Chapitre 1 : ô capitaine, mon capitaine

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Le froid commençait à se faire ressentir en ce début du mois de novembre et Yann avait passé la journée enfermé en salle de réunion. C'était déjà cette période de l'année, celle de la réunion annuelle avec les grands dirigeants du groupe tf1, ses patrons pour faire simple. Malheureusement Laurent se faisait porter pâle depuis quelques jours et n'avait donc pas pu y assister, laissant son co-producteur se débrouiller seul pour la première fois face à ces responsables peu compréhensif. Le poivre et sel avait du essuyer quelques critiques mais bien heureusement Ara Aprikian avait su rappeler a ses compères que ces détails faisaient parti intégrante de "l'âme" de l'émission et qu'il était impensable de les supprimer, malgré les quelques plaintes en justice que cela pouvait engendrer.

- Allo ?

- Salut Laurent, laisse moi deviner, tu m'appelle pour savoir comment s'est passé la fameuse réunion à la quelle t'as pas participé ?

- Ahah ouai t'as vu juste, j'suis désolé de t'avoir laissé te débrouiller seul sur ce coup la mais j'allais pas venir et prendre le risque de leur vomir dessus, ça aurait pas donné une super image tu comprend ahah !

- Ouai surtout te connaissant, t'aurais affolé tout le monde et ils auraient du appeler les pompiers uniquement pour un 39 de fièvre !

- Rhoo c'est ça moque toi, en attendant oublie pas que t'es pas mieux quand t'es malade. Bon alors sinon ils ont dit quoi ?

- Ils ont pas touché au budget si c'est ce que tu veux savoir, a part ça les 2-3 critiques habituelles mais c'est tout...rien à signaler ô capitaine mon capitaine !

- Ok super alors, et oui t'as raison c'est exactement ce que je voulais savoir ahah, bon je vais devoir te laisser on dirait que Rose s'est réveillée.

- Oui j'entend ça d'ici, allez vas-y, laisse pas ma petite fleur pleurer comme ça, tu veux me fendre le cœur c'est ça que tu cherches à faire ?

- Ahah c'est exactement ça, allez va au studio toi tu vas être en retard sinon, passe le bonjour de ma part à l'équipe !

- Pas de problème et toi dépêche toi d'aller nourrir ma filleule avant qu'elle te fasse une crise, bonne soirée a vous trois.

Yann raccrocha son téléphone de ses mains tremblantes et, arrêtant un taxi, se mis en direction des studios, emmitouflés sous son bonnet et son écharpe, toujours nouée de manière à en faire pâlir son ami et collègue Marc Beaugé. 6 années étaient passées et malgré tout rien n'avait changé entre eux : aucune ambiguïté ni aucune gêne ne s'était créée. Ils avaient beau avoir eu une rupture en bons termes, après 8 ans de vie commune beaucoup de leurs collègues n'auraient pas parié une seconde que leur duo continuerait plus de 6 mois. Rare sont les personnes séparées qui continuent de travailler ensemble sans aucune tension. Mais contre toute attente leur amitié se portait au mieux : Laurent avait refait sa vie, s'était marié avec une femme et venait même d'avoir une petite fille, il y a à peine 5 mois. Yann quant a lui avait gardé son amour légendaire pour son travail et n'avait pas cherché plus que ça à faire des rencontres, bien que lui comme Laurent sachent déjà qui faisait de l'œil au poivre et sel depuis plusieurs années.


Arrivé dans sa loge, le quarantenaire commençait peu à peu à perdre son sang froid. Il pouvait sentir ses mains trembler de plus en plus fort tandis qu'une bouffée de chaleur le prit de court. Malheureusement pour lui il n'eut pas le droit à une minute de répit : dès qu'il eut posé ses affaire, les maquilleuses firent irruption dans la pièce. Il était déjà 18h30 et le public commençait à prendre place dans le studio pour être briefé par Rémi, le chauffeur de salle, alors évidemment tout le monde était en ébullition, comme chaque soir. Ce n'est qu'un quart d'heure plus tard, et après de nombreuses remarques sur son teint anormalement pâle, que le quarantenaire se retrouva enfin seul. Il avait prétexter une grande fatigue dû à cette interminable réunion pour faire stopper les questionnements sur son état. Il faut dire qu'il avait toujours été doué pour jouer à ce jeu la : mentir sur lui ou ses sentiments. Il ne mentait pas par envie, non il détestait les mensonges, mais ne souhaitait tout simplement pas affoler les gens. Yann faisait partie de ces gens la: ceux qui s'inquiètent toujours pour tout, pour tout le monde, qui veulent aider mais qui dès qu'ils font face à leur propres soucis sortent leur masques et se renferment. Il se protège en quelque sorte, et protège les autres surtout : avoir des gens de son entourage qui s'inquiètent pour lui est ce qu'il souhaitait éviter le plus. Alors pour les autres il allait bien. Il allait toujours bien. A croire qu'ils devaient penser avoir devant eux l'homme parfait, le plus heureux et insouciant. Donc il mentait. "Pour la bonne cause". Serrant toujours les poings comme il le faisait depuis maintenant le début d'après midi, le poivre et sel se précipita sur la porte dès leur sortie et tourna le verrou. Clac. Le bruit de la libération. Il attrapa aussitôt sa sacoche pour y trouver une boite de médicament, caché bien précieusement dans une pochette, elle même caché dans la doublure. Clic. Un comprimé en main, et puis non plutôt deux vu l'heure tardive et les symptômes déjà ressentis. 18h47. Maintenant allongé de tout son long sur le canapé en tissu gris de sa loge, le quarantenaire n'avait plus qu'une chose à faire : se détendre. Il ressentirait bien assez vite les effets.

La poudre sur ton nezOù les histoires vivent. Découvrez maintenant