Nous restons quelques minutes dans notre cachette en attendant des ordres. Je regarde le sable absorber les flaques de sang et la mer emporter des morceaux de cervelles au rythme des vagues. Bizarrement, ce spectacle me fascine plus qu'il ne m'horrifie. Je sors de ma torpeur quand Alec me secoua l'épaule.
"-Il faut qu'on bouge." me dit il sur un ton calme mais ferme.
J'acquiesce de la tête. Il se met à genoux et sort sa tête hors de la butte avec prudence. Il regarde à droite et à gauche plusieurs fois et il revient se mettre à l'abri.
"- Je ne pense pas que sortir est la meilleure solution. J'ai pas vu de soldats mais ils sont futés. Ils seraient capable de se cacher plusieurs heures pour voir où se cacherais de potentiel survivants." me dit il
J'enlève mon casque et le pose sur le sable. Mes cheveux sont étroitement retenus par un bandeau qui les plaquent contre ma tête leur donnant un aspect de coupe au bol.
"- T'es fou ou quoi ????" s'écria Rayan
"- Remets ton casque !!" m'ordonna Peter
Je soupire.
"- Bon de toute façon, on arrivera sûrement pas à sortir de cette plage" leur dis-je d'un ton railleur
Je refait vite fait le lacet de ma Rangers et je me met debout sur mes jambes.
"- T'as perdu la tête ???" s'écrie t-il
Je le regarde durement.
"- Ecoute. A un moment c'est soit on se cache, soit on avance."
Avant qu'il n'ouvre la bouche à nouveau, je relance :
"- Porte un peu tes couilles."
Sur ces mots, je détourne son regard du sien, je fais volte-face et, arme sur l'épaule, j'avance hors de ma cachette.
Chaque pas se passe au ralenti. Je ne réfléchis plus. Je met un pied devant l'autre sur le No Man's Land. Chacun de mes pas m'enfonce un peu plus dans le silence chaotique qui parcourt la plage. Je me concentre. Je respire lentement ce qui a pour effet de ralentir les battements de mon cœur. J'entends les voix de mes nouveaux compagnons d'armes en écho. Un sourire se développe sur mon visage. Pour la première fois depuis mon arrivée sur la plage, je me sentais libre. Libre de m'affirmer. Libre d'être qui je suis et ce que je suis vraiment. Un sentiment bien paradoxal quand on sait que je me trouve sur le bout de plage le plus dangereux de toute cette putain de guerre. D'ailleurs la réalité m'a rapidement sortie de ma béatitude. Enfin, la réalité.. Si on peux appeler ça comme ça. Sur le coup, si réalité est une balle de 9mm qui frôle ton mollet, je te conseille de courir. D'ailleurs c'est exactement ce mot qui me fit sortir de mes pensées et de mes rêves.
"- COOOOOOURS !"
Et là, bizarrement, je n'avançais plus au ralenti. C'étais même l'inverse. Tout mon corps se mit à réagir à nouveau et une dose d'adrénaline vînt accélérer mon cœur. je me met accroupi et je m'élance en avant. Ma tête par en avant et je fais une roulade improvisé. je me surprends moi-même.
J’atterris derrière un cadavre. Je saisi le soldat mort par son sac à dos et je m'en sert comme barricade. En temps normal, j'aurais été dégoutté mais, animé par un cocktail de peur et d'excitation, je n'en fis rien. Les balles fusent et certaines viennent se loger dans la chair froide de mon bouclier humain dans un bruit de viande hachée peu ragoûtant. Certaines balles ne sont pas arrêtées par le corps et ressortent de l'autre coté dans une effusion de sang écarlate. Je me couche à plat ventre pour exposer mon corps le moins possible. Une douleur me saisit à la poitrine. J'avais beau avoir plaqué mes seins le plus possible contre mes côtes à l'aide de bandage, je comprends désormais en quoi un corps de femme pouvait être contraignant pour certaines choses.
Une bonne vingtaine de balles se sont déjà encastrée dans le corps froid qui me sert d'abri. J'attends encore et encore. Tout me paraît interminable sur cette foutue plage. J'en viens presque à regretter de m'être mis dans cette situation.
- clic clic -
Le soldat allemand est a court de balle. Je regarde autour de moi et ne vois qu'un manche de fusil résultant d'un combat au corps-à-corps laissant penser que ma barricade depuis tout à l'heure est en fait la personne qui à perdue le combat. Sa tempe rudement enfoncée et sa mâchoire défoncée me donne la réponse. Je saisis le manche en bois et je me met à courir vers le soldat allemand qui ouvra la bouche de stupéfaction. Est-ce à cause de mon attaque inattendue ou de mes longs cheveux châtains qui cascade maintenant sur mes épaules formant un étonnant contraste avec la saleté ambiante. J'arrive à lui et je balance de toutes mes forces le bout de bois brut vers ses côtes.
"- VERDAMMT FRANZOSIC..*" (*Insulte envers les français en allemand(NDA)
Il n'eût pas le temps de finir sa phrase car mon coup lui est parti droit dans l'estomac. Je tombe lourdement sur le sol et lui aussi. Il se mit à vociférer des insultes en allemand, le souffle à moitié coupé. Il se releva bien plus vite que je ne le pensais. Il se jette sur moi et passe ses mains autour de mon cou. Je n'arrive pas à me libérer de son étreinte. Je vois mes compagnons d'armes s'élançait vers moi. Je commence à voir trouble.. L'air me manque.. Je...