Chapitre 1

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Musique : Piano Sonata No. 14 in C minor « Quasi una fantasia », Moonlight Sonata, Beethoven

Trouver un peu d'ombre devant la gare avait été un exploit.

30 degrés à l'ombre, une atmosphère moite, étouffante. Je me tenais posté devant la gare, derrière un panneau publicitaire essayant d'attrapper un peu d'ombre, assis sur mon sac de voyage plein à craquer, une cigarette au bec.

Il était 13h30 et je me demandais pour la centième fois ce que je foutais là, pourquoi j'avais pris cette décision de déménager à l'autre bout de la France, à Bordeaux.

Mon rendez-vous avec le proprio avait lieu dans une heure et demi, d'après le plan sur mon téléphone je n'étais qu'à 20 minutes à pieds de mon futur appartement, 10 minutes en bus. Une longue heure m'attendait et une angoisse sourde m étreignait la gorge depuis la descente du train. Non, rectification : depuis mon départ.

En tirant sur ma clope, je regardai pensivement mes vieilles Doc Martens au pieds, je mourrais de chaud, littéralement, mais j'avais dû voyager léger et abandonner la moitié de mes affaires chez ma mère. D'entre toutes, les Doc Martens étaient mes chaussures préférées. Même si je regrettais mon choix. Je ne savais pas exactement quand est-ce que je remonterai sur Paris pour récupérer le reste de mes affaires, c'est pas comme si ma mère avait les moyens de me payer un billet tous les weekends.

Je soupirai longuement et laissai ma tête s'appuyer sans grâce sur le panneau derrière moi.

Autour de moi, la vie estivale battait son plein. Des jeunes, des vieux, des familles, des couples... Et devant moi, trois grandes tours grises. Certainement une petite cité bien craignos. Étrangement, leur vision me rassurait, me rappelait mon chez moi, ma banlieue à moi.

Qui aurait dit qu'un jour la vision lugubre et déprimante d'une cité me rassurerait ?

Quand les policiers repassèrent devant moi pour la troisième fois en me dévisageant, je compris qu'il fallait que je bouge. Vêtu comme je l'étais (comme un « sale punk ») et avec cet air ahuri et fatigué sur le visage, je devais passer pour un clodo punk à chien et camé susceptible de devenir un danger pour la société à tout moment.

En rassemblant tout mon courage et ma force, je me redressai et hissai mon lourd sac de voyage sur mon épaule gauche. Le GPS sur mon téléphone allumé, je m'engageais, septique, dans ma nouvelle ville que je n'avais pas pris la peine de visiter.

« Bienvenue dans la vie étudiante, Simon. » Me marmonnai-je en marchant.

OOO

Si mon choix s'était portée pour la fuite et le déménagement dans une nouvelle ville, c'était parce que l'expérience m'avait montré qu'il n'était pas bon de rester dans l'une des pires cités de la région parisienne pour s'en sortir dans la vie. Définitivement pas.

Il fallait également ajouter que ma mère et mon grand frère m'y avaient forcé.

Même si ça l'avait tué de voir son petit loin d'elle, ma mère ne pouvait pas me laisser pourrir dans une banlieue alors que j'avais obtenue une bourse d'étude grâce à mes excellents résultats au bac. Ca avait été l'élément déclancheur.

C'était vrai, j'aurais pu me prendre une chambre de bonne à Paris et fréquenter une bonne fac dans le Paris intra muros, mais j'avais décidé de partir. Loin. Besoin d'air et de changement. Après tout, je pouvais toujours revenir chez ma mère si ça fonctionnait pas...

En tout cas, les transports en commun d'une ville à une autre se ressemblaient tous. Enfermé dans un bus blindé de monde, il régnait ici une chaleur d'enfer. Et je priais les dieux pour que mon arrêt arrive le plus vite possible. En grognant légèrement après le conducteur de bus qui avait freiné un peu brusquement, je sentis mon portable vibrer dans ma poche.

A la dériveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant