C'est décidé. Ce soir, Eric sortira de la chambre sans jouets qu'il occupe depuis une semaine. Et parce qu'il a promis à ses parents, il se montrera courageux. Il ira en bas, là où même les grandes personnes détestent aller. Par défi.
L'infirmière éteint les lumières, plongeant la pièce dans le noir. Alors, sans un bruit, le petit garçon ose enfin poser ses pieds sur le carrelage glacé. Seul le frémissement des branches dehors berce le silence inquiétant. L'obscurité, ici, semble dissimuler des monstres invisibles. Un instant, il hésite tandis que la crainte tord ses entrailles.
Instinctivement, les doigts de l'enfant viennent tortiller les perles bleues de son bracelet. Sa maman le lui avait offert à son anniversaire, un porte-bonheur venant d'un pays lointain. Depuis, à chaque fois que la peur le tiraille, il referme ses frêles doigts autour du bijou pour chasser ce sentiment.
Apaisé, il s'empare alors de la petite lampe torche sur la table de chevet et, guidé par un faible faisceau de lumière, se dirige vers l'unique issue de la pièce. Il tend l'oreille. Rien. Pourtant, Eric sait que le concierge ne tardera pas à passer.
L'enfant ouvre tout de même la porte et un long couloir sans fin s'offre à lui. L'angoisse revient au galop face à l'inconnu. La nuit déforme les lieux, rien ne paraît pareil. Malgré les frissons, Eric trottine à la recherche de l'escalier.
Soudain, des pas s'approchent. Vite. Il se plaque contre un mur. Le concierge apparaît. Il va le voir, c'est sûr. Les yeux fermés, il se pelotonne comme il peut.
Puis, le bruit s'éloigne et le gardien disparaît.
Soulagé, il reprend son escapade. Ça y est, l'escalier est juste là. Il s'approche et observe ces marches s'enfoncer dans la pénombre. Il fronce du nez. L'humidité y est singulièrement présente. Il palpe encore une fois son bijou de perles et descend. Les ténèbres derrière lui, lui donnent l'effroyable sensation d'être suivies. Alors, il accélère.
En bas, une porte à double battant émerge tel un miracle.
Il la pousse et pénètre dans une nouvelle salle. L'odeur est pire, agressive même. Le rayon de la torche balaye l'espace devant lui, dévoilant plusieurs lits métalliques dépourvus de matelas. Il s'approche d'une des couchettes. Cette dernière est recouverte d'un fin drap blanc.
Il se souvient maintenant comment les adultes appellent cet endroit : la morgue. Ce mot résonne horriblement à ses oreilles. C'est ici qu'on entrepose les morts. L'idée est atroce, mais il tend la main vers le tissu en dépit de sa répugnance. La curiosité est plus forte.
Brusquement, un mouvement le surprend.
C'en est trop. Il bondit en arrière et fonce vers l'unique globe de lumière indiquant la sortie juste en dessous. Il court, sans se retourner, avec la seule volonté de remonter vers la surface.
Pourtant, il n'aurait fallu que d'un seul regard en arrière pour découvrir l'atroce vérité : sous le drap légèrement relevé, un petit bras blafard orné d'un bracelet de perles bleues.
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Contes Lugubres
Short StoryRecueil de nouvelles horrifiques. A dévorer lors des nuits sans lune.