Lorsqu'il ouvrit les yeux, il fut assailli par la sensation d'étouffer. De la terre compressait sa poitrine, l'empêchant de respirer. Et l'obscurité dans laquelle il était plongé n'arrangeait pas la chose. Loin de savoir où il se trouvait, il commença à paniquer.
aaaa« Suis-je en enfer ? » fut la première pensée qui traversa l'esprit embrumé de Yama.
Puis il se surprit à se questionner sur l'apparence que devait vraiment avoir l'Enfer avant de se mettre brutalement en mouvement. Il tenta de s'extirper de sa prison humide en grattant de ses grandes mains viriles la terre qui se trouvait sur sa tête, le besoin de respirer se faisant de plus en plus oppressant, faisant battre plus fort le sang contre ses tempes. Plus il gratta – sans se soucier de s'arracher les ongles et de s'écorcher les mains – plus il parvint à se frayer un chemin vers l'extérieur. Lorsque sa paume trouva enfin la sortie, dans un élan de survie, il s'extirpa de toutes ses forces de ces ténèbres étouffantes.
L'air de la nuit vint frapper son visage sale, éclairant peu à peu son esprit embrouillé. Il prit alors la pleine mesure de la situation : il avait été enterré ! Il lui fallut quelques instants de plus pour en comprendre les raisons...
Couché sur le sol terreux, le souffle irrégulier, sa poitrine se soulevait chaotiquement comme si une crise d'angoisse le menaçait tandis que tous ses souvenirs lui revenaient en pleine figure sans ménagement.
Le Nightingale qui avait coulé dans les eaux sombres, la nuit de passion sauvage avec la seule femme qu'il convoitait depuis toujours, le combat contre ce sale chien qui lui avait fait tant de mal, puis cette force surhumaine et dangereusement mortelle qu'il avait jetée sur elle alors qu'elle était impuissante à terre. Il n'avait pas pu la laisser mourir. Cela lui avait été tout bonnement impossible. Alors il avait fait cette chose que lui seul pouvait faire pour elle : il s'était sacrifié.
Jaillirent alors sans prévenir les souvenirs de la sensation qu'il avait éprouvé alors que la mort frappait. Cette douleur lancinante dans son abdomen qui l'avait empêché de respirer. Ce froid imprévisible qui l'avait couvert de son manteau. Puis le calme dans son esprit tandis que les beaux yeux en larmes de SheWolf étaient apparus au-dessus de lui. Jamais elle ne s'était montrée aussi ouvertement douce à son égard. C'était dans ses derniers instants qu'elle lui avait permis de voir, de ressentir tout son amour pour lui, sans les filtres ni les barrières dont elle se servait d'ordinaire pour taire ce sentiment.
Un petit sourire, de l'amusement teinté de mélancolie, se dessina sur ses lèvres charnues et sèches. Il essaya à nouveau de reprendre une respiration normale mais sa cage thoracique ne se montra pas très coopérative. Elle pesait lourd sur ses poumons qui, eux, semblaient se déchirer à chaque goulée d'air qu'il inspirait. La douleur que cela lui procurait passa au second plan lorsque la question fatidique se fraya un chemin jusqu'à lui pour l'immerger entièrement.
aaaa« Pourquoi ne suis-je pas mort ... ?! »
Malheureusement personne n'était là pour lui répondre. Il devrait donc découvrir la vérité par lui-même.
Alors qu'il se relevait, son environnement lui parut soudainement bien étrange. Sa vision s'était améliorée, tout comme son ouïe. Sans oublier son odorat devenu sur-développé.
aaaa« Mais qu'est-ce qu'il m'arrive ?! »
Pour la première fois, l'inconnu le fit tressaillir.
Au bout de quelques minutes, resté immobile pour tenter d'apprivoiser ses nouvelles facultés, il prit la décision de rejoindre la ville la plus proche. Se trouvant en pleine forêt, il n'y avait personne à qui il pouvait demander de l'aide, si tant est que l'on veuille bien en donner à un homme sortit de terre... Il aurait pu sourire en imaginant cette scène cocasse où quelqu'un le découvrait sortir de terre telles ces créatures d'horreur décrites dans les livres pour enfants mais une pensée le frappa méchamment, manquant de le faire vaciller.
aaaa« Où est SheWolf ?! Si elle me croit mort... A-t-elle quitté la région ? A-t-elle rejoint son peuple comme elle le voulait ? ».
