Chapitre 1 : Boulversement.

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Le lendemain, dans le lycée d'Antigrad, à 17h

*Drrrriiiiiiing*

Enfin ! Il était temps que ça sonne ! Allez, bye bye l'éco bonjour le dodo !

Paï range ses affaires dans son sac, sort de la salle en saluant son prof puis quitte le lycée. Comme à son habitude, elle rentre à pieds.

Bon, j'ai pas de devoirs pour la semaine, ça c'est cool ! En plus demain je commence à midi, je vais pouvoir aider Papa au magasin !! Ah je suis trop contente, tout cet argent que je vais me faire... Qu'est-ce que je vais pouvoir m'acheter avec ?

À ce moment là, Paï, déhambulant dans le centre ville d'Antigrad, passe devant le bar-restaurant Ronflett's.

"Tiens, et si je m'arrêtais prendre un café ?"

Sur ces mots, la jeune adolescente rentre dans l'établissement. C'est un bar style années 50, à l'américaine. Les murs, de couleur turquoise, s'accordent au vert canard du coussin des tabourets. Des fleurs bleues, jaunes et vertes sont disposées dans des vases sur chaque table. Le bar n'est pas très grand, la salle faisant dans les 50m carrés. Paï avance jusqu'au comptoir puis s'assoit, et appelle la serveuse. Jusqu'alors affairée à ranger les bouteilles et flacons, elle se retourne, sourit à la jeune fille puis lui demande d'une voix angélique :
"- Que désires-tu à boireuh ?"
S'étonnant de son accent chantant, Paï ne répond que quelque secondes après...
"- Euh... Je... Un thé noir s'il vous plaît.
"- Très bieng, je vais te le faireuh. Tu veux mangger quelqueuh choseuh ?
- Hmm... Un gâteau au chocolat, dit elle les yeux pétillant de gourmandise.
- Bieng, je vais demangder ça au chef alore."
La jeune serveuse fait alors demi tour, se penche vers les cuisines et hurle avec force, violence et virilité :
" DOUDOU !!! UNEUH PART DE GÂTEAU AU CHOCOLAT ! ET PAS DANS UNE HEURE HÉ !"
Un simple "OK" se fait entendre des cuisines, mais Paï ne le perçoit pas. Elle est déjà stupéfaite par le changement brutal de la serveuse. Pour éviter son regard, elle se met d'ailleurs à scruter l'intérieur du bar... Vide. Pas un seul client.

L'adolescente dit alors à la serveuse :
"-C'est bien calme aujourd'hui...
-S'il n'y avait qu'aujourd'hui... Cela fait plusieurs semaineuhs que les cliengts ne vienneuhnt plus. Depuis l'annongce du gouvernemengt en fait.
-Celle où il faut défendre sa patrie ?, répond Paï étonnée.
-Nong haha, celleuh sur le protectiosmeuh, qui inviteuh à haïr les étranggers... Or, tu te douteuhs bieng queuh les amalgameuhs et les raccourcis racisteuhs sont viteuh fait, et que dongc... Les cliengts parteuhnt quoi."

Paï hausse les épaules mais ne comprend pas.
Certes, le gouvernement est xénophobe, homophobe et raciste depuis le début, et oui, il y a eu des annonces peu orthodoxes il y a quelques semaines mais... Quel lien avec cette serveuse ?

Paï comprend enfin et tombe de son tabouret ! Elle a la peau couleur café. Ce détail qui, pour la lycéenne est suffisamment anodin pour ne pas être relevé à suffit à désertifier un bar !

"Mais... mais... mais... C'est dégueulasse !, s'écrie la jeune fille en se relevant.
-Oui, mais c'est commeuh ça... Et puis heureuseuhmengt, ong a quelqueuhs cliengts de temgps eng temgps. , répond la serveuse, un léger sourire au lèvres, alors qu'elle verse l'eau chaude dans une grande tasse contenant une boule à thé."

Elle tend la tasse à Paï, puis lui fait signe qu'elle va chercher le gâteau en cuisine. L'adolescente prend la tasse, mais ne la boit pas de suite. Elle réfléchit à comment cette serveuse, à la peau café pouvait être à l'origine de telles choses, par la seule force de la propagande gouvernementale. Elle est pourtant très belle... Ses cheveux, bouclés, attachés en chignon, sont posés sur son grand frond. Celui-ci est occupé par une petite marque, au dessus de l'intersection des ses sourcils. De petite taille et assez maigrichone, elle paraît être encore une enfant, malgré sa vingtaine. De grands yeux noirs légèrement en amande lui donnent un regard doux et profond, renforcé par ses longs cils. Ses lèvres pulpeuses et en forme de cœur suffisent à trahir sa bonté et sa douceur naturelles. Cependant, elle est d'une grande vivacité et sait se montrer autoritaire et forte quand il le faut... Surtout avec le cuisinier apparemment ! Bref, cette jeune femme a tout pour être aimée, et l'injustice qu'elle subit révolte Paï, lui donnant envie de casser un mur... Ou un président, au choix.

"Bong, je retourneuh eng salleuh. Tu peux venir si tu veux, de touteuh manièreuh, il n'y aura personneuh d'autreuh si tu veux mong avis..., dit la serveuse à son cuisinier, en se dirigeant vers le comptoir. Tiengs, tong gâteau au chocolat. Le supplémengt changtilly c'est cadeau de la maisong.
-Oh, merci beaucoup !"

La serveuse, arbore un sourire en guise de réponse puis tend la note à la fille aux cheveux dorés.
"15euh frangcs neufs s'il teuh plaît.
Paï sort un cube de 20francs neufs (l'équivalent d'un billet de 5€).
"-gardez la monnaie.
-Merci beaucoup, c'est gengtil"

La jeune fille attaque alors son gâteau avec un geste rapide, presque farouche. Elle prend un peu de chantilly au passage puis, une fois cette bouchée déposée sur sa langue, aspire une gorgée de thé, remplissant ainsi complètement ses joues.
Ce gouinfrement est cependant troublé par l'arrivée d'un autre client. Celui-ci porte l'uniforme des troupes de maintient de l'ordre de l'armée. Il est habillé tout en noir, de son chapeau melon à ses bottes de cuir, en passant par sa gabardine et son pantalon en toile. Sa chemise est la seule à être de couleur, en l'occurrence orange, pour la ville d'Antigrad. L'individu s'approche du comptoir puis... crie en direction de la serveuse :
"Depuis quand une merde comme toi a le droit de travailler ? Tu vas me suivre au QG toi !!"
La serveuse sourit puis dit à Paï :
"Je m'appelleuh Flay, seuh fut ung plaisir."
Sur ces mots, elle prend l'arme jusqu'alors dissimulée sous le comptoir, une winchester bleu givre, puis allume la tête du soldat dans un grand "PROFFFF". Le cuisinier sort alors de son antre, armé d'une casserole et d'un couteau de cuisine et s'exclame, inquiet :
"Flay tout va bien ? Qui est cet homme ? Et cette jeune fille ?
- Oui je vais bieng, ce racisteuh a voulu m'umbarquer. Quant à elleuh, elle est top !
- OK... Bon, au cas où je vais rester avec vous. Je m'appelle Artz !"

Paï, encore choquée de la scène ne bouge pas. Et malgré le sourire du grand brun barbu, lui aussi maigrichon, elle ne peut s'empêcher d'avoir peur. Mais elle n'a pas le temps de dire un mot, qu'une douzaine d'hommes entrent dans le bar, jette des bombes à trou de vert et ressortent aussi. Les tirs de Flay arrivent cependant à en blesser trois, respectivement à la jambe, au bras et à la tête. Artz, quant à lui se jette sur ce qui semble être sa femme pour la protéger des explosions à venir. Mais Paï, elle... ne fait rien.
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BOUM

SmaragdaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant