La Reine des Cornichons

Prologue

Dans les profondeurs d'un château volant dans un ciel rouge comme le sang, des hommes s'affrontent secrètement depuis la nuit des temps. Rien ne les départage, ce combat n'est pas destiné à porter à la gloire l'unique vainqueur. Cette joute leur a été infligée par des anges redoutables pour les punir. Or, existe-t-il pire punition que l'éternité du fer croisé ? 

Cependant, ces deux hommes que tout oppose ont encore espoir. Après trois mille ans de sueur et de larmes douloureuses, ils voient enfin la sortie se profiler. Leurs cheveux, qui avaient cessé leurs ondulations pareilles à celles d'un serpent, les ont reprises avec plus  de hargne que jamais. C'est le signe de la vitalité de leur monde. Et leurs corps auparavant dénués de force sont entourés de l'aura des puissants, dorée pour l'un, et noire comme les ténèbres pour le deuxième.

Enfin, une personne sachant voir au-delà d'elle-même est apparue. 

Enfin, leur sauveuse s'est manifestée de l'autre côté. 

Mais il lui faut se hâter, ou le monde qui pulse dans ce ciel impossible cessera de battre. Les anges s'impatientent, et les deux belligérants n'ont plus toute leur jeunesse pour alliée. Leurs familles, qui comptent sur eux, les oublient peu à peu. Bientôt, leur lignée s'éteindra. 

Et la menace plane. Une ombre qui dévore les ombres mêmes se prépare, se nourrissant de la haine qui croît à mesure que l'amour déserte les plus courageux. La guerre, sans doute, ne tardera pas. Or, si elle éclate, le chaos nous dévorera tous et nous entraînera dans ses méandres abjects. La paix a beau régner en maîtresse, le pire n'est jamais loin... 

Les cris de douleurs continuent en ce moment même de résonner dans cet ailleurs lointain. Mais ces gueules béantes implorant les dieux croient toujours, et leurs prières éclatent en étoiles vouées à te rejoindre.

—Ô reine Cornichons, nous implorons ton pardon ! Sauve-nous, et à jamais nous te louerons.