L'amour d'un soldat

Retour Aux Sources

La montée était rude, la forêt ne laissait passer aucun rayon de soleil.

Et soudain une éclaircie, une espace plat, de l'herbe verte et accueillante.

"Ici ça a l'air pas mal non ? On pourrait faire le feu là pas trop près des arbres.

-Ah ouais ! On s'arrête, on graille, on pionce ! Bon programme !

-Bien. Arrêtons-nous là. Lucie, Tom et Leiss, allez chercher du bois. Tiana tu viens avec moi trouver de quoi manger. Corentin et Éléanor vous montez le camp. Dispersion ! "

La nuit tombait rapidement et chacun se pressa d'accomplir la tâche qui lui avait été confiée. Tous se réunirent autour du feu fraichement allumé et mangèrent avec appétit les quelques fruits cueillis dans les environs.

Après s'être bien rempli l'estomac, ils allèrent se coucher et s'endormirent comme des bûches malgré la vétuité du camp monté avec les moyens du bord. Esilvya, la donneuse d'ordres, avait pris le premier tour de garde. Elle grimpa dans un arbre donnant une large vue et s'assit sur une branche.

Ses yeux se perdirent dans le vague. Et elle se mit à penser. Elle se mit à penser à ce qui l'avait amenée là. Au commencement de toute cette histoire. Son, histoire.

"-Maman, maman ! Regarde ce que j'ai attrapé !

-Wow ! Un faisan ! C'est génial Esilvya. Tu as fait du bon boulot. On va se régaler... Dis moi, ça te dit d'inviter Corentin et ses parents à manger ce soir ? Oui ? Allez, va donc leur dire. "

Toute contente, Esilvya se précipita vers la maison de Corentin, encore couverte de plumes.

"-Bonjour~ ! Bonjour Madame, ma maman vous invite pour dîner ce soir : j'ai attrapé mon premier faisan !

-Oh, félicitations Esilvya ! Tu veux aller voir Corentin ? Il est aux écuries. "

La petite fille se couru rejoindre son ami. Elle le trouva sans peine, s'occupant de son cheval.

" Corentin ! Tu devineras jamais ! J'ai attrapé un faisan ! On va le manger ce soir. Ma maman vous a invités, ta famille et toi.

-Sérieux ? Trop cool ! Tu l'as eu avec ton nouvel arc ?"

Une fois les deux enfants réunis, rien ni personne ne pouvait les déranger ou les séparer. Esilvya, 9 ans, faisait partie d'un clan de chasseurs établi dans la vallée du Soleil. Corentin, 10 ans, habitait quant à lui dans un petit village peuplé de citadins qui voulait se mettre au vert. 

Différents peuples et cultures cohabitaient... de loin, dans la vallée et s'entraidaient. Les enfants, eux, n'avaient cure des implications politiques ou des potentielles querelles territoriales des adultes et jouaient ensemble dans une diaspora cosmopolite.

Esilvya et Corentin décidèrent d'un commun accord d'aller chevaucher une petite heure dans la plaine pour s'ouvrir l'appétit.
Seulement, une heure quand on est avec son meilleur ami et qu'on s'amuse se transforme très vite en trois. Le Soleil s'était déjà couché lorsqu'ils prirent la décision de rentrer.

"Corentin, il y avait une fête de prévue ce soir ?

-Excepté la célébration de ton premier faisan, non pourquoi ?

-Regarde, il y a des lumières et de la fumée au village"

Corentin plissa les yeux et de la sueur froide coula dans son dos. Il regarda Esilvya qui avait l'air terrifiée, et lança son cheval au galop, suivi de son amie.

Le spectacle qui s'offrit à leurs yeux était des plus effrayants. Le village entier était dévoré par les flammes. Des corps gisaient au sol, ensanglantés. Esilvya dans l'incompréhension la plus totale se précipita vers sa maison, Corentin sur les talons.
Elle était effondrée. Le toit n'était plus qu'un souvenir et les murs étaient carbonisés. Une marmite restait sur le feu. À l'intérieur, un faisan ayant fini de cuire.
Une voix fit sursauter les deux enfants.

"Esilvya. Va t'en...

-Maman ! Ma-"

La petite fille se figea. Devant elle, sa mère, retenue par les cheveux, un couteau sous la gorge. L'homme qui l'avait capturée sourit méchamment.

"Les gars ! Y'a deux autres marmots ici !
Et bien les gamins, vous en avez mis du temps ! On vous a jamais dit que c'était pas bien de sortir quand il fait nuit ?

-L... Lâchez ma maman ! Vous voyez pas que vous lui faites mal ?"

L'homme, interloqué par un tel sang-froid regarda la petite face à lui. Il prit ensuite un air faussement contrarié, puis mima un sourire qui illumina son visage. Sans quitter Esilvya des yeux, il fit glisser d'un coup vif le poignard sur la gorge de sa mère.
Le corps inanimé de la femme tomba au sol. La petite fille écarquilla les yeux. Elle se précipita sur sa mère et la prit dans ses bras. En tournant la tête une dernière fois vers les restes de sa maison, elle aperçu son père, affalé contre un mur, une balle dans le crâne. Un profond désespoir s'empara d'elle et le vide se fit dans sa tête. Corentin s'agenouilla à ses côtés, trop choqué par ce qu'il venait de voir pour parler, ne sachant que faire.

Les complices de l'homme vinrent chercher les deux enfants, les empoignèrent et les firent monter dans un fourgon.
Là, ils retrouvèrent deux autres victimes de l'attaque. Une fille, aux longs cheveux roux, du village de Corentin, et un garçon, à la tignasse blonde, d'une tribue de guetteurs, cousins éloignés du clan d'ESilvya.
Tous avaient la tête baissée. Quiconque les aurait vus à cet instant n'aurait pas eu grand mal à imaginer ce qu'ils venaient de vivre. Il était tard, ils étaient épuisés. Le fourgon se mit en route, laissant les flammes terminer leur travail.

Au petit matin, le un coup de frein réveilla les enfants. Ils s'approchèrent avec crainte des fenêtres et furent aveuglés par la lumière extérieure. Quand leurs yeux se furent habitués, ils purent dicerner un grand mur, puis un immense portail. Des mots étaient inscrits sur une plaque métallique à côté du portail.

"Un orphelinat ?"

La jeune fille aux cheveux roux avait brisé le silence. Sa voix était enrouée, comme empâtée de ne pas avoir servi depuis un moment.

Le son mourut dans le silence pesant qui habitait le fourgon. "Orphelinat". Ce mot s'insinuait lentement dans l'esprit des enfants. Oui, en l'espace d'une nuit, ils étaient devenus des orphelins.