon dos. Il est rouge de rage et se débat avec les vigiles tel un animal en cage. Mon cœur loupe un battement  : même comme ça il est beau. Je le regarde, me forçant à paraître nonchalant.

- Tu veux quoi  ? , je demande insolent.

- Je fais mal mon boulot, moi  ? Tu te fous de ma gueule  ?! Olivier m'a tout dit, je sais que c'est toi qui m'a viré  ! C'est quoi ton putain de problème, Tom  ?!

Je le regarde de haut en bas. Il est aveugle. Il ne voit même pas que je le bouffe des yeux et que je rougis comme un idiot. Un gars de la régie me prend par le bras et me dit qu'il faut que je monte sur scène immédiatement. J'inspire avant de me tourner vers Mathieu. Je m'en veux.

- J'ai juste dit la vérité. À part baiser et être pendu à ton portable, tu ne fais rien d'autre. Je veux quelqu'un de plus compétent. Alors arrête de hurler et casse-toi, je veux plus de toi ici.

Le cœur en miettes, quand je vois son visage se décomposer, je tourne les talons pour monter sur scène. Je l'entends m'insulter, me traiter de raclure et de petit enc*lé, mais je l'ignore. Je place mon oreillette dans mon oreille et je souffle avant de commencer à sautiller sur place, comme je le fais toujours pour me donner du courage. Puis, je monte sur scène. Les applaudissements, les cris, les hurlements me font trembler et, aussitôt, mon cœur se réchauffe. J'adore ça. J'oublie tout.

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Grey StormOù les histoires vivent. Découvrez maintenant