Partie 1

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Il a de la chance que je l'aime. Je ne serais pas là sinon. Jamais de ma vie je n'aurais accepté de mettre les pieds dans un hôpital abandonné avec quelqu'un d'autre que lui. Ça me fait trop peur. Beaucoup beaucoup trop peur. Je ressens la même sensation étrange que lorsque j'étais petite et que je jouais à cache-cache : ce mélange d'envie de faire pipi et de chatouilles dans le ventre. C'est peut-être parce que l'Urbex est une sorte de cache-cache version adulte, avec un environnement glauque en plus. Le problème, c'est que j'ai toujours été nulle à cache-cache et que j'ai du mal avec tout ce qui est lugubre.

L'œil hagard et les bras croisés sur ma poitrine pour m'éviter de trembler, je suis Valentin à travers une vaste végétation. Il fait nuit noir et nous n'avons aucune lumière pour ne pas nous faire repérer. Il jure savoir où nous allons et c'est l'impression qu'il me donne. Cependant, tous les arbres et toutes les hautes herbes se ressemblent ici et j'ai bien peur qu'en réalité, il croit seulement savoir où nous allons. Une part de moi a envie que nous nous perdions, l'autre espère que l'hôpital ne va pas tarder à montrer le bout de son nez.

– Ça va ?

Valentin se tourne vers moi. Je ne distingue que son ombre dans la nuit, mais au son de sa voix, je devine qu'il est légèrement inquiet.

– J'ai la frousse, mais j'ai accepté de venir pour toi et pour me surpasser, alors on va dire que ça va.

Sa main vient trouver la mienne et il me tire vers lui.

– Tout va bien se passer, j'ai fait ça des tas de fois.

– Tout va bien se passer, sauf si on tombe sur des squatteurs, des animaux sauvages, un cadavre, que le sol cède sous nos pieds ou que la police ou le propriétaire nous trouvent.

Il penche la tête sur le côté et d'un ton amusé me répond :

– Est-ce qu'une seule de ses choses m'est déjà arrivée ?

– Le HLM à Limoges : tu as du te cacher parce que des droguées qui squattaient voulaient te faire la peau. Le manoir de la forêt : tu as voulu jouer les intrépides en montant dans le grenier, ton pied a passé au travers le plafond. Résultat, tu as marché deux semaines avec des béquilles. L'hôtel Leger : tu as déclenché l'alarme et est parti en courant, avant de tomber nez à nez avec le proprio et sa carabine. Je continue ?

Je n'ai pas besoin de lumière pour savoir qu'il s'humecte les lèvres avant de sourire. Je le connais par cœur.

– Est-ce que j'aurai affaire à une groupie ?

Valentin ressert son étreinte autour de ma taille.

– Non, juste à une petite-amie inquiète.

Je me mets sur la pointe des pieds et l'embrasse, avant de rajouter :

– Val'heureux, je n'en ai rien à faire. Valentin en revanche, j'ai toujours peur pour sa sécurité.

Avec douceur, il dépose ses lèvres sur mon front. Je ferme les yeux pour apprécier leur contact et soupire. Je n'ai jamais tenu autant à quelqu'un qu'à Valentin, mais évidemment, il a fallu que je m'entiche d'un aventurier doublé d'une tête-brûlée.

– Le truc, c'est que sans Val'heureux, tu n'aurais jamais pu faire la connaissance de Valentin.

En grimaçant, je lui tape l'épaule et il ricane. Je ne comprends toujours pas comment on peut être en couple depuis trois ans, malgré nos différences et tous les coups durs qu'on a subit, mais j'aime ça. On se complète. Il a fait de la youtubeuse Lifestyle plan-plan que j'étais, une personne plus fun et confiante. J'ai fait du youtubeur Urbex casse-cou, un explorateur plus proche de sa communauté. Il a fait de la fille timide et mal dans sa peau une jeune femme prête à conquérir le monde et à se surpasser. J'ai fait du beau gosse prétentieux un homme bienveillant et plus posé. On est devenu plus fort côte à côte grâce aux ragots qu'a entrainés notre relation. On a su resté l'un avec l'autre malgré le manque de vie privée auquel on fait face. On s'est construit ensemble. On est un meilleur nous, lorsque l'on est tous les deux.

Obsession  - Nouvelloween 2018Où les histoires vivent. Découvrez maintenant