Des frissons le traversèrent à l'idée qu'elle se retrouvait désormais loin de lui. Mais des brûlures déchirant son abdomen le firent vite revenir à la situation présente. Son corps tout entier était en train de changer, il le sentait. Mais cela étant, cette douleur ne dura pas très longtemps, juste assez pour l'obliger à courber le dos avant de disparaître aussi vite qu'elle était apparue.
Il ne mit pas bien longtemps à regagner la ville. Certaines maisons lui rappelaient quelque chose. Très certainement ses dernières heures qu'il avait vécu avec sa bien-aimée... Il comprit rapidement que SheWolf avait enterré son corps dans l'une des forêts qui se trouvaient autour de Paris. Mais pourquoi dans une forêt ?! La réponse ne tarda pas à venir tant il connaissait bien son capitaine. Elle s'était sûrement dit que c'était le meilleur endroit pour que personne ne vienne déterrer son corps. Un sourire fugace se déposa sur son visage.
aaaa« Elle a toujours eu des idées farfelues ! »
En ville, alors que la lune montait encore dans le ciel qui n'avait pas fini de s'assombrir, un remue-ménage incroyable agitait les rues et ses habitants. Et Yama en connaissait la cause.
Henri était mort et, de ce fait, la communauté des Scientifiques avec lui. Le brouhaha lui était quasiment insupportable, comme si les sons mordaient ses tympans jusqu'à les faire saigner. Afin d'atténuer la douleur, il posa ses mains sur ses oreilles, le visage crispé.
Soudain, le froid et la faim l'assaillirent, déclenchant l'hyper-sensibilité d'un autre de ses sens : l'odorat. Il s'était tellement décuplé qu'il pouvait repérer l'auberge qui se trouvait quatre pâtés de maisons plus loin. L'odeur de saucisses fumées et de bière lui indiquait le chemin.
aaaa« Il faut que je reprenne des forces avant d'entreprendre des recherches. », pensa-t-il avant qu'une question ne lui traverse l'esprit.
Comment allait-il se payer un lit et un repas alors qu'il était sans le sous ? La réponse ne se fit pas attendre.
Alors que la ville était sens dessus dessous, des villageois et des soldats s'étaient regroupés çà et là. Ainsi, dans une agilité et une discrétion que l'habitude avait forgé, il vola la bourse d'un cavalier qui n'avait rien remarqué car trop occupé à tenter de calmer la population. Il fallait croire que les mauvaises habitudes étaient plus vite reprises qu'éliminées. SheWolf était celle qui lui avait permis de devenir un homme meilleur mais... sans elle, sans son mât qui lui permettait de rester debout et de s'accrocher, la corruption s'insinuait lentement, se frayant un chemin vers son âme...
De l'argent plein les poches, il se dirigea donc vers cette fameuse auberge.
A l'intérieur, tous les habitués du coin se figèrent en le voyant. Ils ne semblaient pas particulièrement accueillants mais cela lui était bien égal. Il n'allait de toute façon pas passer plus d'une nuit dans cette ville misérable. Son objectif était bien précis : retrouver SheWolf. Lorsqu'il passa près du comptoir, le barman émit un murmure qu'il n'eut aucune difficulté à entendre.
aaaa« Je ne vous conseille pas de rester ici, l'étranger. Les villageois ne sont pas très rassurés depuis la mort du maître des Scientifiques. Ils craignent une attaque surprise de ces suppôts de Satan ! »
Les paroles du barman agitèrent quelque chose chez le jeune ressuscité.
aaaa« Suppôts de Satan », avait-il dit.
Un dangereux mélange de colère et de dégoût contractèrent ses muscles. La femme dont il était épris en faisait partie mais heureusement pour l'homme derrière le comptoir l'insulte ne la visait pas personnellement. Aussi se fit-il violence pour réfreiner sa subite envie de meurtre, désireux de ne pas attirer l'attention plus qu'il ne l'avait déjà fait. Il répondit donc d'un ton qui se voulait neutre et détaché à la mise en garde.
aaaa« Je reste seulement pour la nuit. Je quitte Paris à l'aube, demain.
aaaa- C'est vous qui voyez, reprit le barman, inconscient que sa vie s'était jouée à peu. Qu'est-ce que je vous sers ?
aaaa- Ce que vous avez de moins cher. Du moment que ça se mange et que c'est chaud.
aaaa- Je vous prépare ça. »
Sur ces mots, le barman donna l'ordre au cuisinier de préparer le plat du jour. Alors qu'il attendait tranquillement au comptoir, Yama ne put faire autrement qu'entendre les messes basses derrière son dos. Son hyper-sensibilité auditive, instable car il ne la contrôlait pas encore, lui laissait un peu de répit mais il n'avait pas besoin de distinguer tous les mots pour sentir qu'ils parlaient de lui.
Un sourire exaspéré étira ses lèvres en un rictus.
aaaa« Une bande de sales trognes pur jus. », maugréa-t-il pour lui.
Lorsque le repas arriva enfin, il s'y jeta sans plus prêter attention à son entourage. Et quand il eut fini, il demanda une chambre pour passer la nuit.
aaaa« Il m'en reste une. Elle n'est pas très grande mais comme vous ne passez qu'une nuit ici, ça devrait vous suffire. » Annonça le barman en lui tendant une clé.
En effet la chambre n'était pas très spacieuse, mais il avait l'habitude des petits espaces confinés. Cela ne le gêna donc guère. Il verrouilla le petit loquet avant de se laisser tomber sur le lit de paille. Toute cette histoire l'avait complètement vidée de ses forces. A peine s'était-il allongé qu'il s'était endormi sans même avoir pris le temps de retirer ses bottes.
Le lendemain matin, le réveil fut plutôt brutal. La luminosité du soleil qui perçait à l'horizon le dérangeait énormément, ou du moins beaucoup plus que d'ordinaire. Mais il préféra mettre cela sur le compte de la fatigue et lorsqu'il fut pleinement réveillé, il quitta la chambrette pour regagner le hall.
Une fois en bas, il se surprit à penser qu'il allait passer une mauvaise journée... En effet, les habitués de l'auberge étaient encore là et ne cessaient, une fois de plus, de le guetter comme s'il était un dangereux prédateur. Les ignorant, avec le reste de l'argent qu'il avait, il décida de prendre un dernier repas afin d'avoir la pense suffisamment pleine pour commencer ses recherches. Cependant, alors qu'il venait tout juste de s'installer au comptoir, trois hommes se levèrent de leur place et se dirigèrent vers Yama, ne respectant pas son envie de tranquillité.
aaaa« T'es qui toi ?! On t'a jamais vu ici ! Déclara l'un d'entre eux.
aaaa- On n'aime pas trop les étrangers dans le coin ! » S'exclama le suivant.
Yama leur tournait le dos, mais étrangement il parvenait à discerner à quoi ils ressemblaient rien qu'à leurs odeurs nauséabondes.
Le plus vieux et certainement le plus grincheux était chauve, le visage ridé, des vêtements crasseux, il puait l'alcool et le cigare. Celui à sa gauche semblait plus jeune, il était défiguré, marqué par une cicatrice qui enlaidissait un peu plus son visage. Les ravages du feu sur une peau qui, malgré les années, dégageait toujours une odeur de brûler. Quant au dernier, qui n'avait pas encore ouvert sa bouche, il lui faisait penser à lui lorsqu'il avait son âge.
Sur les paroles agressives de ces coqueberts*, Yama resta calme.
aaaa« Nous y voilà... pensa-t-il. Je ne cherche pas la bagarre. Je ripaille et je pars. » S'expliqua-t-il, sans bouger pour faire l'effort de les regarder.
Malheureusement cela ne sembla pas suffire à ces ignares qui ne savaient certainement pas qui il était vraiment. Le sac à vin** empoigna fermement l'épaule de Yama pour l'obliger à se retourner.
aaaa« Eh mon gars ! On s'en fout que tu partes bientôt ! Nous ce qu'on veut c'est que tu te casses maintenant ou ça va mal aller pour toi ! Tu fais penser à ces saloperies de monstres et on n'en veut pas ici !! »
Ces mots résonnèrent dans sa tête, finissant de réveiller en lui ce qui s'était agité la veille au soir à ce même comptoir. Il pouvait encore tolérer le fait qu'il ait négligemment posé sa main sur son épaule mais pas qu'il ose cracher son insulte, qu'il ose le traiter de « saloperie de monstre ». Pas alors que l'image du visage larmoyant de son capitaine imprégnait son esprit.
Dans un élan vif et brutal, il sortit une arme de sa botte, un poignard qu'il gardait toujours sur lui, et plaqua la lame contre la gorge de l'homme qui n'avait pas eu le temps de reculer.
aaaa« Attention aux insultes que tu craches... Recommence et je te coupe la langue! » Sa voix était profonde, rauque, masquant à peine sa fureur.
Puis tout à coup, un mouvement inattendu dans la salle sous tension le fit craquer et la rage le submergea.
Ses yeux d'un gris limpide firent lentement place à une couleur plus cuivrée. Ses canines s'allongèrent si bien qu'elles sortirent légèrement de sa bouche charnue, désormais assurément des crocs. Quant à ses cheveux d'un si beau châtain clair, ils prirent la teinte d'un brun foncé presque noir.
Cette transformation, Yama ne la ressentit pas, tant la haine le dévorait. Mais, les trois couards***, eux, ne purent pas passer à côté. Leurs yeux s'étaient écarquillés à en devenir aussi ronds que des billes. On pouvait lire de la peur en eux. Une peur si intense que cela enivra presque le nouvel homme qui se tenait devant eux, car cette masse de rage ne pouvait pas être Yama...
Dans un élan d'effroi, le plus jeune s'enfuit alors que le balafré, lui, s'élança sur l'ancien second du Nightingale avant de lui transpercer le flanc droit. Une douleur secoua Yama qui desserra la prise autour de son poignard. Du sang coula à flot sur le sol crasseux de l'auberge. Beaucoup de gens sortirent à toute hâte de celle-ci, complètement paniqués. Ils furent donc peu à être témoins de ce qui suivit.
Alors que l'entaille semblait grande et profonde, quelque chose d'anormal se produisit. La blessure se referma en moins d'une minute, ne laissant pas même une cicatrice ou une quelconque rougeur sur sa peau. Cette guérison étrange qui s'était produite, Yama l'avait senti. Il leva sa chemise déchirée pour mieux voir ce qu'il se passait en lui. Mais lorsqu'il souleva son fin tissu, il ne put que constater ce qu'il savait déjà : plus aucune coupure dans sa chair. Alors qu'il restait stupéfait, cela épouvanta les deux sales trognes qui quittèrent l'auberge en hurlant.
aaaa« Un monstre ! Il y a un Surnaturel parmi nous !! Il est dangereux !!! Vite, appelez du renfort ! »
Ce qu'il se passait ne sentait clairement pas bon pour lui. Il ne perdit pas plus de temps et il se précipita dehors afin de s'enfuir. Mais comment allait-il s'échapper si tout le monde en avait après lui ? Il passa la rue suivante si rapidement que cela l'étonna lui-même.
aaaa« Mais qu'est-ce qu'il m'arrive à la fin !?! »
En plus de détenir des sens sur-développés, il était en train de découvrir qu'il avait aussi la capacité de courir bien plus vite qu'autrefois. Virevoltant de ruelles en ruelles, il tenta de trouver une échappatoire et remarqua finalement une charrette remplie de foin. Il s'élança dedans avant de se faufiler sous la paille.
aaaa« Ici personne ne pourra me trouver ! Il ne me reste plus qu'à prier pour que cette maudite charrette se déplace rapidement et me permette de quitter la ville au plus vite ! », Maugréa-t-il, agacé de devoir se cacher de la sorte.
Quelques minutes, qui lui semblèrent des siècles, passèrent avant que quelqu'un ne récupère cette fameuse charrette.
Alors que la carriole roulait lentement vers l'extérieur de la capitale, Yama se jura de ne plus jamais se faire remarquer de la sorte.
aaaa« Il faut que je comprenne ce qui ne va pas chez moi ! Il faut que je sache ce qu'il m'est arrivé ! », Pensa-t-il, bien déterminé à trouver toutes les réponses à ses questions.* nigauds | ** soulard | *** peureux
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Le légendaire corsaire des mers-La Louve Blanche- Tome 2 : Le diamant noir
ParanormalAlors que tout le monde pense que Yama est mort, SheWolf regagne son véritable royaume et son rang. Déterminée à ne plus faire subir à son peuple toute la souffrance qu'il avait subi à cause des Humains, elle décide de verrouiller les portails. Cepe...