La fleur violette

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Cette après-midi là, je ne suis pas allé en cours. 

J'avais honte et peur, j'avais peur de voir Violette, qui était devant moi en maths, peur de la voir, là, aussi belle qu'une fleur. 

Papa et Maman travaillaient. J'ai été dans votre chambre. J'ai cherché dans les tiroirs. J'ai trouvé. Je suis allé dans ma chambre. J'avais déjà vu faire dans les films. Je savais comment on faisait. Je me suis assis sur mon lit. J'ai pris mon téléphone. J'ai appelé Zach, qui était en pause, à cette heure-là. Il répondrait, c'était sur. 

-Mec? T'es où!? 

J'ai fermé les yeux, ma respiration était rapide, j'arrivais à peine à trouver de l'air, les larmes menacaient de déborder de mes yeux. 

-Zach? j'ai murmuré. 

-Mec, qu'est-ce qui se passe? 

-Je...

Ma voix était rauque. 

-Je crois que je vais faire une bêtise. 

Ma voix se brise, je retiens un sanglot, je tremble. Silence. 

-C'est-à-dire? 

Zach n'a jamais été doué pour les sous-entendus, les choses implicites. Depuis qu'on se connaissait, je lui avais toujours traduit ce que ça voulait signifier. Mais là, je n'avais pas envie d'être explicite et clair. Il avait qu'à utiliser son cerveau. 

-Laisse tomber, j'ai lâché dans un souffle. 

Et j'ai raccroché. Dehors, le temps était comme ce matin. Mais je voyais Violette partout. Sa peau mate, son grand sourire, ses yeux noirs, sa manière de froncer les sourcils avant de rire. Elle ne m'aime pas. 

J'ai baissé les yeux sur mes bras. J'ai remonté les manches de ma belle chemise, pris l'objet froid entre mes doigts. Les larmes coulaient sur mes joues maintenant. Elles traçaient un sillon salé sous mes yeux. J'ai posé le métal contre mes veines gauches, j'ai appuyé et j'ai tracé un trait. Mon souffle s'arrête sous le coup de la douleur. Je me mords la langue jusqu'au sang. Le liquide rouge jaillit de mes veines. Je fais rapidement le même processus sur le bras droit et la lame est tombée. 

Je regarde le sang s'écouler, glisser sur mes mains, sur mes jambes, pour finir par se tuer sur ma moquette et disparaître dans les méandres de poils noirs. Il caresse l'intérieur de mes mains, je le capture dans mes paumes fermées, je rouvre les doigts, les referme puis je sens mon coeur ralentir ses battements. En regardant mon sang s'écouler, je prends conscience que c'est ma vie qui s'écoule. Violette disparaît dans le sang. Mon coeur fragile aussi. Moi. Ma conscience.  

Je m'allonge sur le dos, je me roule en boule, je sers mes bras contre ma poitrine et j'attends. 

Papa, Maman, désolé. J'ai mis du sang sur mes draps et ça va pas partir. Pardon. Mais comme ça, je laisse une trace indélébile sur Terre. Pardon. 

Je cherche quelque chose à regarder une dernière fois. La dernière chose que je veux voir de ce monde. Je réfléchis. Ce sera la plante, posée sur la table de nuit. 

Violette; nf:

[Petite plante à fleurs souvent violettes solitaires, à cinq pétales]

Puis je ferme les yeux. J'ai mal à l'intérieur des poignets mais encore plus à la poitrine. 

Violette, j'aurais aimé être la serre qui l'aurait gardé en sécurité. Elle est une belle fleur à préserver. 

Je suis celui dont le coeur est le jouet des autres. Celui de Maman, qui ne s'est pas rendue compte. De Zach, qui n'a pas compris mon message. De Violette, à qui je n'en voudrais jamais de m'avoir dit la vérité. 

Violette était la fille pour qui je pouvais mourir. 

Elouan [terminée☆]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant