NÉMÉSIs

Chapitre III

...

Je me dirige vers lui et sans crier gare, je lui donne un coup de pied au tibia. Le pauvre faut voir sa tronche. Je crois que j'en rirai toute ma vie...

_ t'es malade. Il crie presque en faisant mine de se lever.

Sans demander mon reste je fonce vers la chambre que je ferme à double tour. Une bonne douche s'impose. Mais avant je réveille Fatima. Assez dormi jeune fille!

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Néma

Je suis là, assise en face de Alfy. Je l'entends parler sans vraiment l'écouter. De temps en temps, j'essaye de me concentrer sur ce qu'il dit mais sa voix me paraît si lointaine.
Des souvenirs émergent petit à petit et je ne peux m'empêcher de repenser au passé. Au temps où je l'aimais. Tout alors chez lui me plaisait. Son sourire, ses focettes, son regard. Je me sentais coupable de ressentir ce genres de choses pour le petit ami de ma soeur, mais je n'étais pas maîtresse de mes sentiments. Comme qui dirait que l'amour a ses raisons que la raison ignore.
J'avais quinze ans à l'époque. Je ne savais pas définir le verbe aimer. Aimer, tout le monde pense aimer quelqu'un ou quelque chose mais l'on se trompe souvent. Aimer ce n'est pas seulement désirer pour posséder. Aimer c'est désirer pour connaître. Aimer c'est désirer de percer le mystère de l'autre, c'est accepter de voir son côté sombre et mauvais, c'est admirer ses qualités. Aimer c'est s'engager à ne jamais haïr une personne parce que si l'un de ses défauts nous déplaît, une de ses qualités saura combler le gap. Aimer! Tout conjugue le verbe aimer. Aimer! Quoi de plus merveilleux et de plus universel ?

Je regarde Alfy. Ses traits sont tirés à cause de la fatigue. Ses yeux sont entourés de cernes si profonds qu'on voit tout de suite qu'il souffre d'insomnie. Et dire que j'ai pensé aimer un homme tel que lui. Je ne saurai dire ce qui m'a le plus déçue. Si c'est la désillusion ou le fait d'avoir perdu mon temps à adorer un être qui n'en vaut pas la peine.

_ tu m'écoutes Néma??? Fait Alfy en passant ses deux mains devant mes yeux histoire de me faire revenir sur terre.

Je ramène mon regard perdu vers lui. Il n'a pas vraiment changé. Toujours grand de taille, yeux rieurs, sourire moqueur. Sa chemise blanche contraste avec sa peau sombre. Mais ni son sourire ni la teinte rosée de ses lèvres ne me font effet. De la passion qui me brûlait il y'a neuf ans, il ne reste plus que cendres...ou pas...En tout cas, j'essaye de m'en persuader.

_ excuse-moi. Que disais-tu?

_ tu es encore dans les vapes Néné. Ce n'est pas en rêvassant que tu vas bien t'occuper de Fatima.

_ de un, la manière dont je m'occupe de Fatima ne te regarde pas Alfy,je dis d'une voix que je veux posée mais vibrante de rage, de deux, je ne suis pas "Néné ", pas de familiarité entre nous. On est pas potes.

_ ok ok! entre nous peut-être il n'y a aucun lien mais avec Fatima, c'est autre chose. La petite m'aime déjà et me fait confiance. T'as vu comment elle m'a accueilli tout à l'heure?

En effet, fraîchement lavée, Fatima est venue nous rejoindre au salon que j'ai fini de ranger sous le regard de Monsieur. Sans crier gare elle s'est jetée au cou de Alfy pour l'étreindre de toutes ses petites forces. J'étais c-h-o-q-u-é-e! Alfy aussi était surpris, vu qu'il a mis du temps avant de répondre à cette démonstration de tendresse. Il l'a enlacée à son tour avant de la soulever de terre. Je regardais le spectacle, c'était si apaisant de la voir heureuse. Depuis sa première rencontre avec "tonton Alfy", Fatima m'en faisait voir de toutes les couleurs. Elle boudait les repas, se tenait seule dans son coin, avec son air triste rien que pour que je l'amène voir "tonton Alfy". Ça me fendait le coeur de la voir ainsi mais je n'y pouvais rien.
  
Elle est trop jeune pour comprendre, pour comprendre que les choses changent, que les rêves nous brisent, que des cœurs liés peuvent rompre, que la vie nous éduque, que l'Amour meurt...ou peut-être pas ! Comment lui faire comprendre que je ne voulais pas la faire souffrir en ramenant dans sa jeune vie celui qui avait abandonné sa mère. Celui qui l'avait reniée avant même sa naissance?
Je ne savais plus quoi faire.