2. Sybille

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2. Sybille

Sofia a boudé durant tout le cours de sport. Elle n'a même pas bronché lorsque Lou s'est encore moquée d'elle et de son legging imprimé. Elle a simplement ignoré en bâillant longuement, ce qui a eu l'air de faire beaucoup marrer Samuel. Je ne sais pas ce que ce crétin essaie de faire, mais ça ne sent pas bon. La réputation de Rousseau le poursuit. Il séduit les filles à la pelle, les jette au petit matin. Il est en rébellion contre ses parents, contre la société, contre la vie. Il se met sans cesse en danger, roulant à moto sans casque, consommant des produits illicites, participant à des bagarres dès qu'il en a l'occasion. Samuel n'est pas un gentil garçon, il ne l'a jamais été. Je n'ai aucune envie que Sofia se retrouve entre ses filets et en pâtisse. Car ma meilleure amie est comme moi.

Une romantique invétérée.

Si elle devient la nouvelle lubie de ce type, même le temps d'une nuit, elle en souffrira. Je ne pourrai pas le supporter. Elle est la personne la plus importante à mes yeux. Si elle se sent mal, moi aussi. Nous sommes comme deux sœurs.

Inséparables.

- Tu vas faire la gueule longtemps ?

Sofia ne répond pas. Elle hausse les épaules, puis pénètre dans la salle A sans me regarder. Je crois que je l'ai blessée sans le vouloir. Elle devrait pourtant être capable de comprendre que je ne veux pas qu'elle s'offre au premier venu. Encore moins à Samuel Rousseau qui représente tout ce que je déteste en ce bas monde. Je veux qu'elle trouve quelqu'un qui l'aime pour ce qu'elle est vraiment, pas un bad boy à la noix qui veut simplement « se taper unegrosse ». Sofia mérite tellement mieux que ça.

J'entre dans la salle de classe sans un mot de plus. Elle reviendra vers moi lorsqu'elle se sentira prête à me pardonner ma maladresse. Dans le fond de la pièce, Soren est déjà installé, écrivant dans son carnet fétiche. Je m'installe à ma place, ne pouvant m'empêcher de me retourner de temps à autres pour l'observer. Ce garçon m'intrigue plus que n'importe quel autre. Il est dans sa bulle et rien ne semble pouvoir l'en faire sortir. Même lorsque Lou lui a proposé de sortir avec lui, il a simplement haussé un sourcil décontenancé, puis a prononcé un « non, merci » qui a mis la jolie brune dans tous ses états. C'était bien la première fois qu'un mec osait lui mettre un râteau. Depuis, le groupe des populaires s'amuse à se moquer de lui, le considérant comme un véritable pestiféré. Mais ça lui glisse dessus. Il s'en fout royalement et ça a le don d'agrandir le mystère autour de lui.

- Je sais que vous adorez les travaux de groupe, chantonne gaiement notre professeur de littérature.

Un brouhaha d'élèves dépités l'interrompt. On déteste ça. On est issus d'une putain de société d'individualistes, comment pourrait-il en être autrement ? On ne sait plus travailler ensemble. La notion de « groupe » est de plus en plus abstraite à nos yeux.

- Ne grognez pas avant de savoir de quoi il s'agit, s'empresse-t-il d'ajouter. Plus d'un mois s'est écoulé depuis la rentrée et je remarque que vous ne faites aucun effort pour apprendre à vous connaître les uns les autres.

En même temps, qui aurait envie d'apprendre à connaître Lou Berger, connasse professionnelle ?

- Vous allez donc être en binômes et devoir écrire un poème ou un texte rendant hommage à votre camarade.

Toute la classe éclate de rire à l'unisson. C'est sans doute l'idée la plus ridicule que nous ayons entendue jusqu'ici. Ce n'est pas parce que nous sommes en Terminale L que nous sommes tous des écrivains en puissance. J'ai toujours aimé écrire, mais je sais que Sofia peine à aligner deux rimes.

Si belle, Sybille (sous contrat d'édition ❤️) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant