Ophélie s'était assoupie assez vite dans ses bras. Il l'avait recouverte d'un drap et veillé à ce que ses petites mains ne touchent rien. Il remit une de ses mèches rebelles qui tombait sur son visage et la regarda dormir.
Malgré tout ce temps et cette distance, elle l'aimait et elle avait parcouru des arches pour le rejoindre. Elle était ce qu'il avait de plus précieux au monde et elle venait de s'offrir à lui. Il aurait dû être le plus heureux des hommes mais une ombre lui gâchait ce moment magique. Il lui avait fait mal, il l'avait vu à ses petites rides sur son visage. Il n'avait pas été à la hauteur. En plus de se sentir comme un piètre mari, il se sentait maintenant comme un piètre amant. L'émotion et l'effort eurent raison de lui petit à petit et il s'endormit à son tour.
Ophélie fut réveillée par un bruit, un bourdonnement. Celui de la radio mal éteinte. Elle dégagea le plus discrètement possible son bras pour attraper ses lunettes sur la table de chevet. Elle accrocha au passage le verre vide qui tomba mollement sur la descente de lit et poursuivit sa route en arc de cercle sur le parquet. Elle se figea en espérant ne pas avoir dérangé Thorn allongé tout contre elle. Elle soupira de soulagement en entendant que sa respiration lente et régulière ne s'était pas interrompue. Elle mit ses verres et le regarda. Elle souriait car elle ne l'avait jamais vu si paisible. Aucune ride disgracieuse ne barrait son front et tout son corps était complètement détendu. Un autre Thorn rien que pour elle. Elle mit ses gants et réussit l'exploit de sortir du lit sans provoquer d'autre catastrophe qui aurait pu réveiller son mari.
Elle fouilla dans les vêtements à terre et retrouva son peignoir qu'elle enfila à même la peau. Elle se cogna au coin du lit et alla éteindre la radio à cloche-pied. En se retournant, elle regarda, à la lueur des quelques rais de lumière qui s'échappaient des rideaux, l'homme endormi dans le lit. Elle le trouvait beau. Pas comme le sont les esprits de famille, les galants de la Citacielle ou les Généalogistes. Non, beau avec toutes ses imperfections. Beau avec ses principes et sa fidélité. Beau avec ses marques tant sur le corps que dans son cœur. Elle se sentit soudainement fière d'être son épouse.
Avec le sourire qui ne la quittait plus, elle alla sans bruit et en claudiquant dans le cabinet de toilette qui jouxtait la chambre. Cette pièce fraîche et carrelée du sol au plafond était inondée de lumière. Elle cligna des yeux afin de s'habituer à la luminosité. Elle observa un moment son reflet dans le miroir. Même si rien dans sa physionomie n'avait changé, elle y voyait à présent une femme et non plus la gamine d'Anima. Elle tendit sa main, un peu fébrile, vers la surface réfléchissante et celle-ci se laissa pénétrer, aussi fluide que l'eau. Elle la retira ravie. Elle était pleinement elle-même.
Rafraîchie et parfumée, elle regagna le cœur léger la chambre où Thorn l'attendait. Il s'était redressé dans le lit et avait les sourcils légèrement froncés en la voyant entrer.
- Bonjour Monsieur Thorn, taquina t-elle.
- Bonjour Madame Thorn, répondit-il d'un ton neutre. Comment te sens-tu?Ophélie prit le temps de répondre à cette question. Comment se sentait-t-elle?
- Parfaitement bien ! Lâcha-t-elle avec un grand sourire. Je me sens... complète!
Oui, c'était le mot qu'elle cherchait.Thorn ne comprit pas l'allusion mais le visage rayonnant d'Ophélie le rassurera un peu. Il remarqua qu'elle frissonnait et lui proposa qu'elle le rejoigne pour la réchauffer en relevant une partie du drap.
Le regard d'Ophélie glissa sur le lit et ses lunettes virèrent au turquoise. Thorn baissa ses yeux vers la direction des draps et y trouva quelques petites taches sombres rougeâtres.
Ophélie était horriblement confuse de ne pas s'être rendu compte qu'elle avait sali le linge immaculé lors de leur étreinte et que Thorn le découvre, là, devant elle. À sa grande surprise, Thorn d'un geste sûr apposa une de ses grandes mains sur la zone indécente et la fit glisser sur le tissu en deux mouvements. Lorsque il retira sa main, le drap était propre et parfaitement lisse. Comme sorti de la blanchisserie.
À la vue de cette scène pour le moins étonnante, Ophélie, repensa à son frère Hector qui avait exactement le même animisme sur ses vêtements et se demanda avec amusement s'il s'agissait d'une caractéristique purement masculine.
Thorn, lui, regardait, avec une pointe de malice, le regard ahuri de sa femme devant ses prouesses animistes, dont elle était elle-même la source. Mais il s'inquiéta également de son état de santé.
- Tu es sûre que tout va bien? Lui demanda t-il lorsqu'elle le rejoignit dans le lit.
- Oui Thorn, tout va bien. Fit-elle plein de douceur. Ophélie se tourna face à lui, elle avait perçu la voix troublée de Thorn.
- Et toi?
- Je m'en voudrais de t'avoir fait mal et... Je crains de ne pas être très doué, de ne pas être digne de toi. Dit-il, un peu confus.Ophélie, stupéfaite d'entendre de telles paroles, prit le visage anguleux de Thorn entre ses mains et le regarda dans le blanc des yeux.
- Thorn, je vais parfaitement bien. Nous nous sommes tellement désirés et attendus. Nous sommes deux débutants en ce domaine mais nous avons toute la vie pour nous perfectionner, dit-elle d'une voix douce et le regard plein de gaité. Quatre ans entre notre mariage et notre lune de miel, ne penses-tu pas que cela fait un peu beaucoup? Rit-elle de toutes ses dents.Il observa sa femme. Elle avait quelque chose de changé: une certaine assurance dans sa voix et son regard, une nouvelle aisance et beaucoup de charme avec ses cheveux en bataille.
- Je t'aime, Ophélie.
- Je t'aime Thorn
- Et cela ne fait pas tout à fait quatre ans, mais trois ans, dix mois et vingt-sept jours, railla-t-il.Pour toute réponse, elle se glissa sur le torse de Thorn et embrassa avec passion son époux ébahi, qui la laissa avec joie prendre les rennes.
Il comprit bien vite qu'il n'était ni un piètre mari ni un piètre amant en voyant celle qu'il aimait le désirer avec tant d'ardeur et sentit sa fierté décupler en l'entendant pousser ses premiers gémissements de plaisir.
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Lune de miel à Babel
FanfictionPetite Fanfiction en 3 actes de La Passe Miroir sur ce qui se passe juste après la mythique dernière scène "Montre-les moi" du tome 3 La mémoire de Babel (ou communément appelée la scène 56!) vue par Ophélie et Thorn. Tous les personnages et l'unive...