Un pied hors de la tombe

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- Alleeeeeeeez !

La voix, suppliante, appartenait à une jeune femme d'un peu plus de vingt ans, une petite brune habillée d'un T-Shirt banal bien qu'un peu abîmé et d'un jean. Entourée par des étagères chargées de bibelots plus anciens et poussiéreux les uns que les autres, elle implorait un vieil antiquaire, le fixant de ses yeux bleu clair volontairement humides, même si la technique d'attendrissement ne semblait pas fonctionner avec le vieil homme.

- Tu peux bien faire ça pour moi, Lucien !

Son interlocuteur ricana, amusé par la manœuvre. Il était visiblement, non, totalement, insensible à la tentative de la jeune femme qui aurait bien aimé l'amadouer.

- Ophélie, je t'ai dit que si j'obtenais quelque chose de cet acabit, je te préviendrais et tu serais la première à pouvoir profiter de l'offre. Il n'a jamais été question de la moindre petite ristourne !

- Une toute petite, une toute petite de rien du tout ! répliqua ladite Ophélie avec un sourire innocent, comprenant que la carte de la mine larmoyante ne lui servait à rien.

- Non.

- Tu es quelqu'un de si généreux ...

- La flatterie ne marchera pas.

Intérieurement déçue par ses échecs, la jeune brune baissa le regard en silence vers le comptoir de l'antiquaire, où reposait une vieille malle abîmée contenant le précieux bien qu'elle convoitait. Elle arbora un air pensif, comme si elle hésitait et calculait l'argent qu'elle pouvait dépenser, pesant le pour et le contre. Son expression, sciemment pensée - du moins l'espérait-elle - donnait à penser qu'elle hésitait.

Puis ses yeux revinrent au vieil homme et elle reprit en minaudant :

- Tu ne le ferais même pas pour ta petite cousine ?

- Pas même pour mes propres gosses !

- Et pour la fille de ton super cousin ?

- Tu radotes.

- Cette fille adorable, de ton cousin préféré ?

Lucien la dévisagea sans rien dire, un air goguenard affiché sur le visage, un sourcil relevé. D'un geste de la main, il lui fit signe qu'il était temps de sortir les sous. Elle leva les yeux au ciel, soupira, et attrapa son chéquier au fond de son sac à main.

- C'est bon, t'as gagné, admit-elle d'un air boudeur. Prends-le, ton argent ! C'que t'es avare ...

- Ma principale qualité ! Allez, file gamine, maintenant que tu m'as payé ! rétorqua l'antiquaire avec un ton moqueur.

La jeune femme attrapa la malle en maugréant quelques mots agacés, et sortit de la boutique avec son bien. Mais, une fois dehors et hors de la vue de son lointain cousin, elle abandonna sa mine boudeuse pour un grand sourire joyeux, et se mit à siffloter. Elle n'avait pas réussi à avoir de remise, mais elle s'y attendait. Le vieux Lucien était dur en affaires, et lorsqu'elle disait « dur », elle entendait par là « impossible ».

Rien, pourtant, ne pouvait entamer sa joie : bien sûr, elle revenait avec un compte en banque bien plus léger qu'à son entrée dans la boutique, mais cet achat était simplement l'occasion parmi les occasions. Sa meilleure acquisition depuis le début de sa courte existence. D'autant plus qu'il comptait parmi les petits plaisirs de l'année qu'elle se permettait. Alors oui, la passionnée d'antiquité égyptienne qu'elle était rayonnait de joie.

D'un pas léger, elle entreprit de rentrer chez elle.



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