CHAPITRE PREMIER

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Je me réveille en sursaut quand je sens une brûlure dans mon dos. La panique me submerge quand je réalise que j'ai commis l'erreur de m'endormir dans le salon. La douleur se répand dans mon corps, et je sais sans me poser la question, que c'est cette entité qui m'a de nouveau attaqué, profitant de ma faiblesse humaine : la fatigue. Je me tance intérieurement en allant constater les dégâts dans la salle de bain. Je pense déjà savoir ce que je vais y découvrir, n'étant pas la première fois qu'elle m'attaque. 
             La peur me rend amère. Je ne supporte pas rester dans cette demeure maudite. J'ai envie de m'enfuir, pour partir très, très loin d'ici. J'ai tellement souffert entre ces murs, au cours de mon enfance !
             — Je devrais démolir cette maison ! assuré-je à haute voix en sachant qu'elle m'entend très bien.
             Une réponse ne se fait pas attendre quand j'entends le bruit de moteurs s'arrêter devant la maison. Je mets mon pull de survêtement pour camoufler mon débardeur et les griffures, et descends les escaliers de l'étage en courant pour me rendre sur le perron. Comme je me doute, l'équipe de Shadow's Guys descend d'une voiture et d'un fourgon, et vient à ma rencontre. Je descends les marches pour les accueillir :
             — Bonjour !
             — Cate, c'est ça ? me demande un premier homme.
             Je regarde plus en détail ce grand baraqué tandis qu'il s'approche rapidement de moi. Il porte des lunettes de soleil noires, ce qui lui donne un air assez mystérieux limite flippant. Mais j'aime bien ce style vestimentaire. Son look gothique n'arrange cependant pas la confiance que j'ai en lui au premier coup d'œil : un t-shirt avec une croix gothique surmontée une tête de mort, un pantalon en jean noir, et des rangers noirs. J'aperçois une croix gothique dépassant de la manche courte de son t-shirt, une croix celte surmontée d'ailes noires au poignet droit, et une dernière autre sur l'index de sa main gauche, chrétienne cette fois.  Il ne lui manque que les bracelets à clous pour compléter le look du parfait gothique angoissant. Au moins il ne porte pas de maquillage noir, et il a la peau bronzée. Néanmoins, à en juger par son air autoritaire et droit, cet homme me laisse penser qu'il doit être le chef de l'équipe. Ce qui me laisse penser qu'il a beau être gothique, il n'en est pas moins sérieux.
             — Hécate, le corrigé-je lorsqu'il arrive à ma hauteur.
             — Veuillez m'excuser. Je me présente, je suis Jaker Barns, mais vous pouvez m'appeler Jak. Je suis l'enquêteur principal.
             Il paraît gêné de s'être trompé dans mon prénom, à en juger par ses joues qui prennent une légère teinte rosée. Il se racle la gorge et me présente rapidement le reste de l'équipe qui s'approche de nous, que je détaille rapidement en leur souriant.
             — Voici Arnaud Soongin.     
             Aussi grand que Jak, il est chauve et barbu. Lui aussi est habillé de noir de la tête aux pieds. À la réflexion, ils portent tous cette couleur. J'en viens même à me demander si ce n'est pas la couleur réglementaire de l'équipe... Arnaud est toujours souriant, et à en juger par son regard moqueur à l'adresse de Jak, il doit être taquin. Jak le présente également comme l'enquêteur secondaire.
             — Voici ensuite, Bobby Tanner.
             Technicien audio-visuel, il a les cheveux plus longs que ses acolytes, fait une tête de moins que ses amis. Ses cheveux sont noirs, et il affiche un air sérieux en regardant la propriété d'un air distrait. Je note cependant que lui et leur dernier collègue a l'air moins gothique que les deux premiers.
             — Et enfin, Ray Wessen.
             Deuxième enquêteur secondaire. Il a les cheveux mi-longs, et me regarde les yeux plissés, et les bras croisés. Il affiche un air indéchiffrable. Il porte lui aussi une barbe soigneusement entretenue.  
             — Enchantée, souris-je. Soyez les bienvenus !
             — C'est chez vous ? reprend-il pour cacher son malaise.
             Je secoue la tête, puis me rattrape.
             — Enfin je veux dire... oui c'est chez moi, mais je n'y habite plus. Je loge provisoirement dans la caravane, sur le côté de la maison.
             — Vous vivez dans une caravane... reprend-t-il.
             Je croise les bras mal à l'aise.
             — Vous pouvez tout nous dire ! Il s'agit de notre boulot, on rencontre ces phénomènes tout le temps ! Beaucoup de gens nous contactent à travers le monde !
             Je plisse les yeux en prenant une grande inspiration, et leur demande sur la défensive :
             — Lucrèce ne vous a pas expliqué la situation ?
             Ma meilleure a contacté les Shadow's Guys, spécialisé dans l'étude de phénomène paranormal, la semaine précédente. Elle sait que je n'osais pas le faire. Elle est convaincue que je ne suis pas folle, pour avoir été témoin de ma première attaque. Et ces professionnels sont censés le prouver, même si pour l'instant je dois avouer qu'ils ne m'inspirent guère. J'aurais aimé pouvoir profiter du soutien et du courage de Lucrèce. Mais elle attend un bébé, et ce genre de lieu n'est pas fait pour une femme enceinte.
           — C'est votre version que nous aimerions entendre. Que se passe-t-il chez vous ?
             — Peut-être pourrions-nous entrer pour que je vous explique tout !
             — Dans le témoignage on ne s'attendait pas à bosser dans une maison si grande ! s'exclame Arnaud en admirant l'édifice.
             — Arnaud, ne commence pas ! le sermonne Jak.
             — Est-ce qu'il y a un problème ? demandé-je, inquiète.
             — Non aucun, ne vous en faites pas ! me rassure-t-il en retirant ses lunettes noires.
             — Eh bien... si je dois vous expliquer mon histoire depuis le début, il nous faudra du café, plaisanté-je pour cacher mon malaise. Je reviens tout de suite.
             Je les conduis dans le salon pour qu'ils se mettent à l'aise et je vais dans la cuisine, mais je suis suivie par Jak. Je trouve alors la cafetière au sol, brisée en mille morceaux.
             — Qu'ils s'en aillent, où je les ferais souffrir... menace la voix de l'entité qui me harcèle depuis si longtemps maintenant.
             J'essaie de l'ignorer, mais sa mise en garde m'inquiète.
             — Elle a recommencé, constaté-je pour moi-même, paniquée.
             Je fais quelques pas en arrière et me heurte contre la poitrine de Jak. Je m'écarte gênée, suis son regard sur les morceaux verres éparpillés et constate sa surprise.
             — Est-ce que ça vous arrive souvent ?
             — Oui, mais elle ne se manifeste que très rarement en présence d'inconnus. Elle se montre étonnamment agressive aujourd'hui. D'ailleurs, elle me demande de vous faire partir, ou elle vous fera souffrir. Je crois que votre présence l'inquiète.
             — Sympa comme entrée en matière, s'enthousiasme Jak.
             Je reconnais que je suis un peu rassurée de voir qu'il ne s'enfuit pas en courant. J'admire son courage. Et me sens un peu plus à l'aise. Je lui tourne le dos pour tout nettoyer, et prépare à nouveau du café par tasses avec ma machine à percolateur. Ce n'est pas aussi rapide que la cafetière, mais je n'ai pas le choix. Je crois que je risque d'en avoir besoin pour tenir.
             — Hécate... vous est-il arrivé autre chose, depuis que votre meilleure amie nous a contactés ?
             Je reste silencieuse, et me mord la lèvre inférieure. Je me demande si je ne dois pas attendre que tout soit prêt pour en parler devant tout le monde.
             — Il faut que nous sachions ce qui nous attend ! insiste Jak. Quoi qu'il vous soit arrivé, nous sommes prêts à vous croire !
             Je pose les tasses pleines sur un plateau, et lui réponds hésitante.
             — Cette nuit, j'ai été attaquée par l'entité.
             — Attaquée ? Expliquez-vous !
             Je plisse les yeux en me mordant la lèvre inférieure. C'est plus gênant que je ne le pensais, de montrer mes griffures. Je n'aurais peut-être pas dû mettre mon pull à la réflexion...
             — Vous risquez sans doute de trouver ça étrange, mais il faut que j'enlève mon pull pour vous montrer.
             Il accepte mal à l'aise, en reculant de quelques pas pour me laisser de l'espace. Je prends une grande inspiration pour me donner du courage, et enlève mon pull rapidement en veillant à garder mon débardeur à sa place. Je pose mon pull sur le plan de travail, rouge de honte, et tourne le dos à Jak après avoir croisé le regard gêné de celui-ci. Je tire mes cheveux sur le côté, et le laisse regarder.
             Jak pousse alors un hoquet de surprise.
             — C'est elle qui vous a fait cette griffure ?
             Je sens ses doigts chauds se poser sur mon dos. Je sursaute de surprise, et me tourne vers lui pour lui faire face. Il a repris une distance raisonnable.
             — Oui. J'ai commis l'imprudence de m'endormir dans le salon cette nuit. Je faisais le ménage, et me suis posée pour faire une pause. C'est la douleur qui m'a réveillé ce matin, juste avant votre arrivée.
             — Ça vous ennuie que je prenne cette griffure en photo ?
             Il semble mal à l'aise, ses pommettes sont rouges. Je hoche la tête silencieusement, quand un cri retentit depuis le salon.
             — Putain les gars !
             Je sursaute et reconnais la voix d'Arnaud. Jak me regarde surpris et accourt vers son ami. Je le suis, ne voulant pas rester seule. Je reviendrais chercher les cafés plus tard.
             — Que se passe-t-il ? demande Ray s'inquiétant pour Arnaud qui fait les cent pas devant nous.
             — Arnaud, pourquoi tu as crié ? l'interroge Jak.
             — Qu'ils dégagent ! s'exclame l'entité, en colère.
             Je sursaute en retenant un petit cri, et Bobby semble le remarquer.
             — Vous allez bien ?
             — Elle est vraiment furieuse.
             J'en ai les mains qui tremblent. Je serre les poings pour canaliser ma peur, sans grand succès.
             — J'ai vu la silhouette d'une femme, en haut des escaliers ! s'écrie Arnaud ébranlé, en montrant l'endroit où elle apparaît souvent. J'en ai la chair de poule ! Regardez !
             — Bobby, tu l'as filmé ? lui demande Jak.
             — Elle n'apparaît pas sur la caméra.
             — Et toi Ray, tu as capté un PVE ?
             — Un PVE ? répété-je sans comprendre.
             — Oui, c'est ce qu'on appelle un phénomène de voix électronique.
             — La vache, je ne me sens vraiment pas bien... soupire Arnaud.
             Jak fronce les sourcils et se tourne vers moi. Je m'inquiète tout à coup. Va-t-il mettre un terme à l'enquête ?
             — Il faut que vous nous racontiez tout !
             Je souffle de soulagement.
             — D'accord, ne bougez pas je vais chercher les cafés.
             Je lance un regard navré à Arnaud qui semble vraiment mal, et quitte rapidement le salon en direction de la cuisine.

HANTÉE Tome 1 : Sacrifice (Publié sur Amazon)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant