Marla Ayivon

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Le réveil sonne, je tends machinalement la main vers mon téléphone et désactive la sonnerie. La montre affiche 2h du matin, je m’extirpe difficilement de mon lit et me mets à genoux à ses pieds. Je commence toujours par rendre grâces à Dieu pour tout ce qu’Il accomplit et parce que je ne suis que sa servante, c’est Lui qui opère à travers moi, ensuite je lui confie mon ministère, la mission qu’Il m’a confiée avant de Lui recommander ma journée. Je passe environ 2h dans la prière en parlant en langue jusqu’à 4h du matin et rends encore une fois grâces avant de me lever et commencer mes étirements. Voici ma routine quotidienne, après mes étirements je sors courir et reviens vers 5h prendre une douche et me préparer pour les cours. C’est le rythme que j’ai adopté pour être pleinement opérationnelle lorsque Dieu me met à cœur une mission. Je me couche à 19-20h et me lève à 2h, surtout que je ne suis pas encore mariée, je profite. Je sors de mon appartement à 6h45 et me met en route pour l’école. Mon appart se trouve à peine 10 min à pieds et j’en profite pour discuter un peu avec mon Dieu.
A un moment, je commence à ressentir une sensation bizarre, je sais ce que cela implique pour moi alors contrairement à il y a quelques années, je me calme et accepte la sensation en prenant une grande inspiration et en me laissant porter. Je reçois donc me instructions et reprends ma route. Je me rends donc dans ma classe, sors mon ordinateur, mes cahiers, mon stylo et me concentre pour la matinée. La journée s’achève ainsi sans que rien d’étrange ne soit arrivé, pour une fois bref.
A mon retour je salue ma voisine Marla et me fige un instant, j’ai senti derrière son parfum une odeur très caractéristique de fluides vaginal mêlé de sperme. Je soupire et me retourne pour la retenir un instant, moi qui pensais pouvoir repousser ce moment, c’est raté.
Moi :J’aimerais que tu gardes l’esprit ouvert sur ce que je vais te dire stp
Marla : Euh… me répond-t-elle. OK
Moi : Jésus m’envoie te dire que tu n’as pas besoin de tout cela, Son amour pour Toi est suffisant et surpasse tout plaisir éphémère que tu pourrais retirer du sexe.
Je vois son visage s’assombrir avant qu’elle marmonne un « Je dois y aller » et de filer à l’anglaise. Je pousse encore un soupir et sors mes clés pour rentrer chez moi. Je sais déjà ce qui va se passer, Marla va me fuir comme la peste, m’ignorer et ne plus me regarder dans les yeux. Personne n’aime être mis face à la vérité surtout lorsqu’elle les accuse; et pourtant ce n’est pas mon but de les accuser, tout ce que je peux faire c’est suivre les ordres. Je sors du réfrigérateur et réchauffe rapidement la sauce tomate que j’ai fait le week-end pour ne pas passer trop de temps en cuisine en semaine puis je me fais des pâtes et mange seule posée devant ma télé. La solitude, c’est vraiment un sentiment destructeur, qui te bouffe l’âme et t’isole sur une ile métaphorique où tu as l’impression d’être hors du temps. C’est certes dur mais c’est le prix à payer pour vivre dans l’obéissance, tant que les personnes prêtes à faire ce sacrifice ne seront pas plus nombreuses, ce sera mon lot. Il fut un temps où je supportais très mal cette situation mais Dieu a ôté mon fardeau. C’est pas tout ça mais si je veux pouvoir attaquer la journée de demain sereinement je ferais mieux d’aller me coucher maintenant. J’éteins la télé, débarrasse et fais la vaisselle avant de trainer ma carcasse jusqu’au lit.
Le lendemain je me lève avec une boule au ventre, j’ai ait un cauchemar et me suis levée bien avant le réveil. Je me mets immédiatement à genoux. Dans ce rêve, j’ai vu Marla avec un halo sombre autour de sa tête qui était retournée de sorte que son visage était dans le même axe que son dos. Je sais désormais que son problème est plus profond que ce que je croyais, elle est victime d’une obsession, la bonne nouvelle étant que c’est quand même plus simple à réprimer qu’une possession. Je passe le reste de ma nuit à intercéder pour elle.
En sortant de l’appartement, j’aperçoive Marla qui tourne sa clé dans la serrure de sa porte et des qu’elle me voit, s’enfuit quasiment dans son appartement. Soupire, je l’avais bien dit qu’elle m’éviterait.

*** Quelques jours plus tard***

Marla AYIVON

Je m’ennuie, tellement je m’ennuie que je remarque à peine le type qui s’active sur moi en me prodiguant de vigoureux coups de boutoir. Il croit au summum de son art et je le laisse croire en simulant de temps en temps un plaisir que je ne ressens pas. En réalité, je ne ressens juste rien ni physiquement ni émotionnellement. J’ai appris à me dissocier depuis toute petite pour éviter d’être atteinte par les disputes incessantes de mes parents. Alors pendant que ce type dont je ne connais pas le nom (je l’ai rencontré en boite quelques heures plus tôt) fait sa besogne, je repense à mon passé.
Lorsque j’avais huit ans, j’ai été réveillée en sursaut par ma mère qui hurlait mon nom, j’étais encore dans les vapes tellement que je n’ai pas réalisé la gravité de la scène à laquelle j’assistais : mon père, un homme sévère mais juste qui ne ferait jamais de mal à une mouche d’après moi frappait ma mère qui était à terre et ne faisais que hurler. Dès qu’il me vit debout, il me cria de me recoucher, ce que j’ai fait, tout autant pour fuir la situation que parce que mon père me terrifiait. Le lendemain, ma mère n’était nulle part à la maison et mon père nous a déposés mon petit frère, ma petite sœur et moi chez notre grand-mère et nous ne sommes rentrés qu’en fin d’après-midi. En entrant au salon, je remarquai ma mère allongée dans le canapé entourée de ses jeunes sœurs. Ces dernières nous ont demandé à mon frère et moi de nous agenouiller parce que nous n’avions pas réagi face à notre père. Mon frère ne comprenait même pas ce qu’il se passait et moi je me sentais déjà tellement coupable que je me suis trainée ce traumatisme toute ma vie. Ma mère ne disait rien, elle e contentait de me fixer avec toute la désapprobation de son regard qui transperçait le mien.
De là, les disputes et bagarres entre mes parents sont devenues quasi quotidiennes et un matin je passais récupérer les sous dans la chambre de mon père comme d’habitude quand je les entendis se disputer, ma mère s’est alors tournée vers moi en me disant « Marla, vous n’êtes plus les seuls enfants de votre père, il a fait une fille dehors ». Ce fut la deuxième fois que je sentis littéralement le sol se dérober sous mes pieds. Mais je ne me suis pas évanouie, je n’ai jamais été du genre à m’évanouir. Il fut un temps où je trainais à la sortie des cours pour rentrer le plus tard possible car la seule vue du portail faisait rater un battement à mon cœur. Tous les jours ! Alors oui j’ai appris à enfermer mes sentiments dans un coin de ma tête, parce que sinon je serais devenue cardiaque à force.
Mon BAC en poche, j’ai fait un gros caprice pour sortir du pays et même si je ne suis pas allée bien loin c’est déjà un gros poids en moins. Avec cette liberté toute nouvelle acquise je me suis laissée emporter et ai commencé à coucher beaucoup et souvent mais c’est ma manière de dire à la vie qu’elle peut bien aller se faire foutre. Je fais ce que je veux quand je veux et avec qui je veux, alors je ne vois pas pour qui se prend cette fille pour venir me donner des leçons. Jésus m’aime et alors ? Où était-Il quand je traversais toutes ces choses qu’une enfant ne devrait jamais avoir à vivre ? Toute seule ! Bref, il ne faudrait pas qu’à force de m’énerver pour les bêtises je fasse une fissure dans la prison où j’ai enfermé ma partie fragile et émotive. A la moindre contrariété elle a envie de pleurer celle-là, comme quand on la traite de p*te quand elle passe sur le campus, aucune personnalité, elle me dégoute. Ça serait tellement plus simple si elle me laissait les commandes tout le temps.
J’en étais là de mes réflexions quand je fus distraite par le grognement que le type poussa en se libérant, je l’avais même oublié celui-là. Pfff
Lui : Tu as aimé ?
Moi : Il est temps que tu rentres, je dois me lever tôt demain.
Lui : J’aimerais bien qu’on se revoie, si tu me donnais ton nom ce serait plus facile aussi

Moi : Pas besoin, tu connais la sortie.

Lui : T’es sérieuse là ? Je te propose ce que plein de filles dehors tueraient pour avoir et toi tu refuses, pire tu m’ignores complètement.

Moi : C’est bien ça. Maintenant dégage de chez moi.

Lui (ramassant ses affaires éparpillées dans l’appart) : J’aurais dû me douter que t’étais qu’une p*te (prenant la porte) Je me casse. BAM

Moi : (lui hurlant dessus dans le couloir) Tu casses ma porte tu paies c**nard !

Je m’assoie sur mon lit une place avec les draps en désordre et me prend la tête entre les mains. J’éclate en sanglots qui me secouent toute la nuit et me rends compte que je ne peux pas continuer ainsi. Ma vie est une farce, une vaste blague, je ne peux même pas m’arrêter de coucher alors que ça ne me plait même pas. Je n’en ressens qu’un vague plaisir qui ne dure même pas deux minutes. Je n’en peux plus. Mais hors de question d’aller voir ma voisine. Chaque fois que je le croise je ressens le besoin impérieux de prendre mes jambes à mon coup. Je suis sure qu’elle est au courant de tout.

Le fardeau des autresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant