- Montre-les moi.
Ces trois mots sont sortis de sa bouche sans qu'elle ne le décide. C'était une évidence, presque une urgence. Une urgence de tout ce temps à rattraper, de tous ces mots qui ne sortaient jamais mais que tout son corps voulait exprimer. Elle voulait qu'il sache qu'elle était là pour lui, en cet instant. Qu'elle l'aimait tel qu'il était et que plus aucune barrière ne pouvait les séparer.
Surpris, il se laissa faire. Toute la matinée, il s'était répété mentalement les phrases qu'il lui dirait, les gestes qu'il ferait. Ce n'était pas du tout à cela qu'il s'attendait mais Ophélie ne faisait jamais les choses comme lui les voyait. Et là, c'était beaucoup mieux! Il n'avait pas l'habitude ni le caractère de se laisser guider par quelqu'un d'autre que lui, mais ses tentatives pour l'aborder avait toujours été si... maladroites.
Elle glissa ses mains de la nuque de Thorn vers son col brodé d'or. Elle ressentit alors une boule de feu envahir soudainement son bas ventre puis son cœur se gonfler d'un amour immense et trop longtemps contenu. Elle vit ensuite une femme vêtue d'un peignoir en satin qui la fixait avec des yeux de braise. Ce n'était pas le regard d'une bambina effarouchée mais d'une femme remplie de désir. Elle mit du temps à la reconnaître, c'était elle, Ophélie.
Elle lâcha de suite la tunique de Thorn qu'elle avait lue sans le vouloir. Cette lecture ne dura que quelques secondes, peut-être moins, mais les émotions qui en découlèrent étaient si intenses qu'il lui fallut un moment pour s'en remettre, la respiration haletante. Elle avait vu l'amour sincère que cet homme lui portait et avait ressenti tout le désir qu'elle lui inspirait. Cela réveilla en elle des sensations jusque là inconnues.
Thorn baissa ses yeux glacier sur elle. Pourquoi avait-elle interrompu son exploration? En voyant ses sourcils arqués et ses yeux perdus dans le vide derrière des lunettes rougissantes, il comprit. Elle ne portait plus ses gants et avait dû le lire involontairement.
- Je m'en charge, dit-il avec une voix qui se voulut douce.
Il déboutonna avec des gestes précis sa tunique impeccable, en essayant de ne pas trop s'imaginer ce qu'elle avait pu découvrir à son sujet en cet instant. Il ôta sa veste puis la chemise qu'il portait en dessous. Il les posa méticuleusement sur le bord du lit et prit une grande inspiration. Il n'avait jamais montré à personne l'ampleur de ses cicatrices, et se mettre ainsi à nu devant elle était pour lui une grande porte ouverte sur son jardin secret. C'était une liseuse et là il lui montrait le livre de sa vie, inscrite à même la peau.
Ophélie découvrait son torse et ses bras meurtris. Elle essaya de s'imaginer les douleurs et les mortifications qu'il avait dû endurer et qui avaient fait de lui l'homme qu'il était devenu. Elle commença à caresser du bout des doigts les cicatrices de ses bras, profondes et nombreuses. Il tressaillit à ce contact timide. Puis de la paume des mains, elle continua sur sa poitrine imberbe et blanche. Il sentait un mélange de savon et de désinfectant qui l'étourdissait.
Thorn ploya vers l'avant sa longue colonne vertébrale d'un geste très lent, afin de se pencher sur son attèle. Il était le seul à pouvoir libérer sa jambe de sa cage métallique sans que celle-ci ne se rebiffe. Son animisme avait fait d'elle sa plus insupportable complice de ses sauts d'humeurs.
La jambière se laissa libérer dans un grincement métallique et fut rangée au pied du lit où une grande paire de bottes encore humides vint ensuite la rejoindre. Peu de temps après, une écharpe tricolore miteuse s'entortilla à nouveau à elle pour ne plus s'en défaire.
Ophélie, surprise du mouvement de Thorn, avait gardé les mains sur lui. Celles-ci glissèrent du torse aux épaules. Elle lui jeta un œil prudent afin qu'il soit prévenu de ses intentions et continua son exploration vers le dos nu qui se présentait maintenant à sa hauteur. Les marques étaient plus longues comme si elles avaient été infligées par un fouet acéré. Elle se mit à tressaillir à son tour en songeant aux probables auteurs.
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Lune de miel à Babel
FanfictionPetite Fanfiction en 3 actes de La Passe Miroir sur ce qui se passe juste après la mythique dernière scène "Montre-les moi" du tome 3 La mémoire de Babel (ou communément appelée la scène 56!) vue par Ophélie et Thorn. Tous les personnages et l'unive...