Je crois que je suis tombée amoureuse.
Mais je crois qu'il n'existe pas, qu'il est plus beau dans ma tête que la vérité.
Pas beau physiquement, caractériellement parlant.
Qu'il est beau par le fait qu'il me correspond parfaitement.
Je m'imagine, sûrement trop souvent, lui parler, rire et rougir à ses mots.
Je m'imagine, trop souvent, mes mains entourant son torse fin alors que je suis installée sur le porte-bagage de son vélo puisqu'il est venu me chercher.
Je m'imagine, souvent, l'embrasser allongés tous les deux sur mon lit et lui, souriant contre mes lèvres.
La vérité ?
Je ne lui ai jamais adressé la parole.
Chaque matin, j'attends sur le quai mon train pendant six minutes. Et lui, arrive deux minutes avant qu'il n'entre en gare. Il est souvent un peu essoufflé parce qu'il vient jusqu'à la gare en vélo.
Je le sais car une fois j'étais en retard et je l'ai vu mettre le cadenas à son vélo.
Quand le train ouvre ses portes, il passe devant moi et, chaque fois, j'inspire son odeur quand il m'effleure.
Pop-corn. Il sent le pop-corn sucré, c'est la pensée que j'ai chaque matin avant de monter dans mon train.
Je le suis et nous nous asseyions, coordonnés, à la même place chaque matin. Deux sièges face à deux autres sièges. Je m'assois à côté de la fenêtre et il prend place face à moi.
Je pratique ma petite « routine train », comme je la surnomme, qui consiste à me maquiller légèrement. Puis je prends une photo de mes chaussures à côté des siennes pour l'envoyer aux mêmes amis chaque jour sur Snapchat, une vieille habitude adolescente. Et enfin, je sors mon petit carnet jaune et inscris la liste des choses que je dois faire dans la journée.
A la sixième station, nous nous levons tous les deux, quasiment d'un même mouvement par habitude. Je me rappellerais, encore et encore, la fois où nous nous sommes cognés la tête et où il s'était excusé. « Excuse-moi » avait-il dit d'une voix qui me reste dans la tête, une voix rauque mais mélodieuse.
A sa voix, j'avais supposé mille en une chose. Non-fumeur, chante mal, parle peu...
Et à cette station, nous dirigeons vers les portes, lui devant moi puisque je prends toujours du temps à enfiler ma grosse sacoche de cuir à l'épaule.
Les portes s'ouvrent, je pars vers la droite, lui à gauche.
Nous nous quittons et nous revoyons seulement lelendemain matin.
C'est la routine.

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Ses rêves pour une réalité
Short StoryElle faillit prendre son rêve pour la réalité. Mais le garçon du train n'est qu'un garçon qui prend le train.