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– C'EST TOUTE DE TA FAUTE. J't'ai dit d'y aller molo avec ton frère, y'est malade sacramment!

– J'le referai pu... j'le referai pu...

– C'est pas une question de l'refaire, c'est une question que tu l'as fait!

Lentement mais sûrement, Raphaël reprenait conscience de son environnement. Une couverture chauffante lui couvrait les épaules : il n'avait plus son manteau.

– Je sais, je sais, pas besoin de m'faire sentir coupable, je sais!

– T'as vraiment d'la chance qu'il va être correct. Il se serait endormi, tu lui aurais plus jamais reparlé à ton frère.

– Je sais! Merde, laisse-moi tranquille!

– ... J'suis fatigué. J'va aller me chercher un café.

– Vas-y donc.

Il gigota dans le lit, captant dans ses narines les odeurs peu familières de la pièce. Ça ne sentait pas du tout comme chez lui. Une effluve de produit désinfectant lui éclata dans le nez lorsqu'il rouvrit les yeux. La lumière, aveuglante, le fit ciller : cela lui prit un certain moment avant de distinguer la silhouette de son frère lui tournant le dos, la tête entre les mains. Louis se gratta la nuque, puis les cheveux, dont l'aspect décoiffé laissait présager une nuit mouvementée.

Raphaël voulut l'appeler, mais sa voix, trop faible, lui resta prise en nœud au fond de la gorge. Il ferma les yeux quand un hoquet résonna dans la pièce, un sanglot à peine retenu, long, mouillé. Ça ne pouvait provenir que d'une seule personne... Tout tremblant, il leva péniblement la main pour toucher l'épaule de son frère.

– Lou...? murmura tout bas le bouclé.

Le concerné se retourna aussitôt, les yeux brillants. Son visage s'illumina progressivement et un sourire, aussi faible soit-il, traça son chemin sur ses lèvres. Il s'essuya les pommettes.

– Bien dormi? lui demanda Louis, le regard fuyant.

Raphaël acquiesça distraitement. Son frère se rapprocha de lui et lui arrangea les cheveux, replaçant délicatement chacune des boucles qui lui étaient collés au front. Ses doigts lui frôlèrent la peau et la chaleur de ces derniers lui alla droit au cœur.

Il ferma les yeux.

– Écoute, je suis désolé pour hier.

– Hier? répéta faiblement Raphaël, feignant l'ignorance.

– Tu... tu t'en rappelles pas? De... hum, continua Louis en voyant qu'il ne bougeait toujours pas, du message sur mon cell?

Il secoua la tête. Comme il aurait voulu dormir...

Ses paupières tressaillaient, le suppliant de les laisser se reposer et ses membres endoloris lui lançaient le corps. S'il se souvenait de s'être endormi aux alentours de dix-heures, à midi moins le quart, il était toujours aussi fatigué. Était-ce là un autre symptôme? Un autre effet secondaire? Il lui semblait que sa vie n'était plus définie que par cela : une suite de traits, des séries d'hauts hauts puis de bas bas, encore et encore, sans fin, encore et encore, sans fin.

Louis lui expliqua qu'il avait été retrouvé par une patrouille et qu'elle avait attendu avec lui jusqu'à ce que l'ambulance arrive. À son départ vers l'hôpital, il faisait 31 de fièvre. « Tes médicaments te rendent plus sensible au froid », que Louis lui dit.

Par moment, sa voix frétillait, se brisait, mais elle restait toujours douce, un peu comme une berceuse que l'on lui chantait, un hymne au sommeil, et sans un mot, sans briser la mélodie, il l'écouta lui fredonner les évènements de la veille. Comment son père avait été fâché, comment lui il s'était inquiété, comment ils s'étaient battus devant les voisins avant de s'être fait séparer de force. Et alors que Raphaël s'assoupit, un petit garçon au lit, une larme salée vint lui chatouiller la joue.

TU DEVAIS M'EMMENER SUR LA LUNEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant