•2• La Tempête

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Ce matin, comme tous les autres, ta présence parfumée hante encore mes draps... Je me lève, laisse mes coussins dans mon lit mal arrangé, comme tous les jours, et descends les escaliers, les jambes encore engourdies de sommeil.

Une journée banale et, comme tous les soirs, le même rituel. Après avoir enfilé mon pyjama je rentre dans mon lit et me couvre de ma couette pour l'instant encore froide. Comme tous les soirs, je remets en place les coussins de mon lit, que je ne refais jamais le matin. Comme tous les soirs, je prends mon long traversin et le serre contre moi en pensant à toi.

Je me blottis contre ta poitrine imaginaire, puis je ramène mes peluches vers nous, comme si c'était tous les bons moments que j'ai vécu, souvenirs éclairés par ta bonne humeur permanente.
Mais l'un d'entre eux, est plus froid que les autres. C'est un souvenir teint de tristesse, et j'ai été heureux malgré tout, d'avoir été choisi pour consoler ta tristesse ce jour là, panser tes plaies, dans ce moment de ta vie qui fût compliqué pour toi. Depuis, lorsque je te parle, je fais attention à tout ce que je dis, à la manière dont je le dis. Il s'agirait de ne pas faire d'erreur bête. Je veux être irréprochable à tes yeux, comme tu l'es aux miens.

Tous les soirs, je m'endors en pensant à toi. Et évidemment, quand je me réveille, c'est pour toi.
Chaque geste que je fais, chaque respiration, je te les voue.
Et tous les moment que j'ai passé avec toi, je me souviens de chacun d'entre eux avec exactitude et bonheur. Je me souviens du jour où je t'ai vu pour la première fois, assise sur ce banc en pierre, regardant un anime avec un de tes amis. Je me souviens du soir où je t'ai révélé mon amour pour la première fois, sans succès. Je me souviens à quel point j'étais idiot quand après ta réponse, je forçais, faisais la victime. Ce soir là j'avais failli te perdre. Mais j'étais aveugle, et je le voulais vraiment. J'ai laissé le temps panser nos plaies, et je suis devenu seulement bien après ça, quelqu'un à tes yeux.
Dès le premier jour j'ai su que notre relation ne serait jamais comme les autres. Qu'elle tanguerait, suivant la volonté de cette tempête nommée Amour. Souvent, cet Amour est calme, apaisant, sensation légère mais omniprésente, et pourtant invisible...
Nombre de questions se sont créées dans ma tête, la plupart demeurant sans réponse. Pourtant j'ai cherché. J'y ai plus réfléchi que n'importe quoi d'autre, j'ai cherché des réponses dans les livres. Mais une tempête reste imprévisible. Elle possède sa conscience propre, va et vient comme bon lui semble. Se crée un rythme. C'est ce rythme qui me fait vivre. Un rythme simple, à deux temps : un premier battement, puis un deuxième plus faible, plus éloigné. Et cela se répète, douce mélodie d'un cœur qui bat pour un autre, un cœur qui bat pour toi, seule et unique tempête dans ma vie bien calme.
L'amour c'est aussi un sentiment plus doux, plus chaud. C'est ces papillons dans le ventre quand tu es près de moi, mes jambes se liquéfient, mon cerveau arrête de fonctionner. Car c'est mon cœur qui prend sa place. Je n'écoute même plus ce que tu me dit et je m'imagine toute une vie avec toi en quelques secondes. Puis la réalité et la banalité reviennent : "on est en quelle salle?"
Question simple et évidente, pourtant le bégaiement n'est pas évitable. Enfin je finis par te répondre avec beaucoup de difficulté. Et je me sens con.

L'amour c'est à chaque instant, mais jamais pareil. C'est comme une mer. Tantôt calme, apaisante. Douce sensation de flottement. Puis une tempête arrive , déferle avec acharnement, remue les flots, caresse les flots. Tempête que je me dois de contenir parfois, car je veux paraître irréprochable à tes yeux comme tu l'es aux miens. Donc la tempête saccage mon intérieur, me remue les tripes. Des fois ce sont mes sentiments qui veulent juste sortir et exploser, mais je sais que c'est dangereux, que ce n'est pas le bon choix. Et parfois c'est autre chose. De la frustration, à force d'attendre, ou même du désir.
Ce désir n'est pas sauvage, c'est quelque chose qui me transforme en quelque chose d'impuissant, comme un petit koala qui a besoin de sa mère. C'est quelque chose de doux. Tu as envie qu'elle te prenne dans ses bras, que tu sentes sa poitrine toute proche, son cœur battre en même temps que le tien. Mais je veux te sentir toi dans mes bras, moi dans les tiens. L'amour c'est pas qu'une seule chose. C'est un ensemble. Une partie de ta vie.
Et tu dois vivre avec.
Avec le temps les tempêtes se multiplient, toutes différentes, mais toutes teintées de la même marque. Celle de la douleur. Car évidemment si une tempête passe dans ta vie, te secoue, tu t'oublie toi-même, ta façon de vivre avant cette tempête. Toute ta vie change. Et après le passage de cette tempête, tu es perdu comme au milieu de l'océan. Mais au fur et à mesure que le temps passe tu retrouve ton chemin, ta petite vie tranquille. Jusqu'au passage de la prochaine tempête.
Et un jour, la tempête qui remue les flots et saccage ta vie se transformera en une belle pluie, qui viendra arroser tes cultures, faire pousser quelque chose de nouveau en toi. Cette plante, c'est le vrai Amour, l'Amour véritable. Et rares sont les marins à l'avoir véritablement trouvé.

La Promenade des Ombres |Recueil|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant