Nomination

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9 mois plus tard...

Le soleil s'engouffrait dans l'ouverture comme un torrent dans la faille d'un rocher. La grotte était calme, spacieuse. De l'herbe sèche couvrait le sol de terre. Des particules de poussière traçaient dans un rayon doré une galaxie en mouvance. Une petite main se tendit, cherchait à attraper les étoiles imperceptibles, les faisant voltiger en tous sens. Emerveillé, Koun souffla dessus, amenant une petite bulle de salive au coin de ses lèvres. Un papillon jaune traversa le ciel miniature, semant la panique parmi les constellations, auxquelles le petit garçon n'accordait plus aucune attention : lancé à quatre pattes à la poursuite de l'insecte ailé, il traversa la grotte, quitta l'abri et s'aventura sur le tumulus qui menait à la gueule de pierre, étirant ses babines de calcaire sur un sourire édenté. Sa proie trainait paresseusement en l'air, comme deux pétales d'une fleur emportés par la brise. Mais hors de sa portée. Koun, vexé, accéléra, se prit dans une racine et trébucha. Il débaroula le talus comme une pierre, et atterrit sur une énorme masse molle. Pas refroidi une seconde par sa chute, le garçon attrapa une pleine poignée de poils rêches et gris et tira dessus en babillant de bonheur. La masse, dans un ébranlement, se redressa. Koun vit apparaître une tête énorme de sanglier, pourvue de quatre yeux rougeoyants, tous fixés sur lui avec un air mauvais. Deux défenses de granit sortaient de la large gueule, un souffle glacial s'échappait des babines et fit éclater de rire le très jeune enfant. L'Esprit, aussi haut qu'un très gros cheval, et presque quatre fois plus large, s'ébroua, rattrapa au vol l'enfant qui avait lâché prise, et poussa un profond soupir aux relents humides. Koun se tortillait comme un ver, suspendu par son pagne en tissu à une défense de la bête, qui escalada le talus, quittant à regret sa sieste, et pénétra dans la grotte, sous une pluie de petits fragments de terre et de cailloux, décrochés de la voûte par le frottement contre son échine. Trop immense pour y rester bien longtemps, il déposa sans douceur son petit paquet au sol et, à reculons, s'extirpa par l'ouverture. Effectuant un pénible demi-tour devant l'entrée, ses yeux se plissèrent sur la silhouette qui, paisiblement, savourait le soleil, à quelques mètres.

- Sune.

- Des difficultés avec ton petit... protégé ?

- Aucune, grogna l'Esprit sanglier en s'affalant près du renard blanc, battant paresseusement ses deux queues touffues dans un rayon de soleil.

Sune plissa un œil, véritable goutte d'or dans son épais pelage de neige, et bailla bruyamment, ouvrant grand une gueule tapissée de dents effilées.

- Que vas-tu faire de cet Humain minuscule ?

- Il n'est pas Humain. Je dois trouver une famille d'Esprit qui pourrait l'intégrer dans une portée.

Savourant sa déclaration, le Mohi lança un regard, ou plutôt deux, en coin, vers son ami, qui mimait une stupéfaction démesurée.

- Pas Humain, dis-tu ?

L'Esprit renard bondit sur ses pattes fines et se faufila dans la grotte avant que l'autre n'ait pu redresser ses quelques tonnes. Dans le refuge, Koun mâchouillait son petit pied avec application, et, lorsque le renard glissa sa truffe humide par l'ouverture pour l'observer, il éclata dans des gazouillements incompréhensibles et se rua pour tirer sur ses moustaches. Le Mohi, impuissant face à la curiosité de Sune, surveillait d'un air mauvais les deux queues qui seules dépassaient encore à l'extérieur. Lorsque le petit poussa un grand cri de terreur, la crinière rêche qui lui couvrait le corps s'hérissa et il saisit la fourrure blanche entre ses mâchoires puissantes, pour sortir l'Esprit loin du bébé. Sune, l'air froissé, lissa longuement son poil du bout de la langue, sous le regard sévère de son ami, puis finit par lâcher, d'un ton indifférent qui contrastait bien avec son précédent empressement :

Koun, Hybride de deux UniversOù les histoires vivent. Découvrez maintenant