Lames

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Elle t'échappe... s'échappe, ne s'appartient plus. Elle manque déjà. Elle s'envole sans laisser ni projets ni félicité. Elle te laisse croire un instant qu'elle ne te quittera pas, jamais. Plus jamais. Mais elle s'enfuit, t'abandonne aux tremblements. Même si son départ marque un tournant et peut être l'arrivée d'un renouveau heureux, tu sais que viendra d'abord un long moment compliqué. Tu sens que ta voix va s'éteindre, que ton corps va suivre ce brusque et inopiné départ.
Tu sais qu'il n'existe plus aucun moyen de la, de les retenir. Elles sont multiples, maîtresses de leur avancement, semblent avoir une destinée propre.
Tu ne contrôles plus rien. Tu subis tes choix, regrette et hais les décisions.
De joie, de peur, de rire, de frustration, d'émotion, de tristesse. Leurs natures importe bien peu.
Elles coulent déjà loin, disparaissant sur ta peau abîmée. Presque invisibles, les larmes montrent que tu as baissé les armes.

Je tiens ma tête dans mes mains. Je veux hurler. Aucun son ne m'échappe. Je vois trouble, rien n'est clair. Je ne veux plus rien entendre. Je ne veux plus les entendre. Pourquoi sont-elles toujours là ? Pourquoi ne me laisse-t-elle pas tranquille ? Qu'ai-je fait ? Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? 

Je vois noir. Je tape dans ma chaise. Je ne sens rien. Rien du tout. Rien. Rien. Rien. 

Mes yeux sont secs.

Pourquoi ? 

Tout ce qui me passe par les mains finit brisé contre mon mur. Je ne sais pas combien de temps se passe pendant que je réduis en miettes mon espace. 

Je ne ressens toujours rien. Une aiguille passe dans mon oreille. Je me tors de douleur. 

Ma respiration se coupe brutalement. 

Je me roule par terre dans l'espoir de tout arrêter. Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? 

Je tape dans mon mur. Je ne vois que du noir. Noir. Noir. Noir. Rouge. 

Mes mains sont recouvertes de rouge. Je ne contrôle plus les doigts de ma main droite. Pourquoi ? 

Je balance mes ciseaux, mes serviettes. Tout avec difficulté. Je vois mon rasoir. 

J'attrape une lame.

En un instant, tout semble ralentir. 

Je saisis avec fièvre la lame. Je la dirige vers ma cuisse. 

La tension redescend enfin. Ma respiration se calme. Je me sens revenir. Les voix s'éloignent.

Je veux croire que je les ai bannis pour toujours. 

Même si je sais pertinemment que mon repos ne sera qu'éphémère.

Les lames ont enfin battu les larmes.


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⏰ Last updated: Sep 22, 2018 ⏰

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